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C'est une histoire méconnue de la Seconde Guerre mondiale, celle des tireuses d'élite de l'Armée Rouge. Envoyées sur le front, beaucoup ne reviendront pas. Dans son roman Etoile rouge, Florian Ferrier s'inspire du destin de l'une de ces héroïnes.
Sébastopol, en Crimée, le 12 juin 1942. La jeune tireuse d'élite russe, Lioudmila Pavlitchenko, a tué 300 Allemands pour défendre sa ville contre l'offensive des armées du général von Mannheim.
Etoile rouge (Editions Buchet Chastel) plonge le lecteur dans le chaos de la Seconde guerre mondiale, sur le front de l'Est. Au-delà de l'histoire de l'héroïne du roman, Lenka, inspirée de l'histoire vraie de Roza Chanina, c'est la condition des femmes combattantes durant le conflit qui est au coeur de ce récit.
Roza Chanina est née à Edma, petit village russe perdu en pleine taïga, fille d'une trayeuse de vaches dans un kolkhoze et d'un bûcheron infirme du fait d'une blessure reçue pendant la première Guerre mondiale. Roza aurait été prénommée ainsi en hommage à la révolutionnaire marxiste Roza Luxemburg.
Après avoir suivi volontairement l'entraînement militaire pour les hommes, en 1943, elle intègre l'Académie centrale de formation des femmes tireurs d'élite de Podolsk. Elle obtient son diplôme avec la mention "excellent" et se retrouve au front à l’âge de 19 ans.
À partir de 1942, l'Armée rouge décide de faire appel à de plus en plus de femmes pour compenser ses pertes catastrophiques. Si certaines sont volontaires, la plupart sont en réalité mobilisée d'office.
Comment avez vous entendu parler de ces femmes, elles étaient 2 000 environ ?
Florian Verrier : Cela s'inscrit dans un projet que je traite depuis 3 romans sur le rôle des femmes dans la seconde guerre mondiale, car beaucoup y ont participé de manière directe ou indirecte, dans tous les camps, que ce soit russe, allemand ou français. En fouillant, en cherchant des sujets, j'avais déjà repéré ces sections de tireuses d'élite de l'Union soviétique.
Une partie du journal de Roza Chanina.
Le destin de Roza Chanina m'a particulièrement intéressé car c'est la seule à avoir laissé un journal, alors que cela était interdit. La première partie a été perdue mais j'ai pu en lire la deuxième partie. Je me suis dit qu'il s'agissait d'un personnage tellement légendaire et pourtant tellement réel.
Quand on lit son journal, on est impressionné par sa rage, sa rage froide de combattre. Florian Verrier
C'est d'abord une combattante ?
Indéniablement, elle sent que son destin est de combattre. Elle cherche à se faire engager dans cette section de tireuses d'élite, sans avoir jamais tenu un fusil avant. Il se trouve qu'elle venait de terminer ses études d'institutrice, elle est toute jeune sans avoir pu beaucoup s'occuper des enfants, mais elle voulait s'engager pour son pays et prenait ça très au sérieux. Elle ressentait vraiment le besoin du combat. Quand on lit son journal, on est impressionné par sa rage, sa rage froide de combattre.
Peut-on dire que la guerre est devenue un refuge pour elle, après ses traumatismes familiaux ?
Elle avait perdu ses frères et soeurs, c'était le lot de l'époque, des familles ont été décimées après trois ans de guerre difficile contre l'armée allemande. C'est sans doute une partie de ce qui la décide à se battre. Mais pas seulement, il y a quelque chose dans son caractère de très déterminé. Déjà toute petite, elle faisait 40 km par jour pour aller à l'école primaire. Plus tard, pour faire ses études, comme elle habitait dans le nord assez déserté de l'Union soviétique, elle devait traverser la forêt pendant 200 km pour rallier la gare et se rendre à Arkhangelsk pour faire ses études.
Les Russes ont vraiment misé sur les femmes dans cette guerre. Florian Verrier
Ce qu'on voit dans votre livre le rôle de ces femmes tireuses d'élite. Sur le front les hommes veulent les ramener à l'arrière des combats pour qu'elles n'aient que des rôles d'infirmière, ce qu'elles refusent d'ailleurs ...
Oui, c'est compliqué pour les Russes de gérer ces femmes au combat alors que pourtant il y a avait une égalité parfaite hommes-femmes, on voit que cela a des limites. Mais les Russes ont besoin, comme l'on dit au poker, de faire tapis, c'est à dire qu'ils ont besoin pour gagner cette guerre de mettre toutes les forces qui sont à leur disposition. Du coup, les femmes participent, il y en a qui conduisent des chars. Il y a des unités entières de bombardiers qui sont uniquement composées de pilotes féminines. Les Russes ont vraiment misé sur les femmes dans cette guerre.
Une unité féminine de tireuses d'élite de l'Armée rouge avant d'aller au combat.
La propagande aussi s'est servie des femmes et notamment de Lenka devenue sorte d'icône ?
Lenka est sur le front à Smolensk, au contact avec les Allemands, qui se trouvent à 200 m devant les Russes, et ça ne bouge pas depuis presque un an. Son rôle est de tuer le plus de soldats allemands possible.
Seulement quand la victoire arrive, elle voit ses frères d'armes piller, violer...
Il lui arrive aussi de faire des erreurs. Elle a même parfois forcé ses camarades à monter au front alors que les tireuses d'élite étaient sensées rester en arrière. Souvent, elles n'en reviennent pas, sauf elle. Elle met en danger les autres, de part son caractère autoritaire. Elle l'est même presque "trop" selon ses camarades.
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