Simone Veil au Panthéon : Les temps forts de la cérémonie

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Simone Veil au Panthéon
Un an après son décès, Simone Veil est entrée aujourd'hui au Panthéon, en compagnie de son époux, Antoine Veil.
 
​(c) Frantz Vaillant
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Simone Veil est entrée au Panthéon, accompagnée de son époux, lors d'une cérémonie nationale ce 1er Juillet 2018. Un an après sa disparition, cette "grande dame, la patrie reconnaissante", a reçu, elle et ses nombreux combats, l'hommage de la France et des Français.es. Une cérémonie retransmise en direct sur TV5monde.

Simone Veil est la cinquième femme à entrer au Panthéon. Avant de rejoindre leur dernière demeure, Simone et Antoine Veil ont reposé vendredi 29 et samedi 30 Juin au Mémorial de la Shoah afin de permettre au public de venir se recueillir devant les cercueils du couple Veil dans sa crypte située sous le parvis. 

Dès 9 heures ce matin, malgré une chaleur étouffante, le public est déjà présent en masse autour de la place Edmond Rostand et de la rue Soufflot à Paris, en attendant que la procession avance vers le Panthéon. La cérémonie doit commencer dans deux heures, mais les Français tenaient à rendre hommage à Simone Veil, comme cette jeune fille interviewée par Terriennes.
Un tapis bleu, symbole de paix et de l'engagement européen de l'ancienne ministre a été déployé jusqu'à l'entrée du Panthéon. 
Le convoi amenant les dépouilles du couple arrive enfin sous les applaudissements du public. 

« Le kaddish sera dit sur ma tombe »

Il est 11 heures. Les membres de la garde républicaine se mettent en place autour des deux cercueils recouverts du drapeau tricolore. Un solo de violoncelle commence, dans un grand silence. L'émotion est à son comble. La garde républicaine se met en marche sous la clameur populaire.

La garde républicaine
Les membres de la garde républicaine portant les cercueils des époux Veil sur la rue Soufflot.
(c) Frantz Vaillant

Et puis la voix de Simone Veil retentit. « J’étais française sans avoir à me poser des questions. […] mais être juive, qu’est ce que cela signifiait pour moi ?  La religion était totalement absente de notre foyer familial», pouvons-nous entendre. 
Elle évoque ses deux parents, morts en déportation, lui laissant pour seul héritage des « valeurs humanistes que le judaïsme incarnait. De cet héritage, il ne m’est pas possible de dissocier le souvenir sans cesse présent des six millions de juifs exterminés pour la seule raison qu’ils étaient juifs. Je ne peux me séparer d’eux et cela justifie que, jusqu'à ma mort, ma judéité soit imprescriptible. Le kaddish sera dit sur ma tombe. »

Le cortège reprend accompagné par les violoncelles, altos et violons. Il marquera plusieurs arrêts le long de cette rue jalonnée de totems et photos de Simone Veil retraçant son parcours, sa vie, ses luttes. 

La Maitrise populaire de l'Opéra Comique entonne tout d'abord l'Hymne à la joie, l'hymne européen. Il est alors important de rappeler que Simone Veil fut la première femme à devenir présidente du Parlement européen en 1979.


La foule est toujours aussi dense autour de cette rue. Les gardes républicains reprennent leur marche avant une nouvelle intervention de la chorale qui interprète une version poignante de Nuit et brouillard de Jean Ferrat, traduite en langue des signes, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous.

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La Maitrise populaire de l'Opéra comique a interprété "Nuit et brouillard" de Jean Ferrat, dans une version en langue des signes.

« La France aime Simone Veil »

Le cortège arrive enfin face au Panthéon recouvert d'une photo du couple entourée des drapeaux français et européen. Dans la tribune officielle où sont installés les membres de la familles et les amis proches de Simone et Antoine Veil, ainsi que des personnalités comme les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, on se prépare à l'arrivée du président Emmanuel Macron. Son épouse, Brigitte, le précède et salue la famille de Simone Veil. 

