Sur les traces d'Agatha Christie, à Montréal

Elle est, bien sûr, l’une des reines du roman policier, mais Agatha Christie a aussi été une femme de tête avec une vie passionnante et hors de l’ordinaire : c’est ce que l’on découvre en visitant cette exposition présentée en première mondiale au musée montréalais d’archéologie Pointe-à-Callière.
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Agatha Christie portrait
L'un des plus beaux portraits d'Agatha Christie, exposé  au musée montréalais d’archéologie Pointe-à-Callière
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Elle aurait eu 125 ans le 15 septembre 2015. De quoi donner envie de raconter une vie hors du commun, à travers laquelle les visiteurs pourront déambuler jusqu’en avril 2016, à l’occasion d’une exposition au musée montréalais d’archéologie Pointe-à-Callière, hommage évident à cette passionnée des traces de l’antiquité , fruit d’une collaboration entre plusieurs grands musées de Londres, New York et Toronto, mais aussi avec le petit-fils de la grande dame, Mathew Prichard, administrateur du Christie Archive Trust, et John Mallowan, le neveu de son mari Max Mallowan. Manuscrits, cahiers de notes, photos, films, archives sonores : quelque 320 objets permettent de saisir la vie et l’œuvre de celle que l’on surnommait la « Reine du crime »…

Agatha Christie expo 1
Trois images d'une enfance heureuse : Agatha avec sa maman, son papa et son chien dans la maison d’Ashfield dans le Nottinghamshire au centre de l'Angleterre
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Une enfance heureuse

« L’un des plus grands bonheurs qui puissent nous arriver dans la vie est d’avoir une enfance heureuse. La mienne l’a été tout à fait » : la petite Agatha grandit dans l’amour de ses parents, son frère et sa sœur – elle est la petite dernière - et les chiens de la famille.

Elle développe dans sa maison d’enfance d’Ashfield une passion pour le jardinage qu’elle conservera durant toute sa vie. Et la femme de lettres qu’elle va devenir apprend à lire seule à 4 ans. Elle apprendra également le français au contact de Marie, une jeune servante. Agatha se passionne pour la lecture et celle tout particulièrement les romans policiers depuis sa plus tendre enfance.

La passion des voyages


Elle a à peine 15 ans que sa mère l’envoie parfaire son éducation à Paris, puis en Égypte, où elle va devenir une jeune femme active qui pratique la danse, le chant, le théâtre, la natation, le patin à roulettes (plus tard, le surf) et une jeune femme courtisée – elle recevra plusieurs demandes en mariage qu’elle va décliner les unes après les autres.

Archibald Christie
Agatha et Archibald Christie, le bel aviateur qui allait devenir son premier mari
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Jusqu’à ce qu’elle rencontre, en 1913, un aviateur du nom d’Archibald Christie, pour lequel son cœur va fondre. Ils se marient en 1914, tout juste avant le début de la guerre. Agatha endosse les habits d’infirmière durant le conflit, c’est là qu’elle va s’initier à la science des poisons, l’arme de prédilection dans ses romans. La fin de la guerre lui ouvre les portes de la maternité, elle devient maman en 1919 d’une petite Rosalind qui fera son plus grand bonheur. Mais elle ne peut résister à l’appel du voyage et de l’aventure lorsqu’on lui propose de faire un tour du monde pendant un an avec son mari. Elle accepte, rassurée par le fait que sa fille restera aux bons soins de sa mère, sa tante et une gouvernante.

« Faire le tour du monde fut l’un des événements les plus palpitants de mon existence. Un cadeau de la vie si extraordinaire que je ne cessais de me répéter : je vais faire le tour du monde, je vais faire le tour du monde » déclarait Agatha avant de se lancer dans la folle aventure qui va l’emmener sur tous les continents et jusqu’à Montréal en 1922.

Cette expérience sera une source d’inspiration pour les romans qu’elle écrit depuis plusieurs années déjà.  

Le dernier mystère de la reine du mystère

1926 est une année difficile pour Agatha : son mari, séduit par une autre femme, réclame le divorce, et sa mère adorée, Clara, décède. Agatha disparaît alors pendant 11 jours, 11 jours pendant lesquels on ne saura jamais où elle est allée ni ce qu’elle a fait. Un mystère jamais éclairci sur la reine du mystère…

L'Orient Express fut le train de ma vie

Archibald obtient le divorce en 1928 et Agatha décide de commencer une nouvelle vie en montant à bord d’un train mythique qui l’a toujours fascinée et attirée, l’Orient Express. « Le train de ma vie » dira-t-elle...

