Fil d'Ariane
"C’est la première fois qu’on les revoit ensemble depuis le décès de notre père depuis avril 2013. Pour nous, c’est évidemment très émouvant"explique, ému, Pierre-François Veil, le plus jeune des fils de Simone et Antoine Veil.
Nous devons désormais partager notre mère
Pierre-François Veil
Il est accompagné de son frère Jean, l'aîné de la fratrie. Sont-il fiers ? Bien sûr qu'ils le sont. Mais, comme l'expliquait Pierre-François Veil à Madame Le figaro, "L'entrée au Panthéon est un immense honneur mais c'est aussi un second arrachement parce que nous devons désormais partager notre mère, et que le Panthéon et sa crypte n'incitent guère à la conversation intime".
Dans quelques instants, les "gens de la presse" pourront entrer avant l'ouverture au public, prévue à 10H.
Nous sommes donc devant le Mémorial de la Shoah, situé dans un quartier juif historique de Paris, au coeur du IVe arrondissement, là où, au XIIIème siècle, les Juifs avaient été repoussés, dans le marais, un quartier alors insalubre de la capitale française.
Une petite dizaine de personnes attendent l'ouverture des grilles. Elles sont venues rendre hommage à cette grande figure politique, féministe ardente, icône de la réconciliation européenne et survivante des camps nazis.
A retrouver la biographie de Simone Veil dans Terriennes : > Simone Veil : une histoire de France
Simone Veil, décédée voici un an, le 30 juin 2017, était membre fondatrice du Mémorial et, pendant 6 ans, elle fut présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
Simone Veil avait perdu ses parents et son frère dans les camps de la mort. Elle fut déportée à Auschwitz à 16 ans par le convoi n° 71 du 13 avril 1944.
Plusieurs livres de souvenirs, à disposition du public, permettent de la retrouver adolescente puis jeune femme, maman, magistrate, ministre, députée européenne.
Cet hommage, à la fois public et intime, a été voulu par la famille. Deux jours de recueillement avant l'entrée du couple Veil au Panthéon dimanche 1er juillet 2018 au matin.
Voici maintenant exposés, dans la crypte, les cercueils de Simone Veil et de Antoine, son mari. 67 années de vie commune et d'engagements.
L'ambiance est au recueillement.
Nul ne songerait à élever la voix. Pas même les photographes et caméramen, pourtant réputés chicaneurs en tout lieu et toute saison.
Non, rien de tel ici.
Les journalistes semblent eux aussi imprégnés par la solennité du lieu. Derrière les deux cercueils recouverts du drapeau français brûle une flamme au centre d'une grande étoile de David en marbre noir. Cette flamme est un hommage aux six millions de juifs morts, de la Seconde Guerre mondiale.
Mais les premières personnes arrivent.
Marie Claire, octagénaire, est la première personne à venir murmurer quelques mots en guise d'hommage : "Simone Veil, pour moi, représente tout le malheur de la déportation." dit-elle à voix basse. Maurice, 85 ans, est à ses côtés. Il confie : "Je suis un enfant caché du Nord, sauvé par les cheminots, en 1942, avec 50 autres gamins. Simone, c'est notre modèle de courage, c'est une idée de la France extraordinaire qu'il faut préserver car elle est bien souvent en danger, cette pauvre France. Simone est un exemple de courage que j'ai envie de suivre jusqu'à la fin de mes jours. Lutter contre le racisme et l'antisémitisme..."
#Simoneveil Nathalie, 52 ans, explique pourquoi il lui était très important d’être présente ce matin au musée de la Shoah pic.twitter.com/OClYg4Ev3p
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) 29 juin 2018
Denis, 70 ans, semble accablé par l'émotion, la chaleur aussi.
Il y en a encore qui contestent l'holocauste, qui disent que les chambres à gaz n'ont pas existé. Oui, cette entrée au Panthéon, j'espère que cela va compter
Denis, 70 ans
Tenant une béquille, il s'est assis sur un banc de pierre non loin du mur où sont gravés les noms des 76000 Juifs et, parmi eux, les 11000 enfants déportés de France : " C'est extraordinaire et mérité cet hommage ! Toute sa vie, Simone Veil a oeuvré pour les autres. Elle s'est sacrifiée en fait. C'est une très grande dame. J'espère que cela va servir à quelque chose : il y en a encore qui contestent l'holocauste, qui disent que les chambres à gaz n'ont pas existé. Oui, cette entrée au Panthéon, j'espère que cela va compter..."
Jacques Fredj, directeur du Mémorial, enchaîne les interviews télés-radios-presse écrite avec un égal sourire, sans jamais montrer le moindre signe de fatigue. "Nous sommes très fiers et très émus que la famille ait choisi que Simone Veil vienne dans cette maison qui était la sienne et qu'elle parte d'ici pour aller vers le Panthéon. Symboliquement, c'est très fort car c'est rappeller au grand public que Simone Veil a été la femme de plusieurs combats et qu'elle était une rescapée de la Shoah. Nombre de ses engagements trouvent vraisemblablement leur origine dans son expérience de l'inhumanité à Auschwitz."
Merci Madame d'avoir eu le courage de lutter encore et d'avoir permis par votre combat la libération des femmes
Anonyme
Une heure après l'ouverture des portes du Mémorial, à peine cent personnes avaient fait le déplacement. A en croire plusieurs responsables du Mémorial, le samedi, la veille de l'entrée de Simone Veil au Panthéon, la chose devrait être différente.
Sur le cahier du souvenir, où sont couchés les témoignages émus des visiteurs venus ce vendredi matin, on pouvait lire : "Merci Madame d'avoir eu le courage de lutter encore et d'avoir permis par votre combat la libération des femmes. Cette lutte continue pour nos filles et petites filles. Merci encore..."
A retrouver aussi dans Terriennes : > L'hommage de la Nation française à Simone Veil, une femme au Panthéon, dans le temple des grands hommes