Tour de France Femmes : "Elles arrivent" dans la roue des championnes

Quarante-huit jeunes cyclistes s’apprêtent à vivre l'aventure du Tour de France Femmes, du 23 juillet au 30 juillet 2023. Objectif : éveiller des vocations, faire évoluer la société, comme l'explique Marie-Françoise Potereau, chargée du cyclisme féminin à la FFC et ancienne championne.

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Peloton cadettes Elles arrivent
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Elles ont entre 13 et 18 ans, mais sont déjà des cyclistes aguerries. Une cinquantaine de jeunes filles ont été sélectionnées par la Fédération française de cyclisme pour vivre une expérience inoubliable : participer à la deuxième édition du Tour de France Femmes, qui s'élance ce 23 juillet, dans le cadre de l'opération "Elles arrivent !" Au cœur de la course et de la vie des pros du sport, les heureuses élues courront le même parcours que les championnes, mais avec quelques heures d'avance.

TDF femmes 2023

Circuit du TDF féminin 2023 publié sur le site du Tour de France. Le Tour de France féminin n’a repris qu’en 2022 après la parenthèse 1984-1989.

Réparties en deux groupes de vingt-quatre, celles du premier peloton rouleront les étapes 1, 2 et 3, tandis que le deuxième courra les étapes 5, 6 et 7. "Nous avons sélectionné les candidates que nous estimons capables de tenir les trois jours de course d’affilée. Des jeunes filles qui ont déjà amorcé la compétition au niveau régional," explique Marie-Françoise Potereau, chargée du cyclisme féminin à la Fédération française.

Ces jeunes filles-là auront vécu le tour de France féminin et construit des projections. C’est cela qui manquait aux générations de championnes précédentes. 

Marie-Françoise Potereau

Marie-Françoise Potereau a disputé cinq Tours de France féminins entre 1984 et 1989. Elle se souvient : "Ce qui nous manquait, ce n’est pas la visibilité, puisqu’il y avait des petits reportages sur le tour féminin, à l’époque, mais il n’y avait pas la même énergie. Ces jeunes filles-là auront vécu le tour de France féminin et construit des projections. C’est cela qui manquait aux générations de championnes précédentes."  

Marie-Françoise Potereau était l'invitée du 64' de TV5MONDE à l'été 2022, lors de la grande reprise du TDF Femmes, dont la dernière édition remontait à 1989 :

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Au milieu de la foule massée au bord de la route, frissons garantis pour les championnes en herbe. Apprentissage, aussi, car les sorties des jeunes cyclistes seront encadrées par les équipes techniques de la FFC. L'occasion pour les jeunes talents de glaner de précieux conseils, au moment de grimper les cols emblématiques. "Il faut accompagner le cyclisme féminin dans sa progression technique, physique, pédagogique pour que les jeunes puissent se dire 'demain, nous serons en capacité de faire comme les championnes," explique Marie-Françoise Potereau.

Le Tourmalet, qui marque l’arrivée de la 7e étape, sera le point d’orgue d’une semaine riche d'enseignements. “L'étape que j'attends le plus est l'arrivée au Tourmalet, s’enthousiasme Mathilde Gsell, 13 ans et licenciée à l’AS La Steigeoise. L'année dernière, une étape du Tour est partie à côté de chez moi, à Sélestat. Les filles avaient monté la Planche des Belles Filles, c'était déjà super. Mais le Tourmalet est encore plus mythique.”

"La force est dans la meute"

Sélectionnées par la Fédération Française de Cyclisme après un appel à candidature mené auprès de l’ensemble de ses clubs, les jeunes filles proviennent de tous les comités régionaux de la métropole, ainsi que de la Réunion. "Il était important que ce soient les régions qui proposent les candidates qu’elles estimaient à la hauteur, explique Marie-Françoise Potereau. Les régions doivent se sentir concernées pour que, au retour des sélectionnées, elles continuent à s’en occuper. Il s’agit de détecter des talents pour que les clubs et les ligues s’en emparent."

Les participantes joueront le rôle d'ambassadrices auprès des autres après avoir fait ce Tour de France. A leur tour, elles leur donneront envie. 

Marie-Françoise Potereau

"Cette irrigation au niveau local est d'autant plus importante à nos yeux, insiste l'ex-championne, que le Tour de France féminin ne traverse pas toute la France. Dans les régions qui ne sont pas concernées, comme les Hauts-de-France, par exemple, ou la Bretagne, les participantes à "Elles arrivent" joueront le rôle d'ambassadrices auprès des autres après avoir fait ce Tour de France. A leur tour, elles leur donneront envie."

