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Sugardaddy : une campagne pour un site internet incitant à la prostitution interdite à Bruxelles

A l'origine de la polémique, des camions publicitaires affublés d’immenses affiches circulant depuis quelques jours dans la capitale belge, surtout aux abords du campus. La campagne incite les jeunes étudiantes en mal d’argent à solliciter l'aide de vieux messieurs, riches et généreux en échange de …  Prostitution déguisée ou pas ? La campagne a été interdite sur tout le territoire bruxellois, et un camion interpellé par la police.
La prostitution n’est ni légale ni interdite en Belgique. C’est peut-être ce qui a enlevé tout scrupule au patron du site RichMeetBeautiful pour lancer sa campagne de pub. Même s’il s’agit d’une prostitution qui ne dit pas son nom, le but de ce site de rencontre parait faire peu de doutes. Inciter des jeunes filles, les «sugarbabies», sans le sou à trouver réconfort financier auprès de vieux messieurs fortunés, les « suggardaddies », en mal de compagnie.
 

Un “malentendu classique“

« Nous sommes comme un site de rencontres classique, sauf que l'aspect financier fait partie des critères, c’est un malentendu classique », se justifie le Norvégien Noor Sigurd Vedal, le grand patron du site. «Nos sugarbabies doivent avoir au moins 18 ans et la prostitution n'est pas autorisée», assure-t-il. Précision : la plateforme demande aux sugardaddies de s’acquitter d’un abonnement de 79 euros, tandis que les sugarbabies y ont un accès gratuit. Sur 150.000 jeunes filles déjà inscrites dans les pays scandinaves et au Benelux, 21.000 environ sont belges, selon le site, qui a fait de la Belgique l'une de ses priorités commerciales.
 
site sugardaddy
Crédit /capture d'écran site richmeetbeautiful.be
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Crédit/ capture d'écran site richmeetbeautifulpeople.be
Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Dix autres camions doivent sillonner le pays dans les semaines à venir. « Surtout à proximité des établissements universitaires », ajoute-t-il.  La Belgique se classe selon lui dans le top 5 des marchés à fort potentiel. « D'ici deux semaines, je me rendrai personnellement en Belgique afin de mener la campagne marketing via la radio, la télévision ou encore internet, a-t-il déclaré via l’AFP, nous estimons notre potentiel à 300 000 membres en Belgique d'ici 2018. »
 

Des plaintes déposées, campagne interdite

Un syndicat étudiant, l'Union des étudiants de la Communauté française (Unecof), dénonce une campagne «complètement immorale». « De plus en plus d'étudiants ont des difficultés sociales ou économiques. On sait que le phénomène de la prostitution étudiante gagne du terrain, et voilà une entreprise qui exploite la détresse de ces jeunes femmes pour faire des profits !», explique sa présidente, Opaline Meunier, à l'AFP. « Si ce n'est pas de l'incitation à la prostitution, c'est au moins comparable à l'utilisation des services d'une escort girl. Or ces étudiantes-là, qui ont du mal à payer leurs études, ont besoin d'une bourse, pas d'un “sugardaddy” », insiste-t-elle.
L'université de Bruxelles a déposé plainte auprès du Jury d'éthique publicitaire de Belgique, un organe d'« autodiscipline » du secteur. En général, ses avis, quand ils sont négatifs, sont suivis par les annonceurs. Plusieurs autres plaintes sont à l'étude, a précisé à l'AFP Sandrine Sepul, directrice de ce jury, qui statuera le 3 octobre prochain.

La Fédération Wallonie-Bruxelles, dont dépend l'enseignement supérieur dans la capitale belge, a annoncé qu'elle déposerait plainte pour incitation à la débauche et la prostitution.
 
Les politiques aussi montent au front. La ministre des Droits des femmes en Fédération Wallonie-Bruxelles, Isabelle Simonis, et son collègue en charge de l'Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt, ont annoncé lundi 25 septembre 2017 leur volonté de déposer plainte, à leur tour, contre la campagne publicitaire.
La secrétaire d'État bruxelloise à l'Égalité des chances Bianca Debaets va aussi de son côté porter plainte auprès du parquet de Bruxelles. . « La société derrière cette campagne agressive et ignoble est sans le moindre doute engagée dans le domaine de la prostitution de jeunes étudiantes » , écrit-elle dans son communiqué. Elle a également annoncé qu’elle avait l'intention de prendre contact avec les bourgmestres bruxellois pour qu'ils interdisent cette campagne sur leur territoire.
 
Les choses sont donc allées vite. Mercredi 26 septembre, la campagne est déclarée non grata sur l'ensemble du territoire bruxellois.

Sur le fond, un débat hypocrite ?

 
Le débat de fond est occulté, c'est la précarité des jeunes filles, et l'hypocrisie des politiques qui appauvrissent un peu plus les familles Hafida Bachir, pdte Vie Féminine
« C’est une pub sexiste, tous les ministres et élus locaux la dénoncent, tout le monde est d’accord. Porter plainte ou l’interdire, cela fait un peu l’unanimité, très bien, et après ? », estime Hafida Bachir. La présidente de Vie Féminine, jointe par Terriennes, regrette que le débat de fond soit occulté, car pour elle la cause de ce problème, « c’est la pauvreté et la précarité des étudiants. Ce que met en lumière cette pub, ce sont les deux systèmes de domination des femmes : le patriarcat qui établit un système de pouvoir des hommes sur les femmes, on le voit bien sur le site combien il met l’accent sur les rôles traditionnels des hommes et des femmes, et l’autre système c’est le capitalisme qui est profondement inégalitaire. »

Pour Hafida bachir, interdire cette pub, c’est l’arbre qui cache la forêt, « il faut arrêter l’hyprocrysie, et arrêter de croire que les mesures d’austérité n’ont pas d’impact sur cette situation, ici en Belgique, on assiste au rabotage des droits au chômage, des droits sociaux. Il y a eu une réforme du travail en Belgique, ainsi qu'une réforme des pensions qui va appauvrir des familles, déjà précarisées, il n’y a pas de miracle quand on appauvrit les familles, ça impacte les jeunes, et en première ligne les femmes. »

La Belgique a adopté une loi contre le sexisme en 2014, « mais ils n’ont pas voulu toucher à la publicité car on touchait au secteur économique, or tout le monde se lève aujourd’hui donc c’est possible, ils auraient pu le faire beaucoup plus tôt », conclut Hafida Bachir.

La prostitution en question

Cette polémique intervient alors que le statut ambigu de la prostitution fait débat en Belgique. Début septembre, le bourgmestre bruxellois Philippe Close annonçait dans les médias qu'il voulait éradiquer la prostitution et qu'il prendrait des mesures de répression.
 

 
Chaque commune a donc son propre règlement, ce qui fait plus de 500 règlements différents pour le pays. Cette situation génère évidemment - oserait-on l'écrire ?- un "bordel" sans nom.  Aurore Van Opstal, autrice
Dans une tribune publiée sur le site LeVif.be, Aurore Van Opstal, autrice et réalisatrice féministe, écrit « actuellement, la Belgique n'a pas légalisé la prostitution au sens où il n'y a pas de loi qui l' "organise". Chacun fait ce qu'il veut. À noter qu'il existe des lois prohibant le proxénétisme (le fait de vivre des revenus d'une personne prostituée). ( …) Par contre, les communes ont le pouvoir de réglementer l'activité en ce qu'elle touche à la sécurité publique. Chaque commune a donc son propre règlement, ce qui fait plus de 500 règlements différents pour le pays. Cette situation génère évidemment - oserait-on l'écrire ?- un "bordel" sans nom. »