On pensait ces temps révolus… Que neni… Démonstration, cette gentille passe d’armes mi-septembre 2017 via de grandes publications économiques françaises, photos à l’appui. Cela commence par la Une du magazine Capital, consacrée à ce merveilleux monde des start up. Secteur dont l’ascension n’est plus à démontrer, et tout ça grâce à qui ? Des esprits ingénieux, inventifs… Des hommes, quoi ! Vêtus du nouvel uniforme moderne, la chemise blanche et le jean.
Devialet, Actility, Algolia... nos start-up sont enfin prêtes à jouer dans la cour des grands https://t.co/oFNwA3bNAH
— Capital (@MagazineCapital) 29 août 2017
Le 6/09 je porterai une chemise blanche pr l'inauguration du #JFDConnectclub et l'annonce de la #JFD18 @JFDParis @thebureau #ForABetterWorld pic.twitter.com/2TDWQNJnWH
— DelphineRemyBoutang (@delphine) 1 septembre 2017
Start-ups: les femmes réagissent en photo! https://t.co/tm8tmDFtH0 via @Challenges
— Anne-MarieRocco (@AnneMarieRocco) 4 septembre 2017
Tout serait aussi une question de réseau, à la manière des hommes, et c’est justement sur ce terrain que les femmes sont en train de s’organiser, pour preuve l’inauguration le 6 septembre 2017 à Paris d’un espace de « net working », le JFD Connect Club, en présence de Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat à la condition des femmes.
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Dans le sillage de la riposte publiée dans Challenge, une cinquantaine de femmes, entrepreneures du secteur digital, ont aussi signé une tribune titrée "Un oubli capital", publiée sur le site Frenchweb pour dénoncer l’article de Capital. Elle dresse la liste de 16 fondatrices du secteur tech, encore à la tête de leur société, et/ou dont l’entreprise a été rachetée par un plus grand groupe.
Ne pas évoquer les femmes parce qu’on ne les aurait pas trouvées est un biais habituel pour expliquer leur non-présence
Un oubli capital
Pourquoi cette tribune ? « Parce qu’en 2017, il est ahurissant d’omettre environ 12% (pour le numérique) à 36% (en général) des créateurs d’entreprise » attaque le texte. « Interpellée sur l’absence totale de diversité, aussi bien en illustration que parmi les personnes interrogées dans son dossier, la journaliste de Capital nous a répondu qu’il lui avait été impossible de trouver des équivalents féminins aux entrepreneurs présentés dans son article. Ne pas évoquer les femmes parce qu’on ne les aurait pas trouvées est un biais habituel pour expliquer leur non-présence. »
Les signataires avaient, elles-aussi, décidé de répondre via une photo prise sur les marches du Palais Brongniart, l’ancien siège de la Bourse de Paris, un symbole de plus.
Sans oublier Google...
Trois anciennes salariées de Google ont déposé plainte le 14 septembre 2017 en Californie contre leur ancien employeur, estimant avoir été moins bien rémunérées que leurs collègues masculins, nouvelle illustration des accusations de sexisme de plus en plus fréquentes dans la Silicon Valley. Google a "discriminé et continue à discriminer ses employées femmes en les payant moins que les hommes, à compétence, expérience et tâches égales", et en leur offrant de moindres promotions, selon un extrait de la plainte déposée auprès d'un tribunal de San Francisco. Google aurait ainsi contrevenu à plusieurs textes californiens, dont le "Equal Pay Act" sur l'égalité salariale. Contactée par l'AFP, une porte-parole de Google a nié ces accusations : "Nous travaillons vraiment dur pour créer un très bon environnement de travail et donner à chacun l'occasion de s'y épanouir".
L’associé imaginaire
L’uniforme, les réseaux … Mais parfois le « à la manière des hommes » peut être poussé à un certain paroxysme. C’est l’histoire vécue par deux jeunes créatrices d’un site de vente en ligne américain. Penelope Gazin et Kate Dwyer lancent au cours de l’été 2016 le site Witchsy.Leur vient alors une idée. Pourquoi ne pas s’associer à un homme ? Sauf que celui-ci sera totalement virtuel. Voilà donc l’apparition dans la société Witchsy, d’un troisième co-fondateur, sous le nom de Keith Mann. Pendant 6 mois, cet associé imaginaire répond aux e-mails. Le changement est sidérant.
« Je pouvais attendre des jours avant d’avoir une réponse, alors que non seulement Keith avait une réponse, mais on lui demandait s’il avait besoin de quelque chose d’autre » raconte Kate Dwyer, dans le magazine Quartz. Un développeur s’adressait toujours à Keith en le nommant, ce qui n’était pas le cas avec elles. « Lui, ils lui répondaient : okay, bro, yeah, brainstormons ! »
L’expérience va durer au-dela des six mois tant elle est révélatrice, les deux entrepreneuses s’arrangeaient évidemment pour faire annuler à Keith ses conf-call à la dernière minute. Puis, le succès aidant, elles décident de le faire disparaître de la circulation. Un an après le lancement de leur plate-forme, le résultat est au rendez-vous. Elles ont vendu pour 200 000 dollars d’objets, en rémunérant les créateurs à hauteur de 80% pour chaque vente.
Martin vs Nicole
Cette histoire nous rappelle celle racontée sur Twitter en mai dernier. Aux Etats-Unis, deux employés d’une maison de réécriture de CV avaient décidé il y a trois ans suite à un quiproquo d’échanger leurs prénoms sur leurs boites mail, Martin devenait Nicole et Nicole devenait Martin. Le constat est là aussi édifiant. « Tout ce que je demandais ou suggérais était questionné. Des clients, d'habitude si faciles à gérer que j'aurais pu m'en occuper en dormant, devenaient tout à coup condescendants. L'un d'entre eux m'a demandé si j'étais célibataire. »So here's a little story of the time @nickyknacks taught me how impossible it is for professional women to get the respect they deserve:
— Martin R. Schneider (@SchneidRemarks) 9 mars 2017
Une fois devant leur patron pour lui raconter cette folle histoire. Celui-ci reste de marbre et n’y croit pas, il avance lui d’autres thèses pouvant expliquer ce phénomène « il y a des milliers de raisons qui expliquent les réactions différentes des clients. Cela peut être le travail, la performance... vous n'avez aucun moyen de le savoir. » a rapporté Nicole Hallberg, qui a, depuis, quitté l’entreprise. Elle tient un blog sur le site Medium.
Aujourd’hui, des organisations féministes s’approprient à leur façon ce subvertuge pour mener leur action et dénoncer l'absence ou la sous-représentation des femmes dans des instances de pouvoir économiques, politiques, culturelles et médiatiques en s’affublant, d’un attribut masculin s’il en est, une barbe.
