Fil d'Ariane
La condition des travailleuses domestiques est plus misérable que celle de tout autre groupe de travailleurs et travailleuses
Angela Davis
Elles et ils font le ménage dans nos bureaux, nos maisons, gardent nos enfants, soignent nos parents âgés... En France, en Arabie saoudite ou au Guatemala, au moins 67 millions de travailleurs·ses de l'ombre, principalement des femmes (80% pour l'ensemble du secteur selon de BIT), effectuent les heures de travail les plus longues pour les salaires les plus bas. Comme si leur travail n'était pas considéré comme un véritable emploi, les travailleuses domestiques ne bénéficient pas d'un cadre légal adapté.
"La condition des travailleuses domestiques est plus misérable que celle de tout autre groupe de travailleurs et travailleuses dans le système capitaliste," disait la militante afro-américaine Angela Davis. Avec l'accélération des flux migratoires, dont sont issus de nombreuses employées domestiques, ces paroles acquièrent aujourd'hui une résonance particulière.La Journée mondiale des travailleurs et travailleuses domestiques de ce 16 juin est l'occasion d'un coup de projecteur sur ces personnes souvent encore victimes de nombreux abus https://t.co/7SBibJzEXJ pic.twitter.com/AgAgIlx4Ij
— OIT (@OITinfo) 16 juin 2018
De n'avoir pas encore ratifié la convention 189 de l'OIT (Organisation internationale du Travail, rattachée aux Nations Unies), en vigueur depuis 2013, qui fournit un cadre de conditions minimales de travail et de protection sociale aux travailleuses domestiques. A ce jour, 25 pays l'ont ratifiée, dont l’Allemagne, l’Italie, l’Afrique du Sud et de nombreux pays latino-américains. La France s'est alignée sur les Etats-Unis, l’Espagne, l’Arabie saoudite ou encore le Luxembourg qui se sont pour l'instant abstenus.
L'Etat français est aussi pointé du doigt pour ne pas avoir proposé une refonte du système de soins suffisant pour les enfants et les personnes âgées ou en situation de dépendance, secteur où les domestiques travaillent en très grand nombre. Une réforme qui permettrait de proposer un cadre adapté au personnel actuellement relégué au cadre privé, où l'inspection du travail n'a aucun droit de regard sur une activité déjà particulièrement fragilisée de part sa précarité et son nomadisme
10 % bénéficient de la même protection que les autres travailleurs
11 % sont mineures
29,9 % travaillent dans des pays où leur profession n'est pas du tout encadrée
42,6 % n'ont pas droit au salaire minimum national
56 % travaillent dans un pays où il n'existe aucune législation du travail
80 % des employées domestiques sont des femmes (et même 97 % en France)- soit 1 femme sur 25 dans le monde
Plus de 80 % n'ont pas droit à la protection sociale
L'OIT estime que ces conditions sont "un terreau favorable aux situations contemporaines d'esclavage."
Quelques heures de ménage ici, puis le transport, puis quelques heures chez une personne âgée là, avant d'aller chercher les enfants à l'école à l'autre bout de la ville... Un emploi chronophage qui, de par sa nature souvent parcellaire, reste à temps très partiel. Au point que la majorité de ces travailleuses, parvenant à peine à dépasser le seuil de pauvreté, s'enferment dans cet emploi qui devrait rester passager. Car parmi les migrantes récemment arrivées en France, plus de la moitié ont un niveau au moins équivalent au baccalauréat ; 20 % sont même titulaires de l'équivalent d'une licence.
J'ai travaillé pendant 4 ans de 7 heures du matin jusqu'à 22 heures, parfois minuit
Zita Cabais-Obra, travailleuse domestique
Jainab Button (ci-contre) se souvient que ses employeurs lui avaient pris ses papiers, son passeport. Elle s'en est sortie en se rendant à la police.
De par leur lieu de travail, les employées domestiques sont aussi articulièrement exposées aux violences sexuelles au domicile des employeurs. Une question pourtant déclarée grande cause nationale par le gouvernement...
Faut-il le préciser, la juge improvisée de ce 17 juin 2018 clôt le procès (voir la photo ci-dessous) en déclarant l'Etat français coupable et en proposant des sanctions exemplaires, à commencer par la ratification de la Convention 189 de l'OIT, un instrument international majeur qui n’a cependant été ratifié, rappelons le encore, que par 25 États – à peine plus de 10%.