Pour la quatrième année consécutive, "Kiffe ton cycle" organise son sommet du Cycle menstruel. Au menu cette année : l'autonomie gynécologique. Via une vingtaine de conférences en ligne et autant d'expert.e.s, l'objectif est de permettre aux femmes de prendre en main leur santé, leur sexualité, bref (ré-)apprendre les bases qui auraient dû nous être enseignées à la maison ou à l'école.
Redonner aux femmes le "gynéco power" ! Voilà le mot de guerre de cette 4ème édition du Sommet du Cycle Menstruel consacré à l’autonomie gynécologique.
"Découverte de son bassin et son périnée", en passant par "La symptothermie"(méthode naturelle pour gérer la fertilité), ou encore "Flux libre instinctif" (ne pas mettre de protection hygiénique durant les menstruations), "L’éducation au plaisir féminin"... Du 28 juin au 4 juillet 2020,
Kiffe ton cycle organise ce sommet 100% virtuel, 100% gratuit et 100% expert et propose au grand public et aux professionnel.le.s un programme de conférences menées par des spécialistes, avec pour mission d'offrir aux participant.e.s un tour d'horizon à 360° de l'autonomie gynécologique. Le but est affiché haut et clair : permettre aux femmes de découvrir des solutions concrètes à leur problèmes et les aider à être plus en phase avec leur corps.
En 2020, en France, la gynécologie reste un sujet tabou. Et pour l'organisatrice de ce sommet la question se pose en ces termes : si toutes les femmes ou presque savent ce qu’il faut faire lorsqu’elles ont un rhume, combien savent ce qui nécessite une visite chez le médecin et ce qu’elles peuvent gérer elles-mêmes lorsqu’elles ont de petits problèmes gynécologiques ? L'idée est donc d'apprendre au mieux le fonctionnement de son propre corps, et d'éviter de se retrouver de fait dans une situation de dépendance vis-à-vis des autres lorsqu’il s’agit de prendre soin d’elles. Consulter reste évidemment nécessaire, mais être plus autonome permet de gagner en confiance en soi et de mieux vivre ses problèmes du quotidien. Cela permet aussi de ne plus subir certaines choses qui peuvent être réglées ou atténuées et se retrouver face à un médecin qui vous lance "c’est comme ça, on ne peut rien y faire".
Visiblement, beaucoup ont (trop) entendu cette phrase et ont envie de démontrer le contraire en toute autonomie : 15 500 participantes se sont inscrites au sommet.
Entretien avec celle qui est à l'origine de cet évènement, Gaëlle Baldassari, consultante en psychologie du cycle menstruel et créatrice du site
Kiffe ton Cycle.
Terriennes : L'autonomie gynécologique, c'est selon votre formule redonner aux femmes le "gynéco power", qu'entendez-vous par là ? Gaëlle Baldassari : Pour moi, c'est la malette de base qu'aurait dû recevoir toute jeune femme vers 15-16 ans, pour être en capacité de comprendre son corps, ce qu'elle est et pour chacun de nos petits maux du quotidien, pour la gestion de notre sphère intime en toute autonomie.
Selon moi, il y a quelques outils indispensables. Par exemple, réussir à traduire les résultats d'analyse. Est-ce qu'il y a urgence ? Que faut-il faire ? Là, on a une gynécologue qui participe au sommet pour nous expliquer ce qu'il y a dans ces analyses de base et comment on doit réagir. Autre outil utile, la connaissance des plantes qui peuvent nous aider, c'est ce qu'on fait pour soigner nos petits rhumes, pourquoi ne pas le faire pour se soulager d'autres petits maux, sans contre indication évidemment. Par exemple concernant les mycoses récidivantes ou les règles trop abondantes, ces problématiques ne sont pas assez prises en compte aujourd'hui par les médecins, alors qu'il y a des solutions. Comprendre quand on ovule par exemple, ça aussi c'est essentiel, tout comme pouvoir se faire des auto-massages pour diminuer certaines douleurs, ce sont des gestes de base que nous voulons partager.
