Fil d'Ariane
Non au travail des enfants, non aux mariages forcés : à travers le rap, Sonita Alizada raconte son histoire et celle de toutes ses soeurs afghanes.
Sonita Alizada, rappeuse née en Afghanistan, parcourt aujourd'hui la planète pour lutter contre les mariages forcés dans son pays. Ici lors du Sommet international des femmes à Londres en 2015.
Sonita Alizada a failli être vendue à un homme vers l'âge de 10 ans, puis à 14 ans pour 9.000 dollars. Elle va échapper à ce sort grâce à l'intervention de la documentariste iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami qui verse 2.000 dollars. La jeune fille a droit à six mois de sursis et saisit sa chance lorsque une ONG américaine lui propose d'étudier aux Etats-Unis.
Comme toutes les filles, je suis en cage, je ne suis qu'un mouton qu'on élève pour le dévorer. Sanita Alizada
"Comme toutes les filles, je suis en cage, je ne suis qu'un mouton qu'on élève pour le dévorer", chante-t-elle, en 2014 en Iran, dans Brides for sale (Mariées à vendre), en robe de mariée, code-barre et ecchymoses sur le visage. "Relis le Coran! Il ne dit pas que les femmes sont à vendre." Cette vidéo postée sur internet est vue plus de 8.000 fois le premier jour, tant les mariages forcés sont répandus dans le monde avec 12 millions de mineures mariées chaque année, selon l'Unicef.
Une fois arrivée aux Etats-Unis, dans l'Utah, les débuts sont difficiles pour celle qui ne sait dire en anglais que "salut, je suis une rappeuse". Elle découvre aussi que dans ce pays aussi les mariages de mineures existent. Elle décide de raconter son histoire dans les écoles, jusqu'au très prisé festival américain du film de Sundance où le documentaire qui lui est consacré, Sonita, remporte en 2016 le prix du jury.
On pensait que la vie y serait plus facile, sans guerre mais c'était très difficile de se faire accepter à cause de l'image des Afghans. Sonita Alizada
Ses jeunes années sont marquées par la peur des Talibans et la faim. Née à Herat en 1996, elle a environ cinq ans lorsqu'elle fuit avec ses parents et ses sept frères et sœurs, sans papiers, vers l'Iran. "On pensait que la vie y serait plus facile, sans guerre mais c'était très difficile de se faire accepter à cause de l'image des Afghans", se rappelle Sonita Alizada, 27 ans. Là aussi, interdiction d'aller à l'école : "Je cirais des chaussures avec mes frères puis je vendais des fleurs." Sa première bonne étoile est une femme qui apprend clandestinement aux filles à lire et à écrire dans une mosquée.
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De retour en Afghanistan, son père, malade, meurt. Son mariage est planifié puis annulé lorsqu'elle retourne en Iran. Sonita y rencontre une association qui lui permet de prendre des cours de guitare en secret... et l'encourage à écrire après avoir remporté un prix de poésie.
Un jour l'artiste en devenir entend le rappeur star Eminem et, sans comprendre les paroles, pense que c'est "probablement la meilleure façon de partager une histoire". La jeune fille écrit Brides for sale même si sa mère, mariée à 12 ans et illettrée, lui interdit de rapper. C'est le succès et le départ vers les Etats-Unis. Devenue sa plus grande admiratrice, sa mère apparaît dans son clip Run Boy, qui parle des Talibans essayant d'empêcher la scolarisation des filles.
"Toujours en colère", l'artiste continue de défendre avec le rap et sur les réseaux sociaux la liberté sous toutes ses formes: à l'éducation, à s'exprimer, à choisir son partenaire. Elle a aussi mis en place deux projets en Afghanistan pour aider les enfants et les femmes. Diplômée l'année dernière en droits humains et en musique à New York, Sonita Alizada veut maintenant étudier la politique à Oxford.
L'art et la politique vont ensemble. Toute ma musique parle de politique, de faire la différence, de donner de l'espoir, de prendre conscience. Alors j'essaye d'éveiller les consciences à travers la musique. Sonita Alizada
"L'art et la politique vont ensemble. Toute ma musique parle de politique, de faire la différence, de donner de l'espoir, de prendre conscience. Alors j'essaye d'éveiller les consciences à travers la musique", souligne celle qui espère, un jour, pouvoir prendre une part active dans l'avenir de son pays.
Le 4 juin 2024, elle sera en France, à Caen, pour le prix Liberté, qu'elle a remporté en 2021. La jeune artiste chantera Stand up avec des locaux et le clip de la chanson, filmé sur les plages du Débarquement, sera diffusé devant des vétérans de la Seconde Guerre mondiale.
Comme le précise France bleu Normandie, dix jeunes se sont réunis pour produire un texte à partir duquel Sonita Alizada a travaillé pour créer la chanson en collaboration avec le slameur et rappeur normand Kalimat. "Maintenant, je comprends vraiment l'importance de ce sujet. Quand je suis arrivée en Normandie, j'ai visité des musées. Je suis allée sur des plages du Débarquement pour apprendre plus sur la Normandie et son Histoire", confie-t-elle.
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