"L'Afrique est une sonorité ! Dans les cuisines, dehors, dans la rue, partout, tout est son", nous confie Solia, Julie Obré à la ville. Et c'est justement pour sa sonorité qu'elle a choisi Solia comme nom de scène. En voici sa définition personnelle : S comme solidarité, O comme originalité, L pour liberté, I pour intégrité et A comme authenticité.
Née à Caen, en Normandie, il y a 34 ans, de parents ivoiriens, Solia va quitter Paris à l’âge de quatre ans pour Accra, au Ghana. Elle y est bercée par le High Life, une musique née sur la côte Ouest africaine, mixant mélodie et rythmes de la musique traditionnelle Akan et instruments européens. Au cours de son expérience ghanéenne, elle s’initie à la danse, au spectacle de rue, et chantonne ses premières mélodies. "Je chante tout le temps !", lance-t-elle. Baignant dans un univers multiculturel, elle découvre également le reggae, le R&B ou la pop anglo-saxonne. Avec sa grand-mère ivoirienne, elle partage son amour pour l’opéra, la musique contemporaine et la chanson française.
Terriennes : Est-ce que c'est plus compliqué, aujourd'hui encore, pour une femme dans le monde de la musique ?
Solia : Moi ça fait dix ans que je fais ce métier. Je vois bien qu'il y a une évolution dans le discours, et aussi pour permettre aux femmes d'être mieux accompagnées et de se professionnaliser. Mais le nombre de femmes sur scène n'explose pas non plus. Je pense qu'il y a encore un gros travail à faire à ce niveau-là. La nouvelle génération qui arrive a très conscience de ce problème. On fait tout pour tenter de briser le plafond de verre, ce n'est pas facile, mais il y a une sorte de solidarité entre artistes féminines.
De mon côté, j'ai créé une association en 2016, qui s'appelle Kitch and Chic Crew. À la base, l'idée, c'était de permettre aux copines d'être programmées dans des salles parisiennes, de faire des concerts, de présenter tout simplement leur travail. Pour qu'elles soient respectées, en tant qu'autrices et/ou compositrices.
D'où vient votre envie de chanter ?
Moi j'ai commencé à chanter en cachette de ma famille. Pour ma mère, c'était un métier qui faisait très peur. Pour elle, tant que je chantais dans ma chambre, ça allait. Mais moi, je sentais que j'avais besoin de plus, que c'était une vocation qui m'appellait, afin de m'adresser au plus grand nombre. Je me suis aussi inscrite au conservatoire en cachette. Rien que d'y penser, c'est beaucoup d'émotion. Pour moi, la musique, c'est vraiment quelque chose qui devrait être apprise comme une langue universelle. J'ai fait des études de droit car ma mère ne voulait pas que je me jette à corps perdu dans cette carrière d'artiste. Cela reste d'ailleurs aussi une passion. C'est ce qui me fait dire que je suis une femme de coeur et de tête ! Je suis toujours assistante juridique, mais dès janvier prochain, je me lance totalement dans la musique. La vie d'intermittent, ce sont des hauts et des bas ; donc il a fallu que je retourne un temps travailler dans un cabinet d'avocats.
Comment a commencé votre carrière de chanteuse ?
Petit à petit, j'ai fait pas mal de tremplins, la Nouvelle Star en 2013. Ensuite il y a eu The Voice. Puis, j'ai fait une grosse pause car j'ai eu des enfants ! Depuis trois ans, je suis revenue à mon projet personnel, qui s'appelle Solia ; c'est un projet qui me tient à coeur, car je tiens à mélanger à la fois toutes mes origines. Et puis la musique, avant tout, c'est un vecteur de valeurs qui permet de réunir les gens. C'est ce que je ressens sur scène, et je cherche vraiment la communion avec le public. Mes chansons sortiront en 2023, je l'espère, et je vous attends pour vous les faire écouter ! Je suis sortie de ma cachette, maintenant. Je vis pleinement de ça et j'en suis ravie !
