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Le 25 novembre dernier les autorités londoniennes ont refusé de renouveller la license autorisant Uber à Londres. La compagnie mondiale de VTC est mise en cause pour des milliers de cas d'abus et d'agressions sexuelles, aux Etats-Unis mais aussi en Grande-Bretagne et en France.
"J'ai pris un Uber car j'avais peur de ce qui pourrait arriver si je m'endormais dans le métro": Camille*, 25 ans, raconte à l'AFP comment en juillet dernier, en sortant d'un festival, elle est prise en charge par une voiture commandée via la plateforme du géant américain. Après quelques minutes, elle se rend compte que le chauffeur "était en train de se toucher". Elle porte plainte le jour-même et lorsque le mot-clé #Ubercestover est devenu viral sur les réseaux sociaux, la plateforme a transmis la plaque et l'identité de son chauffeur aux autorités, selon Camille et Uber France.
"J'étais saoule", raconte Anaïs*, "la fatigue fait que je m'écroule sur la banquette". Elle se souvient d'avoir entendu le moteur se couper. Puis "la douleur me fait émerger de mon inconscience, je me débats comme je peux mais ça ne marche pas". Après le viol, l'homme dépose la jeune femme chez elle et sa colocataire prévient la police. L'ADN parle: c'était en fait le frère de "celui qui avait le compte Uber".
*les prénoms ont été changés
C'est justement pour que la "parole des victimes soit entendue" qu'Anna Toumazoff, "influenceuse" et militante féministe, a lancé la semaine dernière le mot-clé #Ubercestover. Le 17 novembre, elle raconte aux 30.000 abonnés de son compte Instagram les cas de Sonia et Noémie, qui disent avoir été agressées par le même chauffeur à deux ans d'intervalle à Strasbourg.
Mercredi 20: #UberCestOver commence parce que, suite à cette révélation, @UberFR a pris le parti, pendant les 24 premières heures, de supprimer tout commentaire à ce sujet de ses plateformes.
— Anna Toumazoff (@AnnaToumazoff) December 7, 2019
Comme quand les courses émaillées “d’incident” étaient effacées ? pic.twitter.com/vmu5XV9V0j
"Je pensais que grâce à cette plateforme, j'allais mettre en relation ces deux personnes avec Uber et que le problème se règlerait entre eux", se souvient Anna Toumazoff. Mais le géant des VTC ne réagit pas, pire encore, "les commentaires Twitter qui signalent le problème sont supprimés".
De nombreuses femmes dénoncent des cas d'agressions sexuelles de chauffeurs Uber#agressionssexuelles #Uber #UberCestOver pic.twitter.com/pLtiAlFNmG
— FOREST (@dessinsFOREST) December 7, 2019
Depuis, l'entreprise s'est confondue en excuses. Avoir supprimé les commentaires "est inacceptable", reconnaît Steve Salom, patron d'Uber France. "C'est un système de modération automatisé qui a malheureusement effacé les tweets", explique-t-il à l'AFP, avoir "immédiatement arrêté d'utiliser ce système".
Voici ce qu’un chauffeur @UberFR ose dire, donc maintenant c’est la faute des femmes si elles sont violées. Partagez en masse ! pic.twitter.com/AxgeAgfnzs
— Matthew (@glt_matt) December 6, 2019
Parallèlement, des témoignages affluent dans les messages privés d'Anna Toumazoff, qui découvre que les cas de Noémie et Sonia ne sont pas isolés. "J'ai reçu 700 témoignages": des femmes "harcelées, agressées, violées" par des chauffeurs Uber alors qu'elles "voulaient simplement rentrer en sécurité".
La "multitude de témoignages" de victimes de chauffeurs Uber dépeignent "une situation très préoccupante", déclare à l'AFP Marlène Schiappa. "Certaines n'avaient jamais eu de réponse de la part d'Uber, il n'y a rien de pire que de prendre son courage à deux mains pour témoigner et de ne pas avoir de réponse." La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes/hommes rencontrera cette semaine les dirigeants d'Uber France. "Il faut qu'Uber rende des comptes", affirme-t-elle. "Lors de cette réunion, nous allons prendre au cas par cas les histoires qui me sont remontées et parler, au global, de ce qui est mis en place pour les femmes qui utilisent Uber".
Après des années à refuser de chiffrer le problème, Uber a révélé avoir enregistré près de 6.000 agressions sexuelles aux Etats-Unis en deux ans, alors que les services de réservation de voitures avec chauffeur sont largement accusés d'inefficacité et de mauvaise volonté dans ce domaine.
Le géant du secteur a publié un rapport détaillé sur la sécurité, qui révèle que 5.981 agressions sexuelles ont été rapportées par des utilisateurs ou des conducteurs de son service, ainsi que des tiers, sur le territoire américain en 2017 et 2018. Ce chiffre comprend des attouchements, des tentatives d'agression et des viols. Le même rapport dénombre 19 homicides sur la même période.
"Ces incidents ont été signalés sur 0,00002% des courses. Bien que rares, ces signalements représentent tous un individu qui a partagé une expérience très douloureuse. Même un seul signalement serait un signalement de trop", déplore Uber. "Cette année, il y a eu chaque jour près de 4 millions de trajets sur Uber aux Etats-Unis", remarque Tony West, le directeur juridique du groupe. "La plateforme reflète le monde dans lequel nous opérons, avec ses bons et ses mauvais aspects".
Ce rapport, le premier du genre, s'attache à mettre en perspective les incidents - en mentionnant l'importance des risques de violences sexuelles - et insiste sur les efforts entrepris pour lutter contre ces menaces. Uber a rompu avec la stratégie d'étouffement des affaires. En mai 2018, la société a cessé d'obliger ses clients, employés ou chauffeurs victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle à passer par une procédure de médiation, beaucoup plus discrète qu'une procédure judiciaire.
Côté sécurité, Uber a rendu plus difficile l'usurpation d'identité par des conducteurs, renforcé les contrôles pour détecter des criminels déjà condamnés et ajouté dans leurs applications un bouton permettant de signaler un problème pendant le trajet.
"Ce bouton, c'est une blague", réagit Michael Bomberger l'avocat de 34 femmes qui ont récemment porté plainte contre le rival d'Uber aux Etats-Unis, la compagnie Lyft qui elle aussi a mis en place cette option "urgence" sur son application mobile. "Qui peut se servir de son smartphone pendant une agression ? C'est juste du marketing", ajoute l'avocat.
More than 100 Uber drivers have been accused of sexually assaulting or abusing passengers, a CNN investigation finds. A passenger who says she was raped shares her story. The criminal case against the driver has been dismissed. https://t.co/S2n4SYkS49 pic.twitter.com/at0U0aLZ1v #…
— Diana Zherebyateva (@DianaZher3) May 1, 2018
"Oui il y a des problèmes avec Uber. Mais pour une femme qui a besoin de rentrer chez elle en toute sécurité, ils sont une nécessité. Je ne pourrai jamais me payer un taxi de nuit", avait posté sur Twitter Amy Coles, militante luttant contre les mutilations génitales féminines.
Yes there are issues with Uber. But as a woman who needs to get home safely they are a necessity. I could never afford a black cab at night https://t.co/zdoTe0kvL8
— Amy Coles (@ColesAmy) 22 septembre 2017
We're committed to driving change in our communities—learn more about our ongoing partnerships with leading sexual assault prevention groups and how you can join us to #EmbraceYourVoice this #SAAM.https://t.co/bZvgiloAyl
— Uber (@Uber) 24 avril 2018