Le secteur des technologies n'est-il pas assez attirant pour les femmes ? Ce monde masculin peine-t-il à s'ouvrir au sexe opposé ? Les femmes ne représentent qu'environ 30% des salariés des start-ups françaises. Mais les initiatives se multiplient pour faire grimper ce chiffre.
Il n'y avait qu'à ouvrir les yeux dans les allées du CES de Las Vegas début janvier 2019 : les femmes derrière les stands ou en visite étaient clairement et largement minoritaires. Les habitués et habituées de cette grand-messe mondiale de l'innovation numérique ont même remarqué que cet événement est l'un des rares où la file d'attente est beaucoup plus longue devant les toilettes pour hommes qu'à l'extérieur des commodités pour femmes.
Ce constat est trivial. Il est aussi révélateur d'un problème plus global dans le secteur économique que représente les start-ups technologiques.
Les femmes cantonnées aux fonctions "support"
En 2017, seulement 9% des start-ups étaient dirigées par des femmes, d'après une analyse du cabinet
EY. Et seules 33% des salariées de ces entreprises du numérique sont des femmes, selon une étude de
Syntec Numérique datant de 2016, essentiellement, en outre, dans des fonctions dites "support", telle les ressources humaines, l'administration ou la communication.
Pour tenter de faire évoluer le constat, des initiatives se multiplient. A commencer par celles d'entrepreneures de la "tech".
Une petite fille pourra créer du code avec des licornes si c'est ça qui lui plaît, elle n'est pas obligée de faire du foot ou des vaisseaux spatiaux.
Claude Terosier, fondatrice de Magic Makers
Parmi elles, la fondatrice de Magic Makers. Avec sa start-up, Claude Terosier propose des cours de code informatique pour les enfants. Une manière, selon elle, de développer leur esprit créatif. "On leur donne la possibilité de construire leurs propres jeux vidéos, de construire des robots, de les programmer, raconte-t-elle. L'enjeu est qu'ils se rendent compte que ce qu'ils utilisent, ce n'est pas magique, ce sont des choses qui ont été fabriquées par des hommes et des femmes. "
Une "école" du numérique largement ouverte aux petites filles. Et pourtant, la fréquentation reste à 70% masculine : "On voit que spontanément les parents vont plutôt inscrire les garçons, comme ils offrent plus de Lego aux garçons et des poupées aux filles, ce sont des stéréotypes inconscients qu'il faut changer".
► Voir le témoignage de Claude Terosier, fondatrice de Magic Makers :
Pour contrer cela, Claude Terosier assure multiplier les références féminines dans sa communication et mettre en avant l'aspect créatif de sa formation.
"Une petite fille pourra créer du code avec des licornes si c'est ça qui lui plaît, elle n'est pas obligée de faire du foot ou des vaisseaux spatiaux", ajoute-elle.
Autre militante, en France, de la présence des femmes dans le secteur des nouvelles technologies, Mathilde de l'Ecotais. Avec le chef cuisinier Thierry Marx, cette réalisatrice a lancé une formation gratuite aux métiers de l'image culinaire. Les stagiaires, de 18 à 28 ans, souvent en échec scolaire ou éloignés de l'emploi, apprennent à devenir photographe ou vidéaste pour les réseaux sociaux, spécialisés dans l'alimentaire et la restauration.
Je me suis bagarrée toute ma vie pour arriver là où je suis. Et j'ai pu constater, assez tard, que c'était plus compliqué pour les femmes d'être dans le silo et de se faire entendre.
Mathilde de l'Ecotais co-fondatrice de Media Social Food
Media Social Food a lancé sa formation à la rentrée 2018. La première promotion comptait six femmes pour deux hommes parmi ses élèves. "On est assez fières de cela, se réjouit Mathilde de l'Ecotais. On l'a fait plus naturellement qu'en cherchant des quotas, certainement parce que, comme je suis une femme, je me suis bagarrée toute ma vie pour arriver là où je suis. Et j'ai pu constater, assez tard, que c'était plus compliqué pour les femmes d'être dans le silo et de se faire entendre."
► Voir le témoignage de Mathilde de l'Ecotais, fondatrice de Media Social Food :
Pour elle, le mouvement vers une plus grande mixité est engagé, mais il est lent : "
Il y a une prise de conscience, on commence à en parler. De là à ce qu'on en soit à la parité, loin de là. De là à ce qu'on nous rende la pareille, on est loin de tout cela. Il faut absolument pour nous, pour nos filles, continuer le combat de façon encore plus engagée, je crois".
Les initiatives en matière de présence féminine dans la "tech" ne sont pas qu'individuelles. Certaines entreprises ont compris l'intérêt que pouvait leur apporter ce combat, aussi bien en matière de fonctionnement interne que d'image de marque.
Le groupe français La Poste s'est engagé, notamment, dans une série de conférences. La première de ces "Rencontres des Femmes du Numérique" avait lieu précisément à Las Vegas, à l'occasion du CES 2019.
Une machine misogyne ?
Les intervenantes ont raconté leur manière de lutter en faveur de l'intégration de codeuses et autres informaticiennes dans les métiers des nouvelles technologies.
Elles ont aussi souligné les risques engendrés par la sous-représentation des femmes dans le numérique. Notamment la reproduction de certains biais sexistes : la programmation des futures applications d'intelligence artificielle, si elle n'est faite que par des hommes, ne fera que perpétuer un sexisme aujourd'hui uniquement véhiculé par l'être humain. La machine elle-même pourrait devenir misogyne.
Plus largement, à l'été 2018, un collectif regroupant 45 associations et 42 entreprises (parmi lesquelles La Poste mais aussi AccorHotels, Orange ou Air France-KLM) a été lancé. "
Femmes@Numérique" se promet d'investir un million d'euros sur cinq ans pour financer des projets en faveur de la mixité. Un montant relativement faible mais l'initiative est également soutenue par l'Etat français et même l'Education nationale. Une manière de prendre le problème à la racine.