Agatha Christie orient express
A bord de l'Orient Express, "le train de ma vie", écrira-t-elle, et surtout le théâtre de l'un de ses plus célèbres romans
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C’est au cours de ce voyage à bord de l’Orient Express qu’elle met le pied en Irak, à Ur plus exactement, nom mésopotamien pour l’actuelle Tell al-Muqayyar, où elle rencontre un célèbre archéologue britannique Leonard Wooley et sa femme, et se découvre une réelle passion pour l’archéologie.

La passion de l’archéologie

Agatha revient à Ur en 1930 et c’est là qu’elle rencontre l’assistant de Leonard Wooley, un jeune archéologue du nom de Max Mallowan, de 14 ans son cadet. Max et Agatha succombent l’un à l’autre, non sans réticence du côté de l’écrivaine étant donné leur différence d’âge. Mais l’amour est plus fort et il va durer, tout comme la passion pour l’archéologie : pendant 30 ans, Agatha va suivre Max sur ses chantiers de fouilles, en Irak, puis en Syrie.
 

Agatha Christie et Max Mallowan
Agatha Christie et Max Mallowan, de 14 ans son cadet, son second mari
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Elle est son assistante : elle nettoie, enregistre, filme, photographie, filtre, documente toutes les découvertes de son mari dont plusieurs feront marque d’ailleurs dans le domaine. Plusieurs des artefacts mis au jour lors de ces fouilles sont présentés dans cette exposition. Et certains de ces sites, classés patrimoine mondial de l’humanité, ont depuis été détruits par le Groupe Etat islamique, dans leur frénésie à effacer les traces pré-islamiques…

Agatha est fascinée par le désert et ces civilisations de la Mésopotamie, sources inépuisables d’inspiration pour ses romans qu’elle continue à écrire sur un rythme soutenu. Elle invente ainsi un nouveau genre littéraire, le roman policier historique : « Meurtre en Mésopotamie », « Meurtre sur le Nil », « Rendez-vous à Bagdad », « Rendez-vous avec la mort », autant de best-sellers.
 

Agatha Christie et Max Mallowan en Egypte
Agatha Christie et Max Mallowan, durant leurs voyage de fouilles, en Egypte
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Une œuvre colossale


66 romans policiers, 6 autres romans sous le nom de plume de Mary Westmacott, 18 pièces de théâtre, 150 nouvelles et 2 livres de souvenirs : Agatha Christie est l’auteure la plus traduite dans le monde (plus de 100 langues) et l’une des plus lues également (plus de 2 milliards d’exemplaires). Et elle est, bien sûr, la créatrice de l’inénarrable Hercule Poirot et de la très « British » Miss Marple, ses détectives fétiches.
 

Agatha Christie expo crâne Eric
Le crâne Éric du  "Detection club", exposé à Montréal
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Elle a été présidente de 1957 à 1976, soit jusqu’à sa mort, du « Detection club », une association très sélecte d’auteurs de polars qui devaient jurer allégeance en prêtant serment sur un crâne humain prénommé Éric, et éclairé de l’intérieur par une bougie. Les membres du Detection Club devaient s’engager à respecter des règles précises dans leurs romans, comme faire apparaître l’assassin dans les premières pages et donner tous les indices pour permettre au lecteur de l’identifier.

A Christie for Christmas


Chaque année, son éditeur demandait un nouveau roman à Agatha: « A Christie for Christmas » (Un Christie pour Noël) lui disait-il. Et elle livrait la marchandise…

Émouvant de découvrir ces carnets de notes dans laquelle elle concevait les intrigues et les personnages de ces romans, ainsi que ces exemplaires dédicacés à sa fille Rosalind ou des éditions originales de ses livres. Émouvant également de rencontrer la machine à écrire fétiche de l’auteure, une Remington 1937, pièce maîtresse de la collection privée de son petit-fils Mathew qui est venu à Montréal inaugurer cette exposition. On y voit également son fauteuil préféré, un de ses services à thé et son piano. Agatha Christie était d’ailleurs férue de décoration intérieure. 

Agatha Christie et sa Rémington
La machine à écrire d'Agatha Christie, une Remington 1937, pièce maîtresse de la collection privée de son petit-fils Mathew, exposée à Montréal
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La Reine la fera « Dame commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique » alors qu’elle a 80 ans. Un honneur auquel elle rêvait depuis des années. Agatha s’éteindra en douceur  5 ans plus tard, en janvier 1976… Max la suivra deux ans plus tard…

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A regarder, les coulisses de l'exposition "Sur les traces d'Agatha Christie"