L'autonomie gynécologique, pour certains et certaines, c'est aussi laisser les femmes livrées à elles-mêmes, et cela pourrait comporter des risques ?C'est une telle évidence ! Tou.te.s nos intervenant.e.s le rappellent systématiquement, il faut consulter et faire ses examens bien-sûr, on fait totalement confiance aux femmes qui savent ce qu'elles doivent faire.
Difficile de parler de gynécologie sans évoquer le metoo sur les violences gynécologiques ? C'est certain, on a vu de nombreuses femmes, dont moi par exemple, qui ont pris conscience qu'elles avaient vécu des violences gynécologiques sans avoir jamais pu mettre de mots. Parce qu'il y avait une sorte de normalité de la relation différenciée entre médecin et patient. Même si ce sujet n'est pas au coeur du sommet, on peut aisément imaginer que lorsqu'on est plus confiante, on a plus de facilité à dire oui ou non lors d'un examen gynécologique.
Selon vous, les femmes ne connaissent pas assez leur corps, mais ne faut-il pas s'adresser aux hommes aussi ? Moi j'ai tout de même envie de dire que ce sommet s'adresse en priorité aux femmes ! (rires) Car si on se connait, on est quand même plus en capacité de guider les hommes qui seraient amenés à entrer en contact avec notre corps ! C'est vrai que souvent les hommes viennent me voir pour me dire que ça les intéresse, génial ! Pour ce qui est des intervenants, il serait dommage de ne pas profiter des compétences de certains d'entre-eux. Par exemple, Pierre-Hugues Igonin, il est l'un des rares doctorants qui travaille sur le cycle menstruel. Nous sommes heureuses de l'accueillir et d'écouter le résultat de ses recherches. Nous avons aussi invité Fabien Piascio, diététicien-nutritionniste, il a écrit un livre notamment sur l'endométriose. Il s'est spécialisé dans la diététique des femmes. Du côté des participants, il y a surtout des praticiens et des médecins, bien souvent des personnes qui sont dans l'accompagnement des femmes venues à titres professionnel. Après, il y a aussi des couples qui regardent ensemble une partie des conférences.
Vous vous battez depuis des années contre le tabou des règles, il existe encore ?Cela reste un des plus grands tabous mondiaux ! Cela fait à peu près dix ans que ce sujet a commencé à être mis en lumière, mais je fais le pari que cela peut aller très vite malgré tout. Les jeunes qui sont élevés dans des familles qui ne sont plus dans ce tabou-là vont dès la génération suivante ne pas adopter ce tabou.
Certains pays ont adopté un congé menstruel, vous êtes pour ? Pour moi, ce n'est pas une très bonne idée. Parce que déjà ce congé menstruel il pose un premier problème : celui de différencier les hommes et les femmes dans le monde du travail, donc s'il n'y a pas de compensation côté homme, et bien pour un employeur cela reste toujours plus facile d'employer un homme qu'une femme, et de justifier de nouveau ce différenciel de salaire qu'on arrive pas à réduire. Le deuxième problème, il concerne plus la question des douleurs durant cette période. Qu'est-ce-qui fait qu'on aurait besoin d'un congé menstruel ? C'est parce qu'on n'est pas en état d'aller au travail. Pour moi, c'est la société qui devrait prendre en charge cette situation comme infection longue durée, comme n'importe quelle problématique, par exemple quelqu'un qui ne peut travailler en raison de douleurs articulaires a droit à un arrêt de travail. Si c'est considéré comme une infection de longue durée, il n'a pas de jour de carence et c'est pris en charge par la société. Alors qu'aujourd'hui, les femmes qui souffrent d'endométriose ne sont pas prises en charge. Le problème est qu'on confond la physiologie du cycle et la pathologie du cycle.
Ce serait bien que chacun sache qu'on peut un peu lever le pied pendant le cycle pour pouvoir se rattraper quelques jours plus tard, ça ne justifie pas de prendre un jour de congé par mois. En revanche, la pathologie du cycle devrait être prise en charge. Ce qui n'est pas du tout le cas. Cet amalgame est vraiment problématique pour les femmes car il amène à justifier nos différentiels qui n'ont pas lieu d'être, et de ne pas s'occuper des personnes qui souffrent d'une pathologie.