Elles étaient neuf finalistes, neuf entrepreneures francophones à tenter de décrocher un prix lors d'un concours de présentation de projet, la "pitch compétition", à Djerba, dans le cadre du sommet de la francophonie. Un concours destiné à rendre plus visibles les femmes dans l'entrepreneuriat, et "un moyen de rendre le monde plus égalitaire", selon Caroline Brummelhuis, l'une des organisatrices.
Sur 300 candidates, neuf ont été retenues. Le grand jour de la compétition est enfin arrivé. Ce 14 novembre 2022, dans l'écrin blanc du village de la francophonie de Djerba, en Tunisie, elles vont se tester et chercher à attirer l'intérêt d'un jury d'expert-e-s, du tourisme, de l'entrepreneuriat ou du numérique. Leur rêve ? Consolider leur "petite" entreprise. Originaires du Mali, du Maroc, de Tunisie, de France ou du Sénégal, elles y croient, et c'est donc la conviction au corps qu'elles tenteront, en quelques minutes, de gagner leur pari.
Le but de ce concours, c'est donner de la visibilité à ces femmes entrepreneures, parce qu'elle est assez limitée, d'une part parce que les médias ne leur consacrent pas beaucoup de temps, mais aussi parce qu'elles-mêmes ne se rendent pas assez visibles.
Caroline Brummelhuis, fondatrice de TheNextWomen Tunisie
À l'origine de cet événement, deux associations :
Next Women Tunisie et
African Propaganda, en collaboration avec l'Institut français de Tunis, et en présence d'entreprises partenaires. Ce concours de présentation de projets innovants a pour ambition de permettre aux entreprises et startups francophones fondées par des femmes de présenter une idée d’entreprise sous un format inédit.
"Le but de ce concours, c'est de donner de la visibilité à ces femmes entrepreneures, parce qu'elle est assez limitée, d'une part parce que les médias ne leur consacrent pas beaucoup de temps, mais aussi parce qu'elles-mêmes ne se rendent pas assez visibles, nous confie Caroline Brummelhuis, fondatrice de NextWomen Tunisie.
Le but ultime de cette compétition, c'est de les faire connaitre, pour qu'elles aient des opportunités avec les entrepreneurs qu'elles rencontrent", ajoute-t-elle.
Toutes originaires du monde francophone, elles ont créé leur entreprise il y a au moins un an. Celles-ci se doivent de répondre à un besoin social, culturel, technologique ou environnemental.
"L'un des critères de cette 'pitch compétition' était d'avoir démarré il y a au moins un an, ce qui permet de savoir que les entrepreneures ont déjà testé leur idée auprès d'un certain public et que cette idée fonctionne", explique Arlette Badjeck, entrepreneure et fondatrice d'
African propaganda, une entreprise aux multiples facettes, de la mode africaine au numérique.
"Il y avait beaucoup d'idées, et de bonnes idées ! Nous avons fait appel à candidatures dans toute la francophonie et nous en avons reçu près de 300. De Guadeloupe, de Martinique, de Madagascar, d'Afrique de l'Ouest, du centre, et de Tunisie également", précise la co-organisatrice de ce concours.
Spécialement dans la région où j'opère, il y a des barrières sociales et le rôle de la femme reste prédéfini.
Arlette Badjeck, fondatrice d'African Propaganda
Devenir entrepreneur, aujourd'hui, reste toujours plus difficile quand on est une femme.
"Spécialement dans la région où j'opère, il y a des barrières sociales et le rôle de la femme reste prédéfini. Mais il y a aussi un manque de formation et d'information. Beaucoup de femmes ne se dirigent pas vers des secteurs comme la construction ou l'environnement, qui sont pourtant très porteurs, et tout cela par manque d'information. Cela reste à faire", ajoute-t-elle.
"Réseauter, je pense que c'est la base ! Sans réseau autour de soi, on ne peut pas se développer. On reste isolée, toute seule. Le problème des entrepreneures, c'est qu'elles ne sont pas toujours autonomes par leur activité. Si vous êtres trop perfectionnistes, si vous n'osez pas réseauter, c'est difficile de devenir une entreprise durable", estime Caroline Brummelhuis.
