« La rébellion des Incels a déjà commencé. On va renverser tous les “Chads” et “Stacys”. » (voir encadré) a posté sur son compte Facebook Alek Minassian, avant de foncer sur des piétons et surtout sur des piétonnes dans les rues de Toronto, tuant 10 personnes, dont une majorité de femmes. Si Graham Gibson, chargé de l’enquête, qualifie le message « d’énigmatique », mettant en garde sur les motivations réelles d’Alek Minassian, les propos de l’auteur supposé de l’attaque réveillent cependant le terrible souvenir de précédentes tueries masculinistes au Canada et dans le monde.
Un mouvement planétaire de domination masculine, de revanche des "mâles blancs en colère" ceux-là mêmes qui ont porté à la Maison Blanche le plus machiste et misogyne des présidents américains.
Une avalanche de questions en suspens
Les enquêteurs restent cependant très prudents face aux questions que les journalistes se posent et que La Presse recense ainsi : Était-il obsédé par Elliot Rodger, auteur d’une tuerie motivée par sa haine des femmes ? « Ce sont des avenues que nous devrons explorer » ; Fait-il partie d’un groupe organisé ? « Nous ne sommes en communication avec aucun groupe » ; Était-il frustré par son rapport aux femmes ?
« Pas de commentaires » ; A-t-il foncé de manière délibérée sur des femmes et évité des hommes ? « À ce moment-ci, nous n’avons pas de preuve en ce sens », répondent en choeur les policiers en charge de l'affaire.
Qui sont donc ces Incels dont se réclame Alek Minassian ?
Contraction d'« involuntary celibate », « célibataire involontaire » en français. Selon un article publié en novembre dans le quotidien britannique The Guardian, 40 000 personnes feraient partie de cette « communauté » née sur Internet. Ce sont en très grande majorité des hommes, âgés de 18 à 35 ans, hétérosexuels. Ce qui les rassemble : leur mépris des femmes.
Le Monde, journal français, nous apprend que leur objectif est de « tenir les femmes pour uniques responsables de leur célibat durable. Particulièrement actifs en ligne, ils se retrouvent principalement sur le site Incels.me, interdit aux femmes et qui compte plus de cinq mille membres, mais aussi sur des groupes de la messagerie Discord et sur le forum 4chan – notamment sur l’espace de discussion /r9k/, où des milliers de conversations sont ouvertes chaque jour.
Si les femmes ne s’engagent pas dans une relation avec eux, c’est uniquement, argumentent les Incels, parce qu’elles sont « diaboliques ». Les posts trouvés sur Internet les qualifient volontiers de « menteuses pathologiques », de « salopes (…) incapables d’aimer ». « [Elles] prennent plaisir à malmener, à moquer ou à humilier des hommes dès qu’elles le peuvent », résume un internaute.
Celles qui sont la plupart du temps désignées par l’expression « femoid » (contraction de « femmes » et « humanoïdes », visant à les déshumaniser) n’accepteraient d’avoir des relations qu’avec un seul type d’hommes : les « Chads ». Il s’agit de jeunes hommes populaires, charmants, à l’aise avec les femmes, et surtout, ayant une vie sexuelle ou amoureuse bien remplie. Les Incels les méprisent presque tout autant qu’ils les envient. Les femmes en couple sont, quant à elles, surnommées des « Stacys ».
Le quotidien affirme enfin que l’on trouve sur leur forum des glorifications du viol, des incitations au harcèlement et des conseils pour bien violer les femmes.
Les masculinistes, une histoire déjà longue de meurtres à travers le monde
Pour le Canada, c'est à Montréal que tous pensent d'abord, où la tuerie de l’Ecole Polytechnique, ainsi qu'elle est désormais désignée, est encore dans tous les esprits, presque 30 ans après. Le 6 novembre 1989, Marc Gharbi dit Lépine, étudiant en informatique, abat 14 femmes et en blesse grièvement 10 autres, avant de se suicider. Dans sa lettre « testamentaire », le tueur évoque une haine de ces «féministes qui lui ont toujours gâché la vie ». C'est le premier attentat masculiniste revendiqué.
3. 2 médias ont fait état d'"échanges" et des "recherches" faites par #AlekMinassian à propos de #ElliotRoger, le tueur misogyne et icône de la communauté incel.
— Stephanie Lamy (@WCM_JustSocial) 24 avril 2018
Des informations qui ne proviennent pas des captures d'écran mais des forces de l'ordre.https://t.co/rkuZBgMYje pic.twitter.com/ZbEl2yidIc
Ailleurs dans le monde
Si le mouvement est particulièrement puissant en Amérique du Nord, il existe aussi en Europe. En France, des pères célibataires, occupent pendant quatre jours et trois nuits en février 2013, une grue nantaise déclarant vouloir défendre « la cause des papas ». Mais une fois redescendus, le doute s’installe : sont-ils des pères éplorés, ou des figures de proue anti-féministe ? En cause : les propos qu’ils tiennent à l’encontre de Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, et Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la famille, après une réunion avec les associations de défense des droits de pères : « Je me casse, j'ai autre chose à faire, on se fait encore balader par des femmes ministres qui n'en n'ont rien à foutre des pères » ; « Les femmes qui nous gouvernent se foutent toujours de la gueule des papas. »Et aussi > Réseaux sociaux : en France, la haine aime à se déverser sur les femmes