Un petit tour et puis s’en alla… Le navire de l’ONG « Women’s waves » n’aura finalement accosté que quelques heures sur les côtes marocaines, à Smir, où il comptait proposer des avortements médicalisés et sécurisés aux marocaines. Ces dernières sont en effet contraintes, encore aujourd’hui, de pratiquer l’IVG dans des conditions sanitaires détestables qui coûtent la vie à plusieurs dizaines d’entre elles chaque année. C’était compter sans les réactions hostiles des autorités marocaines et des manifestants venus les attendre pour les prier de déguerpir.
Une hypocrisie collectiveAu Maroc, il en est de l’avortement comme des relations hors mariage ou du non-jeûne pendant le ramadan : tout le monde sait que ça existe, mais personne ne veut le voir. Surtout pas. Du coup, toutes ces pratiques jugées illicites d’un point de vue religieux restent cantonnées dans le domaine de l’invisible et de l’indicible. Que la société, plutôt conservatrice, baignée dans une culture religieuse orthodoxe, condamne ces pratiques, est une chose…discutable. Mais que l’Etat lui-même, dans ses textes juridiques, valide cette sorte d’hypocrisie collective est une réalité insupportable. On feint de tolérer ces pratiques en les laissant exister, mais on prend garde de préserver tout l’arsenal juridique qui permet de punir pénalement à n’importe quel moment qui on veut. Un peu comme si on laissait, tout en veillant de loin avec un gros bâton dans la main.
La liberté individuelle, une approche inopérante au MarocAujourd’hui, des mouvements comme le
MALI (Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles) tentent de mettre sur le tapis tous ces sujets comme la liberté du culte ou de disposer librement de son corps. C’est d’ailleurs à leur demande que l’ONG néerlandaise a voulu venir au Maroc. Et c’est peut-être d’ailleurs aussi pour ça que l’initiative a fait long feu et trouvé peu d’échos favorables dans la société marocaine. Défendre le droit à l’avortement sous l’angle de la liberté individuelle est tout à fait légitime, mais peut-être prématuré dans un pays où même l’Interruption médicale de grossesse est encore compliquée. Adopter le langage sanitaire et médical serait plus porteur qu’invoquer une raison philosophique (la liberté) qui pèse peu dans un pays où la raison religieuse prévaut sur tout. Et tous.