Le président Macron
Le président Macron pendant son discours devant le Panthéon
(Frantz Vaillant)

Emmanuel Macron commence alors son discours, en évoquant le premier combat de Simone Veil, celui pour la justice : « La France aime Simone Veil. Elle l’aime dans ses combats, toujours justes, toujours nécessaires. »
Sa volonté de panthéoniser Simone Veil un an seulement après sa disparition, "Ce sont les Français qui l'ont décidé", pour que, dit-il, « ses combats restent une boussole dans ces temps troublés. »

Le président Macron rend ensuite hommage à l'engagement de l'ancienne ministre de la Santé pour les droits des femmes, dont l'accomplissement majeur fut bien entendu la loi qui porte son nom, et qui légalise l'interruption volontaire de grossesse (IVG), en 1975.  « Simone Veil savait que dans ce noble combat des droits humains la moitié de l’humanité continuait à être obstinement oubliée, les femmes. [...] Alors elle se battit pour que justice soit faite aux femmes. A toutes les femmes. »

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« Chaque jour qui passe est un nouveau combat contre la barbarie »

L'horreur de la Shoah est au coeur du discours d'Emmanuel Macron. Il aborde l'humanité et la civilisation perdues à Auschwitz, que Simone Veil croyait possible de retrouver, malgré tout. « Chaque jour qui passe est un nouveau combat contre la barbarie », disait-elle. 

Il insiste sur la solidarité des Français pendant la guerre, ceux qui ont caché des Juifs, leur ont fait de faux papiers, en rappelant la volonté première de Simone Veil :  «Lorsqu’elle décida de témoigner sur sa déportation, c’est d’abord pour rendre hommage aux Justes de France. »

Le président a un mot pour le mari de Simone Veil, Antoine, lui aussi, grand combattant pour la justice. Sa présence aux côtés de son épouse est une évidence. « Il n’était pas pensable que Simone repose sans Antoine, cette compagnie lui aurait manqué. »

Emmanuel Macron termine son discours par un « Vive la République, vive la France!», avant que ne retentisse la Marseillaise interprétée par la cantatrice Barbara Hendricks et le chœur de l’armée française, remplaçant le Kaddish pour l'entrée des Veil au Panthéon. Une Marseillaise reprise par certain.e.s parmi le public.

Vient le moment bouleversant de la minute de silence, assez particulière aujourd'hui. À la place du silence habituel, un enregistrement hautement symbolique de bruits champêtres à Birkenau, datant du 17 juin 2018, à l'aube. Des chants d'oiseaux, le vent dans les arbres, un souvenir qu'évoquait Simone Veil, ces sons lui permettaient de s'évader du camp, par l'esprit. L'émotion se lit sur tous les visages, notamment ceux des proches du couple Veil.

Les cercueils vont maintenant entrer sous la nef du Panthéon. La cérémonie se poursuivra à huis-clos, avec les proches et l'entourage de la famille. 
Les grandes portes du Panthéon, qui ne s’ouvrent que pour accueillir les grands hommes mais aussi désormais aussi les grandes femmes laissent entrer les deux dépouilles.
Les Parisiens acclament pendant de longues minutes encore ce moment solennel. 

Un peu plus d'une heure après le début de la cérémonie, les portes se referment laissant aux proches l'intimité de cet événement. 

Les officiels se saluent, le public toujours présent malgré la chaleur continue à témoigner son attachement à cette grande dame, comme cette femme interviewée par Terriennes : 

Quelques heures plus tard, les portes du Panthéon s'ouvrent à nouveau, d'ailleurs plus tôt que prévu, sans doute en raison de la forte affluence, pour laisser celles et ceux, nombreux, venus rendre un dernier hommage à cette "grande dame, la patrie reconnaissante". Les dépouilles de Simone Veil et de son époux sont installées en plein coeur de la nef centrale, là aussi sur un tapis bleu, couleur de l'Europe. Le public défile, silencieux, alors que la voix de Simone Veil résonne sous la coupole, un enregistrement de quelques phrases dans lesquelles elle se raconte, sa déportation, les fausses cartes d'identité, ou encore son entrée en politique.

panthéon les deux cercueils
Les cercueils de Simone Veil (à gauche) et de son époux Antoine Veil (à droite) installés au coeur de la grande nef du Panthéon, ouverte au public, avant de rejoindre le caveau numéro 6, lundi 2 juillet 2018.
©IMourgere


L'émotion est encore présente pour ces visiteurs, femmes et hommes, de tous âges, qui se pressent pour prendre une photo des deux cercueils, qui dès lundi 2 juillet seront inhumés dans le sixième caveau du Panthéon, où ils rejoindront pour l'éternité, l'Histoire et la mémoire, Jean Moulin, André Malraux, René Cassin et Jean Monnet.
Entrez ici Madame Veil.