Fil d'Ariane
Nathalie Péchalat, 36 ans, succède à Didier Gailhaguet qui a régné sur le patinage français presque sans discontinuer pendant plus de deux décennies, depuis 1998 (sauf entre 2004 et 2007), mais qui a été contraint à la démission début février, après un scandale de violences sexuelles qui a touché de plein fouet la fédération.
"Je suis très honorée par la confiance qui m'a été apportée aujourd'hui (samedi) par les présidents de clubs présents malgré un contexte compliqué. Je ne minimise pas l'ampleur de la tâche qui m'incombe, mais en même temps je suis très excitée de pouvoir participer à l'évolution de la FFSG et à la faire briller. Ça fait presque vingt ans que Didier Gailhaguet était à la tête de cette fédération. Je suis là pour porter le renouveau.", a déclaré la nouvelle présidente.
L'ancienne championne devient la deuxième femme présidente de fédération olympique. "Il paraît qu'il est de bon ton de le souligner en ce moment... Pour moi, ça reste anecdotique quand même. C'est bien aussi d'avoir des anciens athlètes, des jeunes, du sang neuf, c'est bien de s'entourer de personnes expérimentées, qui connaissent bien la maison... On va essayer de faire une équipe assez hétérogène, de mettre en lumière tous les sports de glace.", commente-t-elle.
L’élection de Nathalie Péchalat, double championne d’Europe (2011, 2012) et double médaillée de bronze mondial (2012, 2014) est une première, jamais une femme n’ayant accédé à la présidence de la FFSG.
Plus globalement, il est rarissime qu’une femme se hisse jusqu’à ce niveau de responsabilités : sur 36 fédérations olympiques, seules deux désormais sont présidées par des femmes, l’autre étant l’escrime.
"On va faire un bond de 100%", ironise Patricia Costantini, qui était au début des années 2000 la seule femme directrice technique nationale (DTN) d'un sport olympique.
"Les femmes étaient tellement habituées à se prendre des vestes. Maintenant elles osent", estime l'ancienne DTN du triathlon, l'une des fondatrices de l'association Egal Sport, qui milite pour davantage d'égalité dans le sport, "créé au XIXe siècle par les hommes, pour les hommes".
Mais si Isabelle Lamour préside la fédération d'escrime, Nathalie Boy de la Tour est à la tête de la Ligue de football professionnel (LFP) et Roxana Maracineanu ministre des Sports, combien hésitent encore, même parmi les plus aguerries, à quelques mois d'un vaste renouvellement des instances, après les JO de Tokyo ?
"Les hommes du handball ne sont pas prêts à élire une femme. Si je vais à la bataille, ce sera très dur", explique Béatrice Barbusse, l'actuelle secrétaire générale de cette fédération, pourtant l'un des sports les plus avancés.
"Les hommes sont là depuis trois, quatre mandatures, ils connaissent tout le monde, tous les rouages", ajoute cette maître de conférences en sociologie (Paris-Est Créteil) qui fut la seule présidente d'un club professionnel de handball (US Ivry, 2008-2012). "Le nombre de fois où l'on me prenait pour +la femme du président+, ou la secrétaire, ou la présidente de la section féminine, je ne les comptais plus", raconte l'auteure du livre "Du sexisme dans le sport".
Il y a les stéréotypes, encore bien installés. "Il y a aussi beaucoup d'autocensure", juge la vice-championne olympique de boxe Sarah Ourahmoune, vice-présidente du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui y mène le projet "Dirigeantes".
Se lancer ne relève pas de l'évidence. "On est venu me chercher, on m'a convaincue que je pouvais apporter quelque chose de nouveau. Sinon, ça ne faisait pas partie de mes ambitions", confirme la présidente d'un club omnisports de 2.000 licenciés, l'US Joigny (Yonne), Véronique Ribaucourt.
Et les normes sociales sont encore fortes. "Dans notre vie, entre carrière professionnelle, vie familiale et engagement associatif fort, on peut en cumuler deux sur trois, mais pas les trois. Et le sacrifice familial est mieux accepté pour un homme", explique Isabelle Lamour. "J'exerce une profession libérale, je peux m'organiser, ce n'est pas le cas pour tout le monde."
Co-présidente de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), Emmanuelle Bonnet-Oulaldj se souvient qu'on lui a demandé si elle n'envisageait pas une grossesse lorsqu'elle était candidate, en 2017. "La question provenait d'une femme", glisse-t-elle. Son poste lui a permis d'accéder au conseil d'administration du CNOSF, où les femmes sont 11 sur 40. "L'ambiance est très masculine et les questions d'égalité hommes-femmes ne sont pas abordées", raconte-t-elle, en pointant "les regards qui se lèvent" quand il est question de parité.
"C'est un combat quotidien. Entre nous, on revient sur des attitudes, des manières de nous interpeller, de réagir quand on parle. Mais on ne va pas au-delà, car souvent on se dit qu'on ne serait pas comprises", explique-t-elle aussi. Béatrice Barbusse confirme l'existence d'un réseau informel d'entraide.
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D'où l'importance, selon elle, des quotas. Depuis 2014, la loi impose 40% de femmes dans les instances dirigeantes à partir de 25% de pratiquantes. Si elle est inégalement respectée, elle a permis de faire passer leur taux de 28% à 36% dans les comités directeurs ou conseils d'administration entre 2013 et 2018, notait une étude d'Egal Sport cette année-là. Le ministère des Sports envisage de faire passer le taux obligatoire à 50%, et de l'établir à 40% pour les structures régionales et départementales.
"Le résultat des quotas, c'est que les femmes sont présentes. Elles n'ont pas de postes importants, mais déjà elles apparaissent dans le paysage. La deuxième étape est de faire en sorte qu'elles accèdent aux responsabilités", explique Béatrice Barbusse.
Pour Isabelle Lamour, cela passe aussi par le fait de "pouvoir en vivre", donc d'être rémunéré, une question qui agite depuis longtemps les fédérations.