Quelles démarches peuvent entreprendre les femmes victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques ? Deux avocates françaises ont décidé d’écrire un guide juridique complet pour les aider à connaître leurs droits et les recours possibles. Entretien.
Chaque année en France, 223 000 femmes (en moyenne) sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de leur conjoint. Seulement 14% d’entre elles portent plainte. Cette démarche est pourtant essentielle dans le cadre de poursuites à venir. « Seule la plainte permet de déclencher la procédure judiciaire à l’encontre de l’auteur des faits de violence afin qu’il réponde de ses actes devant la justice et permet en principe l’intervention des forces de l’ordre », écrivent les auteurs du Guide juridique des femmes victimes de violences.
L'affaire Jacqueline Sauvage, victime d'un mari violent qui a fini par le tuer, a suscité un émoi national, pour avoir été condamnée avant d'être partiellement graciée. Quelques semaines plus tard, Bernadette Dimet, 60 ans, était punie de cinq ans de prison avec sursis - cette sexagénaire avait, elle aussi, abattu son mari violent. Ce cas a montré combien il était important d'inciter les femmes violentées à sortir de leur réclusion psychologique et à informer de leur calvaire, des autorités extérieures au huis clos de la famille, voire à poursuivre leur maltraitant. C'est dire à quel point ce guide tombe à point nommé.
My-Kim Yang Paya, avocate à la cour de Paris préside l’association
Avocats Femmes et Violences qui a pour secrétaire générale sa consoeure et co-auteure du guide Céline Marcovici. Elles se trouvent régulièrement au contact de femmes subissant des violences. Les deux magistrates ont donc décidé d’aider ces victimes à mieux connaître les démarches à entreprendre en justice contre leurs agresseurs.
Victimes de violences physiques, morales, psychologiques, sexuelles, d’interruption forcée de grossesse ou d’un mariage forcé, le guide détaille comment déposer plainte ; doit-on faire constater les violences subies ; quelles protections obtenir en attendant le procès ; comment se déroulent les audiences au tribunal ; quelles sanctions encourent l’auteur des violences… Autant de questions qui trouvent dans ce guide des réponses détaillées. Autant d’armes juridiques pour que des femmes mais aussi des hommes victimes de violences puissent se défendre. Entretien avec maître My-Kim Yang Paya.
Nous constations surtout dans les cas de violences conjugales qu’elles ne voulaient pas déposer plainte contre le père de leur enfant
Maître My-Kim Yang Paya
Qu’est-ce qui vous a poussé à publier ce guide ?
Souvent les femmes revenaient dans nos cabinets en nous disant qu’elles avaient fait une main courante parce qu’elles avaient eu peur de déposer plainte. Mais nous constations surtout dans les cas de violences conjugales qu’elles ne voulaient pas déposer plainte contre le père de leur enfant. En ce qui concerne les femmes victimes d’agressions sexuelles, de viols, elles avaient tout simplement peur. Il fallait alors qu’on leur explique la suite, ce qui allait se passer après le dépôt de leur plainte, s’il allait y avoir une confrontation avec leur agresseur, ...
On s’est dit qu’en tant qu’avocates avec notre connaissance des textes, on pouvait rédiger un guide juridique de vulgarisation destiné aux femmes victimes de violences pour expliquer de A à Z ce qu’il va se passer. Parce que c’est très important moralement et psychologiquement de savoir ce qui va vous arriver afin de dédramatiser un peu plus la situation.
Pourquoi encore si peu de femmes osent-elles déposer plainte contre l’auteur des agressions ?
Les femmes osent davantage aujourd’hui. Mais cela reste une démarche compliquée, avec plein de papiers, de soucis. Les victimes de violences conjugales me disent souvent qu’elles ne veulent plus en entendre parler. Elles veulent avoir la paix. Une femme qui a été violée est meurtrie. Elles sont souvent épuisées au bout du compte.
Et c’est vrai que c’est une démarche où il faut subir des examens médicaux, il y a une enquête psychologique, éventuellement une confrontation avec l’agresseur. La justice va être longue. Il va falloir raconter plusieurs fois ce qui s’est passé donc c’est très traumatisant. C’est ça aussi qui freine au dépôt de plainte. Il faut un accompagnement psychologique de ces femmes.
Y-a-t-il encore du travail à faire également auprès des officiers de police judiciaire qui, il y a encore peu de temps, étaient réticents pour certains à prendre un dépôt de plainte ?
A Paris, il y a eu un travail de fait. Dans les commissariats, il y a maintenant des référents. Un gros travail est fait auprès du parquet et les associations sont aussi très présentes sur Paris. En revanche, c’est plus difficile dans certaines villes et villages.
Par rapport à d’autres pays européens, la France fait-elle partie des bons élèves en termes de démarches juridiques pour les violences faites aux femmes ?
La France se situe plutôt dans le curseur haut. En revanche, l’Espagne par exemple fait partie des pays précurseurs. C’est elle qui a donné le « La » en ce qui concerne l’ordonnance de protection. L’Espagne organise tout de suite la dé-cohabitation du couple. Il y a aussi des centres d’accueil pour les femmes. L’ordonnance de protection dure aussi plus longtemps. Il ont des mesures beaucoup plus anciennes et au niveau des compétences des juridictions, c’est aussi beaucoup plus simple.
Numéro d'appel gratuit pour les violences faites aux femmes : 3919