Fil d'Ariane
Dans la famille Sayyaf, je demande la femme ! On connaissait son mari, Abu Sayyaf, ressortissant tunisien, surnommé "l'émir du pétrole et du gaz" et haut responsable du groupe Etat islamique. Il a été tué en mai dernier lors d'une opération militaire américaine à Deir Ezzor, en Syrie au cours de laquelle sa femme, Umm Sayyaf, a été capturée.
Une jolie prise. Car la prisonnière est au fait de bien des rouages de l'organisation terroriste. Et, selon une interview donnée, sous couvert d'anonymat, par un haut fonctionnaire de la Défense américaine au journal Daily Beast : "De part sa position, Umm Sayyaf avait une vue complète du groupe Etat Islamique" (...) Derrière chaque homme qui réussit se tient une femme. L'Etat islamique ne fait pas exception", explique-t-il.
Umm Sayyaf aurait ainsi dévoilé quantité de détails sur les noms des agents du groupe Etat islamique. Elle a également apporté quelques éclairages sur les méthodes de communication utilisées entre commandants. Mais plus encore.
Cette femme, considérée non comme une "civile", mais comme une belligérante par la Maison Blanche, a fourni aux enquêteurs du FBI des précisions sur les réseaux de femmes au sein du groupe Etat Islamique. Ces informations concernent le recrutement, les opérations d'espionnage, la capture et la vente d'esclaves sexuels pour le groupe djihadiste. Rien d'anecdotique.
Nous sommes leur butin de guerre, leurs choses.
Une captive du groupe Etat islamique
Dans le nord de l'Irak, elles sont plusieurs milliers de femmes de la minorité yézidie à avoir été capturées par les djihadistes du groupe État islamique. L'esclavage sexuel fait partie de leur stratégie de la terreur. Pour les hommes du" califat", elles ne méritent que l'asservissement.
Il y a plusieurs mois, l'une de ses captives, une jeune fille de 17 ans, avait pu témoigner de l'enfer de ses compagnes d'infortune auprès d'un journaliste italien du quotidien La Républica : "Ces hommes nous battent et nous menacent de mort si nous osons résister. Parfois, j'espère qu'ils me frappent assez fort pour me tuer. Nos tortionnaires n'épargnent personne. Ni les femmes avec des enfants en bas-âge, ni les petites filles de moins de douze ans. Certaines fillettes sont devenues muettes à force d'être abusées et ont été emmenées par les djihadistes. Beaucoup de mères ont tenté de se suicider après ça.
Pour nous détruire encore plus, ils nous forcent à raconter à nos parents les détails sordides des atrocités qu'ils nous font subir. Ils se moquent de nous et se sentent indestructibles. Ils se prennent pour des surhommes mais ce ne sont que des individus sans coeur.
Nous avons déjà demandé à de nombreuses reprises à nos geôliers de nous exécuter. Mais ils refusent car apparemment nous avons trop de «valeur» pour eux. Nous sommes leur butin de guerre, leurs choses. Mon seul espoir est que les Peshmerga [combattants kurdes armés] viennent nous délivrer. Je sais que les Américains bombardent. Je veux qu'ils se dépêchent et éradiquent l'EI parce que je ne sais pas combien de temps encore je vais pouvoir supporter tout ça. Ils ont déjà assassiné mon corps. Maintenant ils vont tuer mon âme."
Umm Sayyaf était l'une des têtes pensantes et actives de ce commerce d'êtres humains. Un commerce qui obéit à des règles strictes, comme en atteste un document du groupe Etat islamique publié en décembre dernier.
Rédigé par le mystérieux et lugubre "Département des prisonniers et des affaires de la femme", le texte est censé être une sorte de guide pour les combattants musulmans qui se porteraient "acquéreur" d'une esclave. On peut lire : "Ce qui rend légitime de faire des prisonnières, c'est leur manque de foi. Les femmes non croyantes peuvent être faites prisonnières, après que l'imam les aient réparties entre nous (...)"les filles vierges peuvent être violées immédiatement après avoir été achetées par leur propriétaire. Celles qui ont déjà eu des rapports sexuels doivent avoir leur utérus 'purifié' en premier. (...) Il est légal d'avoir des relations sexuelles avec une enfant prépubère"
Le groupe Etat islamique, soucieux de ne pas laisser s'échapper des fonds dont il a besoin pour mener sa guerre, à publié en novembre dernier un document délicatement intitulé "Le prix de vente des butins”.Comprenez : des femmes.
Il fixe les prix selon l'âge des esclaves mises en vente. Une femme yézidie ou chrétienne peut être vendue environ 50 euros ; celle qui a de 20 à 30 ans environ 68 euros. Pour une jeune personne, âgée de 10 à 20 ans, le prix monte à environ 101 euros. Pour une enfant entre 1 et 9 ans, comptez environ 200 euros. Une honte humaine qui ne semble guère émouvoir la "communauté internationale", pourtant si prompte à donner des leçons et à dégainer des rapports de circonstances.
Umm Sayyaf, elle aussi, est une prisonnière précieuse. Elle possède des informations sur les otages américains et occidentaux achetés, détenus ou tués par les islamistes. Elle pourrait, en outre, livrer des renseignements sur d'éventuels enlèvements à venir. Le conditionnel est de rigueur..