Fil d'Ariane
L'entreprise justifiait sa décision par le fait que l'employée n'était pas assez performante pour ce poste et qu'elle n'avait pas «les épaules assez larges». Durant le congé maternité, elle avait engagé une nouvelle responsable de la communication.
Lorsque la nouvelle mère contesta le licenciement à fin janvier 2017, l'entreprise motiva la mesure uniquement par une restructuration. Devant le Tribunal fédéral, elle précisa qu'elle avait voulu professionnaliser son département communication. Pour cette raison, elle avait attribué le poste à une personne disposant des qualifications nécessaires. Le licenciement de l'ancienne cheffe n'avait donc rien à voir avec sa maternité.
L'argument ne convainc pas la 2e Cour de droit civil. L'entreprise avait désigné avant la maternité son employée au poste de responsable de la communication en dépit de connaissances lacunaires dans ce domaine. Elle n'avait pas établi non plus de cahier des charges.
En outre, la société n'a pas apporté de preuves de la restructuration alléguée. Les juges relèvent aussi qu'aucune autre fonction n'a été proposée à l'employée bien qu'elle ait été au service de la régie depuis une dizaine d'années. Elle va devoir payer trois mois de salaire à son ex-employée.
Les patrons n'ont pas le droit de licencier la femme enceinte durant sa grossesse et durant les 16 semaines suivant son accouchement.
Selon une étude publiée en février 2019 réalisée par l'organisation faîtière syndicale Travail.Suisse, une femme sur dix est licenciée en Suisse à son retour de congé maternité.
Comme le déclarait Dieter Egli, le porte-parole du syndicat Syna sur le site de La Tribune de Genève, "le problème fondamental est qu'en Suisse, il n'existe aucune protection contre le licenciement pour raisons économiques après le congé de maternité légal". Le porte-parole de l'Union patronale suisse, Fredy Greuter réagissait à cette étude et "jugeait incompréhensible que les employeurs se servent du congé maternité comme prétexte pour se séparer des jeunes mères". Tout en reconnaissant que "les entreprises en difficulté n'arrivent parfois pas à éviter leur licenciement quand elles se réorganisent".
Selon une autre étude réalisée par l'institut BASS en septembre 2019, 9% des employeurs déclarent licencier parfois ou souvent les femmes après leur grossesse.
Une femme sur sept s'arrête de travailler après son accouchement alors qu'elle ne l'aurait pas souhaité. Dans 3% des cas, elle est simplement licenciée dès la fin du délai de protection de 16 semaines.
En Suisse, une femme sur 10 est licenciée dès son retour de congé maternité. Sa seule faute : avoir eu un enfant!
— Mathias Reynard (@MathiasReynard) March 7, 2019
J'expliquais ce soir dans @ForumRTS mes propositions pour mieux lutter contre ces licenciements discriminatoires et scandaleux ! https://t.co/dEGqopuZbj
"J'ai ressenti des réactions très négatives", témoigne sur la RTS une jeune mère à l'annonce de sa grossesse. A la fin du délai légal, la jeune maman se voit notifier son congé par lettre recommandée. Motif invoqué: une réorganisation de l'entreprise. Elle demande des explications, n'en reçoit aucune. Après négociations, elle a obtenu un peu plus de deux mois de salaire d'indemnités.
"La solution serait l'instauration d'un congé parental", expliquait alors Stéphanie Perrenoud, docteur en droit sur le plateau de la RTS, "il permettrait aux parents de se répartir également les tâches éducatives, on prend ainsi conscience que ces taches ne sont pas réservées aux femmes. Si le père prend un congé qui suit la naissance, et bien les absences ne seront plus du fait exclusif des femmes, ce qui pourrait donc avoir un effet positif sur la condition des femmes au travail".