Retour sur dix années d'information et d'engagement : au printemps 2011, TV5monde lançait Terriennes, un portail d'information francophone sur la condition des femmes dans le monde.
A l'origine de Terriennes, des femmes (mais aussi des hommes). Parmi elles, la journaliste Sylvie Braibant, première rédactrice en cheffe de Terriennes. L'occasion aujourd'hui de célébrer avec elle cet anniversaire.
Comment est né le site "Terriennes" et pourquoi avoir choisi ce nom ? Sylvie Braibant : Terriennes, ça vient de Terre : ce sont les habitantes de la Terre, ce sont TOUTES les habitant-e-s de la Terre. C’est un peu comme humaines, mais plus fort, parce que "humaines" a un côté un peu évanescent, tandis que « Terriennes » implique d'agir les pieds sur terre.
Qu’est-ce qui, un jour, vous a donné l'idée de créer un site dédié à la condition des femmes ?Ça s’est fait surtout à deux. Il faut rendre hommage à Marie-Christine Saragosse, qui était présidente de TV5Monde, à l'époque. Moi je m'occupais déjà du site web de l'information de la chaîne et je trouvais qu'il y avait de plus en plus de sujets sur les relations entre les femmes et les hommes, et sur la condition des femmes partout dans le monde. De fil en aiguille, j'en a parlé avec elle, et c'est comme cela qu'on s'est dit que l’on pourrait créer un site – car Terriennes a d'abord été un site, avant d'être aussi une émission. Ensuite il a fallu trouver un nom, parce qu'il y en avait déjà qui étaient pris, comme "Martiennes", à l'époque. Alors nous nous sommes réunis, à une quinzaine, et je dois à la vérité de dire qu’il n’y avait qu’un seul homme dans l’assemblée, qui allait s’occuper de la mise en place du site, et que c’est lui qui a trouvé le nom de Terriennes.
Il y a eu une prise de conscience générale, jusque dans des endroits qui étaient moins peut-être concernés directement par la question de genre.
Sylvie Braibant
S’il fallait retenir un événement qui a marqué les premières années de Terriennes ?Il y a eu une telle accélération en 2017, avec #Metoo, que le reste s’entrechoque un peu… Il y a eu l’affaire DSK, il y a dix ans, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé et qui a eu pour effet de reconnaitre que : « Là, il y a vraiment un problème ». Mais avant, déjà, il y avait eu ce que l’on a appelé les « printemps arabes » dans lesquels les femmes ont joué un rôle très important. Tout a commencé en Tunisie, avec une femme policière qui a verbalisé un marchand ambulant, lequel lui donné une gifle. Puis l’on s'est aperçu que dans toutes ces révolutions arabes, en Égypte, notamment, mais pas seulement, le poids des femmes a été extraordinaire. Il y a eu une prise de conscience générale, jusque dans des endroits qui étaient moins peut-être concernés directement par la question de genre.
Je choisirais avortement, parce que il y a une telle tentative de régression dans ce domaine dans beaucoup de pays, en particulier dans ce qu'on appelle les démocraties occidentales.
Sylvie Braibant
Quel mot choisiriez-vous parmi les mots des dix dernières années – règles, consentement, sexisme.. ?Beaucoup choisiraient consentement, je pense. Paradoxalement, je choisirais avortement, parce que il y a une telle tentative de régression dans ce domaine dans beaucoup de pays, en particulier dans ce qu'on appelle les démocraties occidentales, que j'ai vraiment envie de choisir ce mot-là, pour lui garder toute son actualité.
►(Re)voir Sylvie Braibant dans le journal de TV5monde►Terriennes avec la journaliste Camille Sarret Terriennes : chronique de Camille Sarret.Quelle serait la plus belle avancée ?Ce serait les hommes ! Qu’ils prennent conscience, partout, qu'il y a un vrai problème et que cela leur serait très bénéfique d'être conscient de ce problème. Tant que l’on n'aura pas avancé là-dessus, #yaduboulot sera encore d'actualité !
Pas d'avancée pour les droits des femmes sans les hommes : ici le chanteur Tiken Jah Fakoly, invité de notre émission spéciale pour l'abandon des mutilations génitales féminines ►Notre dossier ►
LUTTER CONTRE L'EXCISION Rendez-vous dans dix ans : qu’espérez-vous pour les droits des femmes ?On pourrait espérer qu’en France, il y ait une présidente de la République, et puis que de plus en plus de femmes occupent des postes de pouvoir, pas seulement en politique, mais aussi dans le monde industriel, économique… Et surtout que cessent les violences contre les femmes ! Que s'arrêtent toutes les violences, qu'elles soient sexuelles ou sociales. Il y a peu, c'était la journée des toilettes, et quand on voit toutes ces femmes qui subissent des violences parce qu'il n'y a pas de assez de toilettes pour elles, c'est tout à fait terrible.
Je ne citerais peut-être pas une personne en particulier, mais davantage les femmes qui se mobilisent, de plus en plus, dans les mouvements sociaux. Et puis celles qu'on désigne aujourd'hui "en première ligne".
Sylvie Braibant
Quelle serait la femme qui a le plus marqué la décennie ?Il y a tellement de femmes extraordinaires qui ont marqué cette décennie… On pourrait citer des personnalités comme Michelle Obama ou Simone Veil. Je ne citerais peut-être pas une personne en particulier, mais davantage les femmes qui se mobilisent, de plus en plus, dans les mouvements sociaux. Et puis celles qu'on désigne aujourd'hui "en première ligne" et qui me semblent compter plus que d'autres, aujourd'hui. Si on prend par exemple la révolte des gilets jaunes, si on prend les révolutions arabes, si on prend l’épidémie de Covid… On voit que les femmes occupent un rôle absolument central, un rôle moteur et très positif.