Un chèque pouvant aller jusqu'à 80 000 dollars canadiens (plus de 55 000 euros) au courrier ! C'est ce qu'ont reçu plus de 2000 salariées ou retraitées de l'
Université McGill, à Montréal, il y a quelques semaines. Et l'Université s'apprête à envoyer une nouvelle salve de chèques, pour 2500 femmes cette fois-ci, à la suite d'un deuxième accord conclu avec l'Alliance de la fonction publique du Canada, représentant les salariés. Dans les deux cas, il s'agit de compenser l'écart salarial dont les femmes auraient pâti par période de 5 ans depuis 2001. Les chèques vont donc continuer d'arriver régulièrement chez les milliers de salariées ou retraitées de l'Université.
Cela fait 13 ans que McGill a lancé son programme d'ajustement, pour lequel elle s'est livrée à de savants calculs, afin de déterminer quel devait être le niveau de salaire équitable, dans certaines professions très féminisées notamment, sur le campus. Une secrétaire doit-elle gagner le même salaire qu'un jardinier ? Plus ? Moins ? L'université a ainsi établi une classification de 150 types d'emplois, auxquels elle a affecté un coefficient en fonction de divers critères, dont le niveau d'études requis pour l'exercer. Puis elle a intégré le manque à gagner pour les femmes, du fait de salaires moins élevés, d'augmentations réduites ou inexistantes, d'absence de promotion... Et enfin, elle a calculé le montant qu'elle devait à chacune de ses salariées ou ex-salariées touchées par l'ajustement. L'enveloppe budgétaire consacrée à l'opération devrait être d'au moins 20 millions de dollars canadiens (près de 14 millions d'euros).
Mise en conformité avec la loi
L'Université McGill n'est pas la seule à opérer ces ajustements. Toutes les entreprises, publiques comme privées, de plus de 10 salariés dans la province du Québec sont soumises à la loi sur l'équité salariale, adoptée en 1997. Quelque 10 ans plus tard, en 2007, près des trois-quarts des entreprises québécoises visées s'étaient mises en conformité avec la loi, selon la commission chargée de vérifier l'application du dispositif. De quoi réduire le fossé salarial, sans aucun doute... Dans le dernier palmarès du Centre Canadien de Politiques Alternatives sur le “
meilleur et pire endroit pour une femme au Canada”, qui inclut notamment un critère d'équité salariale, la ville de Québec a en effet été classée première, et Montréal, quatrième (Toronto étant en 6ème position et Vancouver en 13ème).
Reste que, selon les données du Centre Canadien de Politiques Alternatives, l'écart salarial hommes/femmes dans les deux principaux basins d'emplois de la Belle Province est encore de … 23% ! Autant dire que la loi québécoise sur l'équité salariale, visant à corriger les discriminations systématiques envers les femmes au sein des entreprises, a du mal à résoudre tous les problèmes. Elle rectifie les discriminations salariales dans l'entreprise, mais elle n'arrive pas, par exemple, à corriger certains effets exogènes - tels que ceux induits par une orientation scolaire féminine vers des secteurs peu porteurs, ou par le temps partiel, qui touche avant tout les femmes.
L'écueil de la mixité de l'emploi
Difficile parfois, de démêler tous ces éléments dans les données brutes concernant les écarts de salaires. Ainsi, comment savoir si la ville d'Edmonton, en Alberta, classée dernière (avec un fossé salarial de 40%!) dans le palmarès « meilleur et pire endroit pour une femme au Canada » l'est en raison du type d'emplois - très masculins, dans le pétrole - qui prévaut dans la région et biaise ainsi les salaires en faveur des hommes, ou si le fait qu'il n'existe, à l'inverse du Québec et d'autres provinces, aucune législation précise en matière d'équité salariale en Alberta y est pour quelque chose...