Sohane Benziane a 17 ans. Enlevée puis enfermée dans un local poubelle d'une tour de la citée Balzac à Vitry-sur-Seine, banlieue populaire du sud de Paris, la voilà prise au piège par son agresseur, son complice faisant la garde. Aspergée d'essence, elle s'écroule, brûlée vive. La jeune fille meurt durant le trajet à bord du camion de pompiers qui la conduit à l'hôpital.
Ma famille n’oublie pas.
— AssiaBenziane (@AssiaBenziane) September 26, 2022
Sohane Benziane
04/10/2002 pic.twitter.com/ihppVJ3stJ
À l'époque, ce meurtre et ses circonstances particulièrement violentes ont un fort retentissement médiatique et choquent fortement l'opinion publique. La mort de Sohane va provoquer une importante vague de protestation. L'adolescente devient le symbole des souffrances que subissent les jeunes filles qui se battent contre la misogynie dont elles sont l’objet.
En février 2003, un groupe de jeunes lance "la marche des femmes des quartiers contre les ghettos et pour l'égalité". Partis de Vitry-sur-Seine, ils traversent la France. L'arrivée se fait un mois plus tard à Paris, à l'occasion du 8 mars, lors d'une manifestation nationale. Près de 30 000 personnes défilent dans les rues de la capitale en soutien à la révolte des femmes des quartiers victimes de la violence machiste, ce qui donnera naissance à l'association Ni putes ni soumises.

Il faudra attendre trois ans après la mort de la jeune femme pour que soit gravée l'inscription "morte brûlée vive"sur une plaque commémorative installée dans la citée Balzac, ce que refusait jusqu'alors le maire de la ville. Aujourd'hui, une esplanade pour le respect et l'égalité porte son nom.
"Je ne vois pas de différence entre le traitement de ma soeur et les femmes afghanes", déclarait Kahina Benziane, la grande soeur de Sohane, dans un entretien sur France 2, en 2003. Des paroles qui résonnent encore aujourd'hui.
Hier soir nous avons été coller à Vitry-sur-Seine en la mémoire de Sohane Benziane brûlée vive par Jamal Derrar en 2002.
— Collages Féminicides Paris (@CollagesParis) March 5, 2020
Photos de @PaulineMakov
Communiqué pic.twitter.com/l9WaPjncM8
En souvenir de Sohane
"Un seul appel peut sauver une vie. On ne peut pas s’habituer au compteur que l’on voit défiler tous les jours, celui des féminicides. Il faut des mobilisations plus fortes et un sursaut de la société", estime Assia Benziane, cousine de la victime et élue (FG) de Fontenay, qui regrette une forme de "banalisation", dans un entretien publié dans le quotidien Le Parisien.
Vingt ans après la mort de Sohane, brûlée vive à Vitry : «Il y a eu des avancées, mais pas de sursaut de la société»
— Le Parisien | 94 (@leparisien_94) October 3, 2022
https://t.co/dAdIs1ecfY pic.twitter.com/ydZCd7hyqO
Un rassemblement a eu lieu mardi 4 octobre 2022 devant la stèle rendant hommage à Sohane Benziane dans la citée Balzac à Vitry-sur-Seine. "La cérémonie que nous avons organisée avec les sœurs de Sohane sur place à Vitry a été simple et émouvante", témoigne Linda Weil-Curiel, secrétaire générale de la Ligue du droit international des femmes. La ministre Isabelle Rome, Marlène Schiappa et Rachida Dati, ainsi que des élus régionaux étaient présents.
La première ministre Elisabeth Borne a rendu hommage à Sohane à l’Assemblée nationale.
Il y a 20 ans, Sohane Benziane, brulée vive, devenait un tragique symbole des violences faites aux femmes. Ayons une pensée pour elle, sa famille et toutes les victimes.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) October 4, 2022
La lutte contre ces violences est un combat que le Gouvernement continuera à mener avec force. pic.twitter.com/nzQTvwqsLb
En souvenir de Sohane
À l'occasion de la commémoration du vingtième anniversaire de la mort de Sohane, la Ligue du droit international des femmes avait adressé une lettre ouverte à Isabelle Rome, ministre déléguée à l'égalité femmes-hommes, que nous publions ici dans son intégralité.
Le 4 octobre prochain sera un triste anniversaire. Cela fera vingt ans que Sohane est morte, brûlée vive dans un local à poubelles de la cité Balzac à Vitry-sur-Seine, par un jeune coq à l'orgueil blessé : il avait été défait lors d'un combat à la loyale par le chevalier servant de Sohane... et s'est vengé sur elle pour ré-affirmer son autorité aux yeux des potes de la cité. Sohane s'est vue interdire la cité Balzac où habitaient toutes ses amies, elle a été régulièrement battue car elle refusait d'obéir à ce diktat.
La tragédie a soulevé une immense émotion dans le public et a été à l'origine de la campagne de Ni Putes Ni Soumises avec Fadela Amara.
Notre association s'était constituée partie civile à la demande de la famille de Sohane et a plaidé le crime sexiste, caractère que l'arrêt civil de la Cour d'assises de Créteil du 18 septembre 1996 reconnaîtra. C'était une première.
Le souvenir de Sohane est encore très présent dans la mémoire populaire, et nous serions très touchées si vous aussi rappeliez la profonde émotion qui a saisi le pays le 4 octobre 2002 en apprenant l'horreur de la mort de Sohane, la veille de ses 18 ans.
Annie Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes
Linda Weil, secrétaire générale
►Le bilan glaçant des féminicides en France: plus 20% en un an
►Un mémorial parisien pour rendre hommage aux victimes de féminicides
►Féminicides et violences faites aux femmes à l'affiche du Festival de Cannes
►Féminicides ou "crimes d'honneur", quand la loi donne le permis de tuer en Iran
►F comme féminicide avec Francine Descarries
►Féminicide, une femme immolée par son mari, récidiviste : les failles d'un système
►Algérie : artistes mobilisées contre les féminicides après la mort de Chaïma