"Nous avons examiné toutes les charges alléguées et il est clair que l'ensemble des faits concernés sont du ressort d'activités entièrement légales et démocratiques" affirme l'avocat de Sevil Sevimli. Cette jeune étudiante franco-turque de 20 ans avait quitté le domicile familial de Belleville-sur-Saône près de Lyon pour aller étudier à l'université d'Eskisehir. En partenariat avec l'université Lyon II dans laquelle elle menait une licence information et communication, Sevil Sevimli entretenait aussi son engagement politique.
"Je suis profondément de gauche, j'ai grandi dans cet esprit, et en France je pouvais lire tout ce que je voulais. En Turquie, je me suis bien sûr intéressée à la campagne des étudiants qui militent pour un enseignement gratuit, car j'ai connu moi-même des difficultés économiques. Un jour, à l'école, j'ai confectionné une affiche revendiquant la gratuité de l'enseignement. Ce n'était pas interdit! Je suis une simple étudiante, je n'appartiens à aucune organisation." Voila les propos de Sevil Sevimli rapportés par le site turc
Cumhuriyet . En plus de la confection de cette affiche, elle est accusée d'avoir assisté à la projection d'un documentaire sur Güler Zere, une opposante de gauche décédée d'un cancer non soigné en prison. On lui reproche aussi d'avoir participé à un concert du groupe engagé Grup Yorum, et enfin sa présence à un pique-nique collectif lors de la manifestation du 1er mai. La criminalisation de ces activités, fondamentalement légales, est rendue possible par la loi anti-terrorisme en vigueur depuis 2006. Sous le coup de cette procédure d'exception, la jeune étudiante franco-turque s'est vue nier sa double nationalité, et les autorités d'Ankara ont maintenu l'ambassade de France éloignée de son dossier jusqu'à la fin du mois de juin, après deux mois d'incarcération. Une personne du consulat Français avait alors pu lui rendre visite.
Mobilisation Peut être la création d'un comité de soutien a-t-elle fait évoluer les choses ? Le président de l'université Lyon II, Jean-Luc Mayaud, a aussi rédigé une
lettre publique appelant à la "libération immédiate" de Sevil Sevimli.
Le Monde s'est par ailleurs emparé de son cas dans un éditorial intitulé
"Quel crime a commis Sevil Sevimli, M. Erdogan?" Forte de ce soutien, la famille ne désespère pas. Son père, resté en France essaye d'être confiant :
"Mon épouse est sur place et ne rentrera pas sans sa fille. Elle peut la voir au parloir tous les mercredis et m'a rapporté que ses conditions d'incarcération se sont améliorées et qu'elle a le moral" confiait-t-il à l'AFP début juillet.
Une pétition a aussi été lancée le 12 juillet dernier, avec le soutien de la famille de Sevil Sevimli dans l'espoir de faire avancer son dossier. L'engagement pour sa libération est autant une revendication démocratique, car son cas est loin d'être isolé.
"Selon ma fille, des arrestations massives ont été menées dans tout le pays sur la base de soupçons de liens avec le DHKP-C, un parti clandestin d'extrême gauche" affirme le père de Sevil Sevimli. Plus de 600 étudiants turcs sont emprisonnés depuis 2010, selon des organisations étudiantes, et un millier de lycéens ont été arrêtés ces derniers mois. Au début de l'année 2012, 105 journalistes, 44 avocats et au moins 16 membres d'organisations de défense des droits de l'Homme et 41 syndicalistes étaient toujours emprisonnés, principalement au titre d'accusations de terrorisme.