En effet, j'ai vécu des moments un peu difficiles. Parfois, lorsque j'arrivais dans une salle où je devais chanter, avec des musiciens, j'étais la seule femme, la seule femme noire. Ce qui fait que je n'échappais pas aux clichés. Une chanteuse, ça doit être simplement joli, je n'ai jamais compris ce concept-là. Et puis quand on est noire, on vous catalogue souvent chanteuse de gospel, alors que je viens des musiques rock, et que j'écoutais beaucoup de pop anglaise aussi. Les artistes noirs sont divers et variés, comme partout dans le monde : il y a des rockeurs, des chanteurs de salsa, de jazz, et aussi effectivement de gospel, mais il faut arrêter de mettre les gens dans des cases. J'ai appris à être résiliente, donc je suis passée au-dessus de ça, mais quand je regarde en arrière, j'ai un peu de tristesse pour la jeune chanteuse que j'étais, car ça a été difficile. Aujourd'hui, j'arrive à m'en défaire, et surtout à être libre.
Comment vivez-vous votre double culture aujourd'hui ?
Peu à peu, je me suis imprégnée de mon histoire, car à l'école on ne nous apprend pas grand chose de l'Afrique, à part les gens qui meurent à cause du Sida, etc... Je me suis dit que ce n'était pas possible, que ce n'était pas du tout ce que j'ai ressenti, moi, quand je vivais au Ghana. Du coup, je me suis documentée et j'ai beaucoup lu pour me baigner dans la culture noire qui est tellement diverse, des Etats-Unis à l'Europe. Aujourd'hui, je me sens afrodescendante, mais surtout afroeuropéenne. Je suis très fière d'être française, de ce pays qui a permis à ma grand-mère de venir de Côte- d'Ivoire, qui a pu devenir sage-femme et s'acheter une maison.
Il y a en même temps quelque chose qui me ramène à l'Afrique. Moi, je suis pour la mixité. Mes enfants, qui sont métisses, sont vraiment dans cette mixité-là. Tous les ans, avec leur père, on fait un road trip dans un pays d'Afrique pour s'imprégner de ce continent. Ce qui m'a beaucoup touchée, c'est lorsque je suis retournée en Côte- d'Ivoire, pour la première fois après dix-sept ans, et que j'ai vu ma fille, alors âgée de deux ans, enlever ses chaussures, marcher pieds nus et se fondre dans le décor. Je me suis dit "Wouah", là, il y a quelque chose.
Vous militer contre le racisme, sur scène, dans vos textes et aussi en participant à des manifestations... Vous-même, en avez-vous été la cible ?
Vivre en couple mixte, ce n'est pas tous les jours facile. Dans le quartier où je vis, à Paris, je me suis déjà pris des réflexions plutôt désagréables, voire très violentes, du type "sale négresse", ou "on n'est pas dans le 18ème (arrondissement, ndlr) ici". On prend de la distance, mais cela ne me définit pas. La personne qui dit des choses racistes, je me dis que ça la concerne, elle. Moi, je me respecte et je respecte les autres, je pars du principe que l'autre, c'est moi, et que je le traite comme j'aimerais qu'on me traite. C'est ma philosophie, et c'est aussi l'un des messages que je fais passer dans mes chansons. Mon projet, c'est l'unité, c'est aussi de rendre hommage aux femmes, car je suis issue d'une famille de femmes fortes. Je fais aussi la part belle au masculin, maintenant que j'ai un fils ! La vie est pleine de paradoxes et elle est jolie comme ça.
Née à Caen, en Normandie, il y a 34 ans, de parents ivoiriens, Solia va quitter Paris à l’âge de quatre ans pour Accra, au Ghana. Elle y est bercée par le High Life, une musique née sur la côte Ouest africaine, mixant mélodie et rythmes de la musique traditionnelle Akan et instruments européens. Au cours de son expérience ghanéenne, elle s’initie à la danse, au spectacle de rue, et chantonne ses premières mélodies. "Je chante tout le temps !", lance-t-elle. Baignant dans un univers multiculturel, elle découvre également le reggae, le R&B ou la pop anglo-saxonne. Avec sa grand-mère ivoirienne, elle partage son amour pour l’opéra, la musique contemporaine et la chanson française.
