Fil d'Ariane
Il faut savoir lire les rapports ou les études, souvent rédigés de façon bien diplomatique pour ne fâcher personne. La presse française dans son ensemble se félicitait au lendemain de la publication du dernier dossier édité par l'Insee (Institut national des études statistiques) le jeudi 29 octobre 2015 et intitulé : "En 25 ans, moins de tâches domestiques pour les femmes, l'écart de situation avec les hommes se réduit". Il semble bien pourtant que la plupart des commentateurs n'ont lu que le titre. Parce que la première phrase dément aussitôt ce bel optimisme : "Si la durée totale consacrée au travail domestique et au travail professionnel est proche en moyenne entre hommes et femmes, sa répartition entre les deux composantes demeure très inégale entre les sexes.", tempère donc aussitôt l'auteure, l'économiste statisticienne Layla Ricroch. La robotisation, la généralisation des appareils ménagers permettent aux humains de passer moins de temps à ce qui est toujours vécu comme autant de corvées nécessaires...
"En 2010, les femmes consacrent en moyenne quatre heures par jour aux tâches domestiques, soit une demi-heure de moins qu’en 1999 et une heure de moins qu’en 1986. La baisse provient de la réduction massive du temps passé au noyau dur des activités domestiques, à savoir la cuisine, le ménage, la gestion du linge et les courses. Cette heure gagnée s’est transformée pour un quart en temps de travail (qui inclut le temps de travail proprement dit, mais aussi les formations et les temps de trajet domicile-travail) et pour une demi-heure en temps libre."
Le temps que les hommes consacrent aux tâches domestiques n’a pas évolué en 25 ans
La réduction du temps de travail consécutive au changement de la durée hebdomadaire du travail en France depuis l'an 2000 - loi des 35 heures -, n'a pas entraîné les hommes à suppléer un peu plus leurs compagnes, peut-être aussi parce qu'elles sont de plus en plus soumises au travail à temps partiel...
"En 2010, les hommes effectuent 2 heures et 13 minutes de tâches domestiques en moyenne par jour, soit une durée équivalente à celle effectuée en 1999 (2 h 13) et 1986 (2 h 07). Pourtant, leur durée moyenne de travail professionnel s’est écourtée de 32 minutes en 25 ans, sous l’effet en particulier de la montée du chômage (6,1%pour les hommes de 15 à 65 ans en 1986, 9,6% en 2010), et du passage aux 35 heures. Ce temps de travail en moins correspond pour l’essentiel à du temps libre en plus ; il a augmenté de 19 minutes en moyenne sur cette période."
Non seulement la durée moyenne consacrée aux tâches domestiques par les hommes n’a pas varié, mais sa répartition au sein de la journée non plus, que ce soit au cours des jours de semaine ou du week-end.
Depuis, cette question est traitée à chaque nouvelle édition de l’enquête et elle conduit toujours au même constat : si l’inégalité face aux tâches domestiques tend à se réduire, microscopiquement, elle reste importante entre les sexes.
La méthode de travail adoptée semble fiable puisqu'elle a obligé les enquêtés à tenir un journal de bord du travail domestique. "La dernière enquête a été réalisée entre septembre 2009 et septembre 2010, en métropole et dans certains Dom (Martinique, Guadeloupe et La Réunion) et restreinte aux personnes de 15 à 60 ans, ni étudiantes, ni retraitées, soit un panel de 11 340 individus. Selon la configuration familiale, les personnes devaient remplir un ou deux carnets (un, pour un jour de semaine et un, pour un jour de week-end) de leur emploi du temps."
Le temps quotidien consacré aux tâches domestiques a diminué d’une demi-heure en 25 ans
"En 2010, 3 heures et 7 minutes sont consacrées en moyenne chaque jour aux tâches domestiques (figure 1) contre 3 heures et 39 minutes en 1986, soit une baisse de 15 %. Deux éléments peuvent expliquer a priori ce phénomène. D’une part, avec la hausse du taux d’activité des femmes, le supplément de salaire qu’elles ont apporté au ménage a pu permettre de recourir davantage à des substituts marchands. D’autre part, la productivité des tâches ménagères a pu augmenter par le biais d’une hausse des taux d’équipement en certains appareils électroménagers. Ainsi, 90 % des ménages disposent désormais d’un four à micro-ondes contre 65% en 1999. l’achat et la livraison de plats cuisinés au cours de l’année concernent aujourd’hui 22 % des ménages contre 12% en 1999."
Autre résultat : les hommes choisissent ce qu'ils condescendent à faire pour la maison, et ils préfèrent le créatif au répétitif, la cuisine au balayage... "Les familles n’ont pas augmenté le taux de recours à une aide ménagère depuis 1999 - 7% d'entre elles seulement y ont recours. Le matin d’un week-end reste le moment privilégié pour effectuer les tâches domestiques. Les hommes n'évoluent guère dans le choix de celles qu'ils acceptent d'accomplir : en semaine, par exemple, les hommes font plus souvent la cuisine (c’est le cas de 9 % d’entre eux, en hausse de 3 points) et s’occupent plus des enfants (4 %, en hausse de 1,5 point) qu’en 1999 ; en contrepartie, ils passent moins de temps à bricoler ou à jardiner (5 %, moins 1,5 point). Mais dès lors dès lors que l’homme est en couple, le temps passé au noyau dur des tâches ménagères (ménage, cuisine, linge, courses) ne varie pas selon le nombre et l’âge des enfants."
Plus il y a d’enfants dans le ménage, plus le partage des tâches domestiques reste inégal
Du fait de la moindre participation des femmes au travail domestique, l’écart du temps passé à effectuer des tâches domestiques entre les hommes et les femmes s’est réduit de 40 % en 25 ans : 3 heures en 1986 contre 1 heure et 48 minutes en 2010. Toutefois, ces écarts dépendent fortement de la configuration familiale. Dès que l'homme est en couple, et qu'il est à la tête d'une famille abondamment pourvue en enfants, ses vieilles habitudes reprennent le dessus. "L’inégalité du partage des tâches domestiques ne cesse de s’accentuer avec le nombre d’enfants dans le ménage, en particulier s’il y a un jeune enfant de moins de trois ans (entre 2 et 4 heures de plus pour les femmes, selon les configurations familiales)." Si les hommes acceptent de partager plus souvent les courses, la vaisselle ou le ménage, ils renâclent toujours à s'occuper des enfants, surtout quand ils sont petits et qu'il s'agit de leur prodiguer des soins ou de les faire manger. Les papas préfèrent se consacrer aux activités plus gratifiantes, jeux ou devoirs.
Les femmes comme les hommes sont pourtant d'accord pour apprécier très modérément les "corvées" ménagères, en particulier le repassage et la vaisselle… Et plus ces activités sont rejetées, plus elles sont accomplies par les femmes. "Ainsi, pour le repassage, activité considérée comme la plus déplaisante, 66%des femmes y participent, contre 14 %des hommes. L’écart de participation n’est que de 19 points pour les courses." Et ailleurs ? Réponse au Canada par exemple au Canada : "la durée consacrée aux tâches domestiques par les femmes n’y a pas évolué en dix ans tandis que la participation des hommes a augmenté d’un quart d’heure."
Encore un effort pour être révolutionnaire Messieurs ! Prenez exemple sur le regretté Boby Lapointe qui aimait tant descendre la poubelle et faire la vaisselle pour séduire sa Marcelle... #yatoujoursduboulot