Tunisie : Chaïma Issa veut continuer à se battre pour la liberté de pensée

Reconnue coupable d'offenser le président, d'inciter les militaires à la désobéissance et de propager des rumeurs : pour ses paroles pendant une émission de radio, l'opposante tunisienne Chaïma Issa est condamnée à un an de prison avec sursis.

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 Chaïma Issa

Capture d'écran d'une publication de Chaïma Issa sur sa page Facebook.

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"La justice militaire condamne la militante politique Chaïma Issa à un an de prison avec sursis", écrit sur Facebook Islem Hamza, l'une de ses avocates.
Une autre membre de son équipe de défense, l'avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek précise, via le même réseau social, que Chaïma Issa a été condamnée à six mois de prison pour "incitation" aux militaires à désobéir aux ordres, à quatre mois pour "offense" au chef de l’État et de deux mois pour "propagation de rumeurs" dans le but de nuire à la sécurité publique.

"Voilà comment règne la liberté d'expression dans ce pays... Ou ce qu'il reste de ce pays... Nous allons reprendre le pouvoir et nous battre pour notre liberté de pensée, d'expression et d'action politique. Et nous ne reculerons pas quoi qu'il arrive," réagit Chaïma Issa sur Facebook.

Accusations criminelles

Après son audition du 12 décembre 2023, devant un tribunal militaire, Chaïma Issa, l'une des chefs de file de l'opposition, regrette que les opposants au président Saied soient traités comme "des criminels".

Nous ne sommes pas des criminels. Nous ne sommes pas des comploteurs. Nous ne sommes pas des traîtres. Chaïma Issa

"Nous ne sommes pas des criminels. Nous ne sommes pas des comploteurs. Nous ne sommes pas des traîtres. Nous sommes des politiciens, opposants au coup d'Etat du 25 juillet" 2021, affirme Chaïma Issa

L'opposante a simplement participé à une émission à la radio et se retrouve "poursuivie devant la justice militaire avec des accusations graves" d'atteinte au président et "d'incitation aux militaires à ne pas obéir aux ordres de leurs supérieurs", proteste l'avocat Samir Dilou, membre de son comité de défense.

Soutenue par quelques partisans auxquels elle a adressé le signe de la victoire, Chaïma Issa regrette d'être "traduite devant le pôle antiterroriste de la justice militaire" et traitée comme "une dangereuse criminelle".

Contre les pleins pouvoirs

Le président Saied, élu démocratiquement en octobre 2019, s'est arrogé tous les pouvoirs en juillet 2021 et, depuis, a fait réviser la Constitution privant le Parlement de tout réel rôle. 

Chaïma Issa, 43 ans, membre du Front de salut national, a été emprisonnée en février 2023 lors d'arrestations en série ayant touché aussi le cofondateur du FSN, Jaouhar Ben Mbarek, et le président du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi. Contrairement à ces deux derniers, toujours incarcérés, l'opposante a été libérée le 13 juillet en même temps que Lazhar Akremi, un ancien ministre, dans l'attente de son jugement.

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Devant la justice militaire

L'avocat Samir Dilou critique sa comparution devant une instance militaire, "en vertu du fameux décret 54 qui punit les fausses informations... C'est dangereux", argue-t-il. "Elle n'aurait jamais dû être poursuivie pour avoir exprimé ses opinions, ni jugée par un tribunal militaire", a réagi sur X après l'annonce de la peine, Salsabil Chellali, représentante de l'ONG Human Rights Watch (HRW) en Tunisie.

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Depuis février 2023, plus d'une vingtaine d'opposants, d'hommes d'affaires et d'autres personnalités, qualifiés de "terroristes" par le président Saied, sont emprisonnés sous l'accusation de "complot contre la sécurité intérieure".

Le 5 octobre, la police a arrêté l'opposante Abir Moussi, seule femme présidente d'un parti politique et cheffe du Parti destourien libre, un mouvement nostalgique des régimes du héros de l'indépendance Habib Bourguiba et de son successeur Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 lors de la révolution qui a marqué le début du Printemps arabe.

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