Simone Susskind : bâtir un pont entre Européennes et Maghrébines

Vingt jeunes femmes algériennes, marocaines, tunisiennes et belges ont suivi des femmes politiques bruxelloises le temps d'un week-end de campagne électorale, les 10 et 11 mai derniers. Cette rencontre s'inscrit dans le projet Femmes Leaders de demain, piloté par la féministe Simone Susskind, très engagée pour la paix au Proche-Orient, présidente d'Action en Méditerranée. Elle est candidate (socialiste) aux élections régionales de Bruxelles, destinées à pourvoir les 89 sièges de députés au Parlement de Bruxelles, le 25 mai prochain.
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Simone Susskind : bâtir un pont entre Européennes et Maghrébines
Simone Susskind lors de son interview sur TV5MONDE
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“L'idée : leur donner des outils pour s'engager en politique“

Se rencontrer en Belgique ou au Maghreb pour échanger ses expériences politiques. Comment ces femmes maghrébines et belges ont-elles vécu leur rencontre ? La réponse en images dans notre reportage. 
 
Comment ce projet a-t-il été mené ? Ne peut-on pas y voir la volonté d'Occidentales de donner des leçons aux femmes maghrébines ? Quelle philosophie pour cette action ? Simone Susskind était interviewée par David Delos dans le JT de TV5MONDE.
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15.05.2014Propos recueillis par Bénédicte Weiss
Des femmes maghrébines se sont rendues en Belgique récemment. Des femmes politiques belges vont-elles, elles aussi, aller en Tunisie, au Maroc ou en Algérie pour partager une expérience semblable ?
 
Notre projet s'adresse à des jeunes femmes de quatre pays : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Belgique. Dans chacun d'entre eux, nous avons sélectionné cinq jeunes femmes, selon des critères de sélection que nous avons élaboré avec un comité de pilotage. L'idée, c'est qu'elles soient déjà entrées en politique, par exemple au niveau local, ou bien qu'elles soient dans l'associatif et intéressées de s'engager en politique. Elles sont donc vingt, et nous les réunissons quatre fois dans l'année : le mois dernier, en avril, à Tunis, dans deux semaines, en mai, à Casablanca, puis en octobre à Alger et en novembre à Bruxelles. Pendant et entre chaque rencontre, cinq coachs travaillent avec elles. 
 
Outre ce travail de coaching, qui est pour moi fondamental, nous les confrontons à des modèles, à des femmes, pendant chaque session. Elles en ont rencontré six ou sept durant leur séjour à Tunis. Celles-ci avaient des choses importantes à raconter sur leur vie, leur carrière et leur engagement, qu'il s'agisse d'aspects sociaux, politiques, économiques ou culturels. La prochaine session se fera sur le même modèle. C'est tout un parcours, qui doit les amener à acquérir des outils importants pouvant leur servir si elles s'engagent en politique. 
 
 
Quelle place pour la rencontre que vous venez d'organiser à Bruxelles avec des candidates aux prochaines élections ?
 
La rencontre que nous venons de faire à Bruxelles s'est ajoutée à notre programme initial. Nous aurons trois élections en Belgique le même jour, 25 mai : les européennes, les élections pour le Parlement fédéral et celles pour les parlements régionaux. Il fallait que nous profitions de cette opportunité pour faire un exercice de démocratie et de féminisme appliqués. Nous avons pris contact avec vingt femmes politiques situées à différents niveaux de pouvoir et issues de différents partis. Nous leur avons demandé de piloter l'une des jeunes femmes de notre projet pendant deux jours, pour qu'elles voient comment cela se passe chez nous. 
 
Ce n'est pas du tout de l'ordre du donneur de leçons. Cela a été une expérience absolument fabuleuse pour nos candidates belges, que d'avoir avec elles une jeune femme venant d'un pays du Maghreb, avec qui elles ont développé quelque chose de très important au niveau personnel. Je pense que cela va se poursuivre. Et puis pour nos jeunes femmes maghrébines, cela a été une expérience formidable de voir comment cela se passe chez nous. Ce qui est ressorti de cet échange et de ce contact, c'est de voir à quel point c'est relativement facile pour nous, femmes et personnalités politiques dans nos pays européens, de s'engager, et comme c'est un combat dans les pays du Maghreb en particulier.
 
Vous dites que ce n'est pas de l'ordre du donneur de leçons. Mais si quelqu'un devait en donner, ne serait-ce pas justement ces femmes maghrébines qui, elles, ont vécu les printemps arabes ?
 
C'est vraiment un échange ! Il y a, dans ce cas-ci, du donneur de leçons du côté des Européennes et des Belges. Et il y a du donneur de leçons du côté des Maghrébines. Elles nous ont, à toutes, donné une leçon de persévérance, d'engagement et de volonté d'arriver à quelque chose qui soit une démocratie correspondant à leurs aspirations et dans laquelle elles pourront, en tant que femmes, jouer le rôle qui leur revient. 
 
 
Pourquoi ne pas associer des hommes à ce projet ?
 
Beaucoup de ces femmes méditerranéennes nous ont dit qu'il faudrait que les hommes soient partenaires. Je trouve cela formidable parce que nous, dans le mouvement féministe européen, il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre que nous ne menions pas un combat contre les hommes, mais que nous devions le faire avec eux. Ce sont des processus qui ont démarré dans les pays scandinaves. Tout cela, ces femmes l'ont déjà, en quelques sortes, acquis. Elles l'ont compris. A mon avis, cela va aller beaucoup plus vite dans ces pays-là où c'est pourtant beaucoup plus difficiles car ils sont musulmans, patriarcaux, etc., que nous ne l'avons vécu nous-mêmes. C'est extraordinaire parce que nous n'y avions, évidemment, pas pensé. Ce qui est formidable pour moi qui ai conçu ce projet et qui le pilote, c'est de voir à quel point des idées nouvelles émergent, à quel point nous allons tout faire pour s'imprégner de toutes ces idées et de tout ce qui se passe pour vraiment poursuivre ce travail.