Multicultures et mixité au coeur
De retour en France à l’âge de 11 ans, Solia sait qu'elle veut devenir chanteuse et musicienne. Elle s’inscrit – en cachette – au conservatoire pour y prendre ses premiers cours de chant. En même temps, en écoutant les vinyls familiaux, elle découvre des figures – féminines – qui seront parmi ses plus grandes inspirations : Nina Simone, Betty Davis, Janis Joplin, Aretha Franklin ou encore Joan Baez...
Solia : Moi ça fait dix ans que je fais ce métier. Je vois bien qu'il y a une évolution dans le discours, et aussi pour permettre aux femmes d'être mieux accompagnées et de se professionnaliser. Mais le nombre de femmes sur scène n'explose pas non plus. Je pense qu'il y a encore un gros travail à faire à ce niveau-là. La nouvelle génération qui arrive a très conscience de ce problème. On fait tout pour tenter de briser le plafond de verre, ce n'est pas facile, mais il y a une sorte de solidarité entre artistes féminines.
De mon côté, j'ai créé une association en 2016, qui s'appelle Kitch and Chic Crew. À la base, l'idée, c'était de permettre aux copines d'être programmées dans des salles parisiennes, de faire des concerts, de présenter tout simplement leur travail. Pour qu'elles soient respectées, en tant qu'autrices et/ou compositrices.
Je connais très peu de femmes ingénieures du son ou techniciennes. Il faudrait permettre aux petites filles de pouvoir rêver de ces métiers-là.
Solia
Quand je vois la programmation des festivals, les femmes ne sont pas si nombreuses. Or elles ont tout autant leur place, sur scène ou dans des métiers techniques. Je connais très peu de femmes ingénieures du son ou techniciennes. Il faudrait permettre aux petites filles de pouvoir rêver de ces métiers-là. Solia
#sommetdjerba @OIFrancophonie Pour la chanteuse Solia, il faut programmer plus de femmes dans les festivals et inciter les petites filles à rêver aux métiers techniques du secteur musical. pic.twitter.com/5wefUhpdOt
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) November 16, 2022
Moi j'ai commencé à chanter en cachette de ma famille. Pour ma mère, c'était un métier qui faisait très peur. Pour elle, tant que je chantais dans ma chambre, ça allait. Mais moi, je sentais que j'avais besoin de plus, que c'était une vocation qui m'appellait, afin de m'adresser au plus grand nombre. Je me suis aussi inscrite au conservatoire en cachette. Rien que d'y penser, c'est beaucoup d'émotion. Pour moi, la musique, c'est vraiment quelque chose qui devrait être apprise comme une langue universelle. J'ai fait des études de droit car ma mère ne voulait pas que je me jette à corps perdu dans cette carrière d'artiste. Cela reste d'ailleurs aussi une passion. C'est ce qui me fait dire que je suis une femme de coeur et de tête ! Je suis toujours assistante juridique, mais dès janvier prochain, je me lance totalement dans la musique. La vie d'intermittent, ce sont des hauts et des bas ; donc il a fallu que je retourne un temps travailler dans un cabinet d'avocats.
#sommetdjerba2022 @OIFrancophonie « J’ai dû apprendre la musique en cachette ! » pic.twitter.com/VumoLQsELW
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) November 16, 2022
Petit à petit, j'ai fait pas mal de tremplins, la Nouvelle Star en 2013. Ensuite il y a eu The Voice. Puis, j'ai fait une grosse pause car j'ai eu des enfants ! Depuis trois ans, je suis revenue à mon projet personnel, qui s'appelle Solia ; c'est un projet qui me tient à coeur, car je tiens à mélanger à la fois toutes mes origines. Et puis la musique, avant tout, c'est un vecteur de valeurs qui permet de réunir les gens. C'est ce que je ressens sur scène, et je cherche vraiment la communion avec le public. Mes chansons sortiront en 2023, je l'espère, et je vous attends pour vous les faire écouter ! Je suis sortie de ma cachette, maintenant. Je vis pleinement de ça et j'en suis ravie !
