Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT et rare femme à la tête d'un syndicat en France

Elue ce 31 mars 2023, Sophie Binet, 41 ans, est la première femme de l'histoire de la Confédération générale du travail, la CGT, à occuper le poste de secrétaire générale du second syndicat de France. Elle rejoint la très courte liste des femmes à la tête d'organisations syndicales.

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sophie binet profil twitter
Photo de profil Twitter de Sophie Binet.
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Regard clair et visage lumineux, Sophie Binet est à l'aise sur les plateaux de télévision comme derrière un micro à la tribune. "Elle est déterminée, enthousiaste, charismatique", s'enthousiasme Thomas Deregnaucourt, membre de  l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT, l'Ugict. L'arrivée de Sophie Binet à la tête de la CGT est pourtant inattendue, puisqu’elle est représentante du syndicat des cadres au sein d'une organisation encore structurée autour de puissants bastions ouvriers. Si sa candidature avait été évoquée au cours des derniers mois, son appartenance au syndicat des cadres apparaissait comme un handicap.

Sophie Binet est une militante de longue date : engagée à la direction de l'Unef lors de la mobilisation contre le CPE en 2006, elle est entrée à la direction de l'Ugict-CGT en 2011. Secrétaire générale de l'Ugict depuis 2018, Sophie Binet est issue de la Commission exécutive confédérale, la direction élargie de la CGT. Pour Thomas Deregnaucourt, son élection montre que le syndicat envoie "un signe qu'on est en phase avec le salariat". 

C'était important que ce soit une femme pour tous les camarades.
Nicolas Hinderschiett, représentant CGT

A peine l'annonce de son élection rendue publique à la tribune du 53e Congrès de la Confédération générale du travail, Sophie Binet a entonné avec la salle le chant des militants de la fédération Mines Energie : "Emmanuel Macron, si tu continues, il va faire tout noir chez toi" – manière de tendre la main cette CGT en pointe dans la lutte contre la réforme des retraites, en conflit ouvert avec la direction sortante de Philippe Martinez.

Trois candidates et le choix de Sophie

Candidate par "défaut", élue après que ni Marie Buisson, la candidate proposée par Philippe Martinez, le secrétaire général sortant, ni sa concurrente Céline Verzeletti n'ont réussi à rassembler une majorité, Sophie Binet apparaissait aux yeux de nombre de congressistes comme la plus à même de rassembler l'organisation. 

Marie Buisson et Céline Verzeletti
Marie Buisson et Céline Verzeletti (Twitter)

C'est quelqu'un qui a de l'expérience, c'était important que ce soit une femme pour tous les camarades. Ca règle les comptes, c'est balle au centre car c'est quelqu'un de neutre : c'est un autre choix que celui de Philippe Martinez, ce n'est pas l'opposition non plus, donc c'est bien. On a depuis longtemps des cadres, on a besoin de cadres à la CGT, c'est aussi une bonne issue", s'est félicité Nicolas Hinderschiett, représentant d'ArcelorMittal.

Une féministe à la tête de la CGT

Sophie Binat était référente du collectif femmes mixité de la CGT. Elle a cosigné l'ouvrage Féministe, la CGT ? Les femmes, leur travail et l'action syndicale, publié en 2019. Ancienne membre du PS, elle est aussi engagée sur les questions environnementales.


Les violences sexistes et sexuelles ne peuvent pas être secondaires.
Sophie Binet

cgt féministe

Dans son premier discours comme secrétaire générale, Sophie Binet s'est félicitée des "orientations claires" adoptées par la CGT jeudi sur les "questions environnementales et sociales", soulignant qu'il fallait savoir "être capable de porter au même niveau fin du monde et fins de mois". Elle a rappelé l'importance des luttes contre les violences sexistes et sexuelles, qui ne "peuvent pas être secondaires".