D'autres auront la chance d’évoluer à domicile. “Les filles vont rouler sur les routes où je m'entraîne” s’impatiente Laure Prévost, 16 ans, dont la ville de son club, l'Albi Vélo Sport, accueillera le départ de la 6e étape.

Ambre Radad
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Au-delà de la vitrine, les coulisses

En plus d’ouvrir la route des championnes, les élues de l'initiative "Elles arrivent !" pourront découvrir leur univers, échanger avec des personnalités du monde du cyclisme et visiter les cars régies des télévisions. Elles auront l’opportunité de visiter le bus d’une équipe professionnelle et même d’assister au briefing d’avant-course.

Autre privilège, et non des moindres : la montée sur le podium. De quoi se mettre vraiment dans la peau des vainqueures d’étapes et porteuses de maillots distinctifs. "Il est important de travailler en amont avec ces jeunes filles qui peuvent s’identifier pour devenir les championnes de demain, dans le groupe des grandes, insiste Marie-Françoise Potereau. De leur donner envie, ensemble, de leur mettre des paillettes dans les yeux, tout en profitant de ce temps-là pour emmagasiner des conseils techniques, des conseils d’entraînement qui vont leur être donnés sur le parcours."

Féminisation, professionnalisation

Le vélo, dans les années 1930, a été le premier outil qui rendait libres les femmes, en leur permettant d’aller où elles veulent, quand elles veulent, comme elles veulent. Voilà pour le poids de l’histoire. Aujourd’hui, offrir aux jeunes femmes une fenêtre ouverte sur le sport de haut niveau leur ouvre de nouvelles perspectives d’avenir, explique Marie-Françoise Potereau : "Jusqu’à présent, le statut professionnel n’était pas envisageable. Dans les années 1980, j’étais monitrice de ski à côté de mes activités sportives de haut niveau, puis j’ai passé un diplôme d’entraîneure. Nous n’étions pas des pros."

Aujourd’hui, la vraie avancée, c’est que la jeune fille qui va gagner peut se dire qu’en travaillant beaucoup, elle peut se projeter dans un futur professionnel dans le cyclisme. 

Marie-Françoise Potereau

Marie-Françoise Potereau insiste sur cette réelle avancée : "Aujourd’hui, la vraie avancée, c’est que la jeune fille qui va gagner le Tour, peut se dire qu’en travaillant beaucoup, elle peut en faire son métier et se projeter dans un futur professionnel dans le cyclisme. L’ouverture en termes de socialisation est énorme et cela change tout, à commencer par le regard des parents qui ne doivent plus pousser leurs filles vers une autre voie en parallèle du cyclisme."

Autre nouveauté essentielle pour l'ancienne championne de cyclisme : le plan de féminisation sur quatre ans portée par la Fédération, indicateurs à l’appui : "Ne pas mesurer pour développer, c’est comme vouloir perdre du poids sans se peser. Ces indicateurs permettent de rendre des comptes quant à la formation, au nombre de nouvelles recrues, etc. Cette année, l'opération "Elles arrivent !" auprès des plus grandes est une étape importante."

Départ cadettes
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Tous les métiers du cycle

Parmi les élues, Marie Moissonnier, 17 ans et licenciée à Cours-la-Ville Cyclisme, se souvient être déjà venue au départ d’une étape à Bourg-en-Bresse, sur le Tour 2016 : “Avoir l'accès au paddock, au plus près des coureurs, c'était vraiment génial. Surtout, j'ai eu la chance de faire une photo avec Marion Rousse. À l'époque, je n'aurais jamais imaginé me retrouver, quelques années plus tard, sur un Tour de France Femmes dont elle est la directrice.”

Féminiser tous les métiers annexes, c’est cela aussi qui change la société. 

Marie-Françoise Potereau

Car donner envie aux jeunes filles de travailler dans le vélo demain, cela peut vouloir dire les faire rêver de devenir championnes, mais aussi éveiller des vocations pour de nombreux métiers autour du vélo, comme mécanicienne cycle, directrice sportive ou kiné sportive. "Sur le TDF, elles vont rencontrer ce type de profils, aussi, assure Marie-Françoise Potereau. Pour l’encadrement du projet, j’ai veillé à aller chercher des mécaniciennes, des encadrantes, même s’il y a aussi quelques hommes. Mais aujourd’hui, je n’ai presque pas de mécaniciennes ni d’entraîneures femmes ! Et combien de femmes sont des journalistes sportives ? Féminiser tous les métiers annexes, c’est cela aussi qui change la société."