Institutions détruites, protection inexistante
Dans ce contexte de violence généralisée, les Irakiennes ne bénéficient aujourd'hui d'aucune protection ou presque. D'abord sur le plan social. A la différence des hommes prisonniers, "les femmes souffrent doublement, du fait de leur statut de membres de seconde classe de la société irakienne", affirme HRW dans son
communiqué de presse en français. Battues, violées, en sortant de prison, elles risquent d'être victimes de "crime d'honneur" au sein de familles qui leur font porter la faute des actes criminels qu'elles ont subis. Les crimes d'honneur ne sont pas rares en Irak et régulièrement dénoncés par des
ONG, mais restent impunis.
Cette défaillance de la justice a été accentuée par l'invasion américaine en 2003. Les populations civiles d'Irak, en particulier les femmes, souffrent de la destruction des institutions publiques, qui peinent à se relever. HRW a souligne de graves dysfonctionnements de la justice pénale irakienne, qui mettent en danger ces femmes et qui donnent un cadre quasi-légal à ces violences. Plusieurs exemples sont cités. Quand une libération est ordonnée par un juge, la ou le prisonnier-e peut rester maintenu-e en détention pendant des mois, en attendant une autorisation du ministère de l'Intérieur. Voici encore le cas d'une jeune femme, devenue infirme au cours de sa détention. Sept mois après son témoignage à HRW, elle a été exécutée en septembre 2013, malgré une décision d'un tribunal de première instance qui avait rejeté plusieurs des chefs d'accusation retenus contre elle, suite à un rapport médical confirmant qu'elle avait été torturée.
Tortures et viols, héritage du passé ?
Face aux
manifestations de sunnites dénonçant les violences contre les femmes en prison, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki avait promis une réforme du système judiciaire en janvier 2013. Un an après, rien n'a été fait. Aujourd'hui, l’État, via Aqil Tarahy, inspecteur général du ministère de l'Intérieur, dément l'utilisation systématique de tortures sur les femmes. "Nous avons besoin de temps pour progresser. Où nous étions avant, il y avait une absence totale de culture des droits humains (…) Saddam Hussein (ex-dictateur irakien) a créé des monstres, et une partie d'entre eux, continuent de travailler dans nos ministères", aurait-il avoué, selon les propos rapportés par HRW.
La présence américaine a aussi laissé des traces sanglantes, comme des viols et tortures de prisonnier-e-s. On se souvient ainsi du viol de la jeune irakienne
Abeer Qasim Hamza (14 ans), abusée puis tuée après l'assassinat de toute sa famille par six soldats américains, à Mahmoudiyah en 2006. Et chacun-e garde en mémoire les images prises entre 2003 et 2006, au coeur de la forteresse d'
Abu Ghraib, construite sous la dictature de Saddam Hussein, où des soldats américains avait torturé et violé des détenu-e-s, avec l'aide, parfois, de personnels pénitenciers irakiens. Au temps de Saddam Hussein, les mêmes torturaient des opposants politiques...
A l'approche des élections législatives prévues en avril 2014, HRW a voulu tirer la sonnette d'alarme sur les conséquences sur tout le pays de ces violences infligées aux prisonnières. "Les violations des droits humains des femmes que nous avons documentées sont à bien des égards au cœur de la crise actuelle en Irak", a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW. Pour Myriam Benraad, "des actes pareils peuvent déclencher des violences à grande échelle entre tribus et clans".