Sophie Binet a été conseillère principale d'éducation (CPE) en lycée professionnel à Marseille, puis au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, de 2008 à 2010. Secrétaire générale de l'Union locale de la CGT de Metz, Nathalie Nasienniak s'est dite "ravie" de son élection : "Elle a beaucoup défendu la cause des femmes, c'est une cadre dans la petite hiérarchie, il ne faut pas faire de procès d'intention. C'est une femme rassembleuse", dit-elle.

"Une bonne nouvelle pour toutes les femmes"

Lors de son premier discours dans ses nouvelles fonctions, Sophie Binet a levé le voile sur la rencontre entre la Première ministre Elisabeth Borne et les syndicats prévue à Matignon : "L'intersyndicale unie" rencontrera la Première ministre le 5 avril, à l'invitation du gouvernement, "pour exiger le retrait de la réforme" des retraites, a-t-elle tonné à la tribune. 

cgt retraites
Manifestation contre la réforme des retraites en France, à Bayonne, le 16 février 2023. 
©AP Photo/Bob Edme

En déplacement dans la Nièvre, Elisabeth Borne s'est réjouie de la réponse de l'intersyndicale. "Je suis à l'écoute et je me réjouis que l'intersyndicale réponde à mon invitation", a déclaré la cheffe du gouvernement jugeant en outre que l'accession de Sophie Binet à la tête de la confédération était "une bonne nouvelle pour toutes les femmes".

Sophie Binet a cependant dit l'opposition de la CGT à l'hypothèse d'une "médiation" conformément à un "appel" voté au congrès, qui prend ses distances avec cette idée portée par l'intersyndicale et approuvée par Philippe Martinez, son prédécesseur. La nouvelle secrétaire générale de la CGT s'est adjoint comme administrateur le secrétaire général de la fédération des Cheminots, Laurent Brun, opposant déclaré à Philippe Martinez.
 

Depuis trente ans, de rares femmes à la tête d'organisations syndicales

Nicole Notat, la pionnière

Nicole Notat
Nicole Notat, le 26 mai 2020
©Martin Bureau, Pool via AP

Nicole Notat a été la première femme à diriger une grande organisation syndicale en France, la CFDT, entre 1992 et 2002.

Enseignante spécialisée dans l'enfance, elle est élue en 1982 à la Commission exécutive de la CFDT. C'est alors la seule femme de cette instance dirigeante et sa benjamine (35 ans). Elue secrétaire générale adjointe de la CFDT six ans après, elle prend la tête de la confédération en 1992. 

Carole Couvert à la tête de la CFE-CGC

A tout juste 40 ans, Carole Couvert devient en 2013 la première femme à diriger la confédération des cadres. "Si j'ai un conseil à donner aux femmes, c'est 'Allez-y !'", déclarait cette ancienne de chez GDF-Suez. Mais avant de se lancer dans cette "belle expérience", il faut "épaissir sa cuirasse" car en tant que femme, on "prend des coups", soulignait celle qui a été poussée vers la sortie en 2016 en raison de querelles internes de personnes au sein de son organisation.

Bernadette Groison
Bernadette Groison en 2014 (Wikipedia)

Bernadette Groison à la FSU

Militante depuis 1989, cette professeure en école maternelle dans la banlieue parisienne est issue du SNUipp-FSU, le syndicat des enseignants du primaire. En 2010, elle devient à 48 ans secrétaire générale de la Fédération syndicale unitaire, poste qu'elle occupera jusqu'en 2019.

Annick Coupé, co-fondatrice de Solidaires

Ancienne secrétaire régionale de la CFDT-PTT en Ile-de-France, démise de ses responsabilités pour avoir soutenu un conflit à contre-courant de son organisation, Annick Coupé co-fonde en 1988 avec plusieurs centaines de militants la fédération SUD-PTT, dont elle prend la tête. 

Dix ans après, elle participe à la création de Solidaires dont elle sera la déléguée générale de 2001 à 2014. A sa suite, l'Union syndicale Solidaires impose une codélégation paritaire. Se succèdent les binômes mixtes Cécile Gondard-Lalanne et Eric Beynel puis Murielle Guilbert et Simon Duteil (depuis 2020).