Des projets novateurs
"'Happiness thérapie', c'est une plate-forme dédiée à la santé mentale des femmes racisées. Aujourd'hui, elles recherchent des thérapeutes plus sensibles à leur culture, leur religion, et il y a aussi des personnes de la communauté LGBT qui recherchent des thérapeutes qui ne jugent pas leur orientation sexuelle. Cette plate-forme, je la veux inclusive pour que ce soit un espace sain", explique Jessica Galanth, l'une des candidates finalistes, basée en France. Depuis sa création, près de 4000 femmes sont venues consulter un-e thérapeute via cette plate-forme,
"Pour moi il y a un vrai besoin, ces femmes ont besoin de se faire aider et elles recherchent des thérapeutes qui ne vont pas reproduire les discriminations au sein de leur cabinet". Parce que les femmes ont d'autres priorités, d'autres métiers, des enfants, c'est très dur de gérer en plus une entreprise, c'est un vrai défi.
Afef Bohli, entrepreneure tunisienne
Parmi les finalistes récompensées, Afef Bohli. Cette jeune entrepreneure tunisienne a créé "Digit Smart Solution", une entreprise qui propose des solutions intelligentes de gestion de la qualité des eaux dans différents secteurs, tels que l'agriculture et les eaux usées dans les industries et stations d'épuration, tout simplement via un smartphone. Pour elle, il était important de créer sa propre entreprise en tant que femme. "
Parce que les femme ont d'autres priorités, d'autres métiers, des enfants, c'est très dur de gérer en plus une entreprise, c'est un vrai défi. J'encourage toutes les femmes à vivre cette aventure, c'est un plaisir, et même si ce n'est pas évident, cela procure beaucoup d'émotion !"
Les autres lauréates sont Assitan Fofana, qui a créé "Mali Solar initiative", une start-up qui propose des kits solaires prêts à installer dans les foyers, et Fatou Kine Diop, qui a fondé "E-tontine", un système d'épargne moderne à l'instar des systèmes traditionnels des tontines, s'appuyant sur des plates-formes telles que Facebook ou Twitter. Les prix sont accompagnés d'une aide financière de 1000 euros, de formations ou de programmes d'accompagnement par des professionnels de l'investissement.
L'entrepreneuriat, un "appel du coeur"
"L'entreprise, pour moi, c'est un appel, un appel du coeur ! C'est une manière de montrer au monde ce qu'on a l'intérieur de soi ! nous confie Arlette Badjeck.
C'est ce que j'ai à l'intérieur de moi, c'est ce que reflètent toutes mes entreprises : la mode africaine, la lecture... J'ai créé une maison d'édition numérique et j'ai un cabinet de conseil pour femmes entrepreneures en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale".
Il faut oser. Les gens sont plutôt bienveillants. Ne pas vouloir déléguer, c'est le problème des femmes, c'est un vrai frein, donc allez-y !
Caroline Brummelhuis
Pour Arlette Badjeck, un événement comme celui organisé ce 14 novembre au village de la francophonie à Djerba apporte
"beaucoup de joie, de rencontres. Ce qui me passionne, c'est l'humain, la femme derrière chaque projet"."On a des femmes qui ont des projets qui fonctionnent. Pour beaucoup, il faut maintenant passer à l'étape supérieure, lever des fonds et éventuellement exporter, car elles ont une capacité d'aller bien au-delà. Elles sont très impactantes, et elles vont continuer" conclut, enthousiaste, Caroline Brummelhuis,
"Il faut oser. Les gens sont plutôt bienveillants. Ne pas vouloir déléguer, c'est le problème des femmes, c'est un vrai frein, donc allez-y !", lance-t-elle sous forme de message à toutes celles qui se verraient bien à la tête de leur entreprise. Élevée par une maman déjà militante féministe, elle tient à rappeler que ce réseau Nextwomen a été créé par sa soeur aux Pays-Bas, et dont elle a pris le relais en Tunisie. La présence des femmes est indispensable dans l'économie, estime-t-elle,
"parce que c'est un moyen de rendre ce monde plus égalitaire, en tout cas, moi, c'est ma mission !"