Un deuxième mandat pour le président Rohani : une bonne nouvelle pour les Iraniennes ?

Lors de son premier mandat, le président Hassan Rohani n’a pas réussi à tenir sa promesse de créer un ministère des Droits des femmes. Reconduit pour un second mandat, les attentes sont multiples. Car si les Iraniennes sont un peu plus présentes dans la vie politique, leur statut ne s’est guère amélioré et les interdits restent nombreux.  
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©AP Photo/Ebrahim Noroozi
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Que peuvent espérer Iraniennes du second mandat Rohani ? Le bilan de son premier mandat s'est avéré décevant sur la question des femmes.

Certes, des décisions ont été prises, et visibles. Sur la présence des femmes en politique par exemple.  « Les femmes sont plus nombreuses au Parlement et il a nommé trois femmes aux postes de vice-présidents, ainsi que trois comme gouverneurs » rappelle sur le site de RFI, Farideh Haghuigh, directrice de la Société des femmes, organisation créée en 1999 et liée au Parti de la modération et du développement, soutien de Rohani.

Lors des législatives de février 2016, quatorze femmes ont été élues au Majlis (le Parlement), un record depuis 1997. Autre avancée lors du scrutin du 19 mai dernier : 6 femmes élues sur 21 membres du conseil municipal de Téhéran.
Dans la province plutôt rurale et traditionnelle de Sistan-Balouchistan (sud-est), 415 femmes ont été élues au sein des conseils municipaux et des villages contre 185 précédemment, selon l'agence Isna.

"C’est grâce à la politique du gouvernement qui donne plus d'importance à la place des femmes", estime dans un article de L’Orient Le jour, Ali Osat Hashemi gouverneur de la province où plusieurs femmes ont également été nommés préfets et sous-préfets ces dernières années. La ville sainte de Machhad ainsi qu'Ispahan comptent aussi chacune deux femmes sur les quinze membres de leur conseil municipal, nous apprend le même article.
 
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Des partisanes du candidat à la présidentielle, le conservateur Ebrahim Raisi, réunies chez l'une d'elle à Téhéran, (Iran).
©AP Photo/Ebrahim Norooz
 

"Les contradictions entre le comportement social, démographique ou culturel moderne des femmes en Iran et les lois et institutions archaïques du pays ont largement contribué à la mobilisation des femmes contre l’ordre moral et les politiques islamistes. Une solidarité a ainsi émergé entre les militantes séculières et musulmanes des droits des femmes, issues des classes moyennes urbaines, afin de lutter à travers des actions communes contre les inégalités", explique Azadeh Kian, professeure de sociologie, directrice du CEDREF, à l'Université Diderot. C’est dans cette optique que 137 d’entre elles avaient saisi l’occasion de la présidentielle du 19 mai 2017 pour se porter candidates.

Des petits pas donc… Demeure néanmoins ce point négatif, hélas lui aussi visible, mais par son absence : le fameux ministère des Droits des femmes, promis par le candidat Rohani avant sa première mandature. Bloqué par les ultra-conservateurs, il n’a pas pu aller au bout.
 
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Une  file d'électrices à Qom (Iran) à 125 km au sud de la capitale, vendredi 19 mai 2017.
©AP Photo/Ebrahim Noroozi

 

Pourtant elles en auraient bien besoin. « En Iran, la question des droits à la citoyenneté pleine des femmes est devenue un enjeu politique majeur et un défi que les femmes ont à relever face à un régime fondé sur les inégalités entre les hommes et les femmes », ajoute la chercheure.

Discrimination économique


Malgré le discours de Rohani en faveur de l’égalité homme-femme, « les femmes continuent à être frappées de plein fouet par la discrimination à l’embauche ». Faute d’emploi rémunéré, beaucoup dépendent de leurs époux pour leur survie quotidienne.

Pour les religieux conservateurs, le travail des femmes à l’extérieur du foyer n’est autorisé que s’il s’avère nécessaire pour la survie de la famille et à condition d’être au service exclusif de la population féminine. On comprend pourquoi, malgré les 200 000 créations d’emplois par an sous Rohani, le taux de chômage augmente chez les femmes, dont seulement 13 % sont actives, selon les statistiques officielles.