Une chanteuse, ça doit être simplement joli, je n'ai jamais compris ce concept-là.
Solia
Le parcours de chanteuse est parsemé d'embûches, en tant que femme noire aussi ? Solia
En effet, j'ai vécu des moments un peu difficiles. Parfois, lorsque j'arrivais dans une salle où je devais chanter, avec des musiciens, j'étais la seule femme, la seule femme noire. Ce qui fait que je n'échappais pas aux clichés. Une chanteuse, ça doit être simplement joli, je n'ai jamais compris ce concept-là. Et puis quand on est noire, on vous catalogue souvent chanteuse de gospel, alors que je viens des musiques rock, et que j'écoutais beaucoup de pop anglaise aussi. Les artistes noirs sont divers et variés, comme partout dans le monde : il y a des rockeurs, des chanteurs de salsa, de jazz, et aussi effectivement de gospel, mais il faut arrêter de mettre les gens dans des cases. J'ai appris à être résiliente, donc je suis passée au-dessus de ça, mais quand je regarde en arrière, j'ai un peu de tristesse pour la jeune chanteuse que j'étais, car ça a été difficile. Aujourd'hui, j'arrive à m'en défaire, et surtout à être libre.
#sommetdjerba2022 en direct depuis le pavillon de la francophonie la chanteuse franco-ghanéenne Solia. Une rencontre à suivre dans @TERRIENNESTV5 pic.twitter.com/JqtNi6sQBw
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) November 16, 2022
Peu à peu, je me suis imprégnée de mon histoire, car à l'école on ne nous apprend pas grand chose de l'Afrique, à part les gens qui meurent à cause du Sida, etc... Je me suis dit que ce n'était pas possible, que ce n'était pas du tout ce que j'ai ressenti, moi, quand je vivais au Ghana. Du coup, je me suis documentée et j'ai beaucoup lu pour me baigner dans la culture noire qui est tellement diverse, des Etats-Unis à l'Europe. Aujourd'hui, je me sens afrodescendante, mais surtout afroeuropéenne. Je suis très fière d'être française, de ce pays qui a permis à ma grand-mère de venir de Côte- d'Ivoire, qui a pu devenir sage-femme et s'acheter une maison.
Il y a en même temps quelque chose qui me ramène à l'Afrique. Moi, je suis pour la mixité. Mes enfants, qui sont métisses, sont vraiment dans cette mixité-là. Tous les ans, avec leur père, on fait un road trip dans un pays d'Afrique pour s'imprégner de ce continent. Ce qui m'a beaucoup touchée, c'est lorsque je suis retournée en Côte- d'Ivoire, pour la première fois après dix-sept ans, et que j'ai vu ma fille, alors âgée de deux ans, enlever ses chaussures, marcher pieds nus et se fondre dans le décor. Je me suis dit "Wouah", là, il y a quelque chose.
Vous militer contre le racisme, sur scène, dans vos textes et aussi en participant à des manifestations... Vous-même, en avez-vous été la cible ?
Vivre en couple mixte, ce n'est pas tous les jours facile. Dans le quartier où je vis, à Paris, je me suis déjà pris des réflexions plutôt désagréables, voire très violentes, du type "sale négresse", ou "on n'est pas dans le 18ème (arrondissement, ndlr) ici". On prend de la distance, mais cela ne me définit pas. La personne qui dit des choses racistes, je me dis que ça la concerne, elle. Moi, je me respecte et je respecte les autres, je pars du principe que l'autre, c'est moi, et que je le traite comme j'aimerais qu'on me traite. C'est ma philosophie, et c'est aussi l'un des messages que je fais passer dans mes chansons. Mon projet, c'est l'unité, c'est aussi de rendre hommage aux femmes, car je suis issue d'une famille de femmes fortes. Je fais aussi la part belle au masculin, maintenant que j'ai un fils ! La vie est pleine de paradoxes et elle est jolie comme ça.
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