Fil d'Ariane
Dès le coup d'envoi de la 66e édition du festival du film de Berlin dont elle préside le jury, l'actrice américaine Meryl Streep a reproché à l'industrie américaine son manque d'ouverture et de diversité.
Lors d'une masterclass destinée à de jeunes acteurs organisée par le festival, l'actrice trois fois oscarisée s'est vu demander si le sexisme et le racisme dans le cinéma avaient reculé au cours de ses quarante ans de carrière.
"Je crois que nous allons dans la bonne direction. Pour se faire sa place, il faut faire un peu de bruit et jouer des coudes pour pouvoir participer à la conversation", a déclaré l'actrice de 66 ans.
"Mais dans notre industrie, tout dépend de la diversité dans les instances dirigeantes", a-t-elle souligné, ajoutant: "si les décisions ne sont prises que par un petit groupe de personnes dont les goûts déterminent quel type de films sont faits, alors seuls des films de ce type seront faits".
Pour elle, les cadres d'Hollywood, qu'elle dépeint comme des "hommes blancs d'entre 40 et 50 ans" font des films pour eux et ont du mal à varier les perspectives.
L'industrie du cinéma aux Etats-Unis connaît actuellement des controverses tendues sur l'éventuel racisme de l'Académie des Oscars qui n'a nommé pour la deuxième année consécutive aucun acteur non blanc, ou sur l'inégalité salariale entre acteurs et actrices.
Dans ce contexte, Meryl Streep avait été interpellée dès l'ouverture du festival, lorsqu'on lui avait demandé si elle se sentait apte à juger des films du Moyen-Orient. Elle avait répondu en insistant sur les origines communes des peuples du monde.
"J'ai joué beaucoup de personnages différents venant de cultures différentes et ce que j'ai remarqué c'est que l'essence de l'humanité traverse toutes les cultures", avait-elle dit.
"Et après tout, nous venons tous d'Afrique. Vous savez, nous sommes tous des Berlinois, nous sommes tous des Africains", avait-elle ajouté.
La sortie avait suscité des commentaires mitigés, certains critiques la jugeant maladroite, ironisant sur les réseaux sociaux avec le hashtag "#weareallafricans" (nous sommes tous Africains).
As much as I respect Meryl Streep, her response to #OscarsSoWhite is just bad. #weareallafricans is equivalent to #alllivesmatter
— Titiso Kourara (@MarfiManuel) 12 Février 2016
Saw this during a stroll ... @RichardDawkins #Weareallafricans pic.twitter.com/EPyrebRNyA
— Jeffrey Guterman (@JeffreyGuterman) 22 Janvier 2016
[Vu lors d'une promenade @RichardDawkins #Weareallafricans ]
Sur la question du sexisme, Meryl Streep estime que du chemin a été fait: "j'ai toujours pensé que ma carrière serait terminée à 38 ans", a-t-elle dit lors de la masterclass.
En tant que femme, auparavant, "vous pouviez travailler jusqu'à 40 ans, et ensuite vous ne pouviez jouer que des sorcières", a-t-elle ajouté. "C'est pourquoi je n'ai pas joué de sorcière avant +Promenons-nous dans les bois+ (en 2014) - et on me l'a proposé régulièrement", a-t-elle plaisanté.
"C'est ce qui arrive aux femmes quand elles ne sont plus fertiles ou considérées comme +baisables+, à supposer que ce mot veuille dire quelque chose", a dit l'actrice.
Interrogée sur son éventuel désir de passer derrière la caméra, à l'instar d'un Clint Eastwood ou d'une Angelina Jolie, Mme Streep oppose un non catégorique.
"Pour moi, c'est un boulot beaucoup plus ennuyeux (...) Je suis une actrice, je ne veux pas avoir à enfiler une doudoune à quatre heures du matin pour aller faire des repérages, plutôt mourir", a-t-elle lancé.
Elle a ensuite plaisanté sur une question que lui posait le réalisateur Mike Nichols, qui l'a dirigée sur plusieurs films ("Bons baisers d'Hollywood", "Le Mystère Silkwood"...) et lui demandait comment les autres cinéastes travaillaient.
"Je lui répondais que c'était comme s'il me demandait si mes ex faisaient mieux l'amour", a-t-elle souri. "Ils sont tous différents. Et c'est ce qui est intéressant dans une longue carrière: de voir combien il existe de chemins pour arriver à un beau résultat".