La pauvreté touche davantage les femmes que les hommes, et l’on note une augmentation du nombre des prostituées dans le pays.

C’est ce que confirme un rapport publié cette semaine par la Commission des Femmes du Conseil national de la Résistance iranienne.

« Le manque d’emplois et de logements mène à la pauvreté et au dénuement, provoquant des situations désastreuses où les femmes sont obligées de vendre leurs enfants. Le nombre de femmes qui dorment dans les rues sur des cartons a beaucoup augmenté et, plus récemment, des femmes ont été trouvées vivant dans des tombes vides », lit-on dans ce rapport, qui ajoute ce chiffre édifiant selon lequel le nombre de femmes sans-abri à Téhéran a connu une croissance de 100% », (chiffre rapporté par l’agence Tasnim, citant un membre du conseil municipal de Téhéran, en décembre 2016).

Selon le Forum économique mondial, l’Iran se classe au 141e rang sur 145 pays en matière d’écart hommes/femmes.

Voile obligatoire, mariages forcés


Le voile islamique, pourtant largement rejeté par des jeunes Iraniennes, notamment issues des classes moyennes et aisées, reste obligatoire. Des brigades spéciales de la police partent chaque jour en chasse aux contrevenantes, qui sont passibles d’une amende, de prison ou d’un chatiement corporel, parfois plusieurs dizaines de coups de fouet.  

Toujours plus de fillettes, âgées de 10 ans ou moins, continuent à être mariées de force, dénonce le Comité des enfants de l'ONU, qui s'insurge contre les relations sexuelles tolérées impliquant des fillettes de 9 ans. Des mineures sont également condamnées à la peine de mort.

Le régime iranien a fixé l’âge légal du mariage des filles à 13 ans et sur le plan religieux, il estime licite le mariage des fillettes dès 9 ans. Les statistiques tirées du recensement national indiquent que 37.117 fillettes de moins de 15 ans ont été mariées l’an dernier, précise le rapport de la Résistance iranienne.

La distribution gratuite de moyens contraceptifs, effectuée à partir de 1989, a été interdite en 2015. La stérilisation volontaire féminine et masculine est également criminalisée, exposant des femmes démunies, en particulier en milieu rural, aux risques de grossesse non désirée.

Le plus grand nombre d’exécutions de femmes au monde


Dix femmes ont été pendues en Iran depuis mars 2016, principalement pour des délits liés à la drogue. Le nombre total de femmes exécutées en Iran sous Rohani atteint 73. L’identité de beaucoup d’entre elles n’a pas été rendue publique. Elles étaient âgées de 25 à 50 ans.

Entre mars 2016 et février 2017, sans compter les arrestations liées au non port du voile, plus d’un millier de femmes ont été interpellées soit pour avoir participé à des manifestations de défense des droits humains, à des fêtes privées ou pour des activités liées aux réseaux sociaux.
 
30 jeunes femmes ont reçu chacune 99 coups de fouet pour avoir fêté dans une soirée mixte leur diplôme de fin d’année rapport annuel 2016-2017 Commission des femmes Conseil national de la résistance iranienne
Les choses ne s’améliorent donc qu’en demi-teinte pour les femmes dans cet Iran qui voudrait s’ouvrir à l’Occident. Un pays, qui occupe le troisième rang au monde et le premier au Moyen-Orient en termes de suicide des femmes, en majorité lors d'immolations par le feu.
 
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Des femmes iraniennes le jour des célébrations de Fatima, à Téhéran 13 mars 2016.
©AP Photo/Vahid Salemi)

Lever le voile, faire du sport librement et de manière mixte, autant de libertés qui restent muselées… Au soir de la réélection d’Hassan Rohani, ses partisan-e-s ont célébré la victoire dans les rues de Téhéran. Chacun-e à leur façon, car seuls les hommes ont le droit de danser… (c'est à la toute fin de la vidéo)