Un pas en avant, un pas en arrière pour les femmes au Maroc

Le 17 mars 2012, une semaine après le suicide d'une jeune Marocaine qui avait été mariée de force avec son violeur, plusieurs centaines de femmes s'étaient rassemblées, devant le Parlement à Rabat afin d'obtenir la réforme de la législation sur le viol. Près d'un an après, le 23 janvier 2013, elles ont obtenu, en partie, gain de cause avec l'abrogation attendue d'une loi décriée qui permet au violeur d'une mineure d'échapper à la prison en épousant sa victime. Mais au même moment, le 19 janvier 2013, Hassan Arif, un député condamné en première instance pour viol, après l'examen de preuves accablantes, était acquitté en appel et sa victime condamnée pour outrage à magistrats. De quoi relancer la colère des défenseurs des droits humains au Maroc...
Partager4 minutes de lecture
TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...
23.01.2013avec AFP
En mars 2012, le Maroc avait été choqué par le suicide d'Amina Filali, 16 ans, contrainte d'épouser son violeur, celui-ci échappant de la sorte à la prison en vertu de l'article 475 du code pénal. Des manifestants avaient alors demandé l'abrogation de ce texte. Le 21 janvier 2013, le gouvernement islamiste exprimait enfin son soutien à la proposition de loi prévoyant cette suppression. Dans son communiqué, le ministère de la Justice s'est même dit prêt à aller plus loin, en durcissant les peines encourues (jusqu'à 30 ans d'emprisonnement, contre cinq actuellement). "Les amendements sont de nature à garantir la protection nécessaire des mineurs contre toutes les agressions sexuelles", insiste le ministère de la Justice Mustapha Ramid. "Toute avancée est à souligner, et il est clair qu'il y avait là une disposition choquante", affirme le président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH, officiel), Driss El Yazami, selon qui la voie est à présent dégagée pour un vote favorable des deux chambres. Une affaire DSK à la marocaine Mais, c'est l'acquittement, le 18 janvier 2013, en appel d'un député condamné en première instance à un an de prison dans une affaire de viol qui a suscité des réactions très vives, en particulier sur la toile, tandis que sa victime était aussitôt emprisonnée pour outrage à magistrat : elle aurait manqué de respect au juge après avoir contesté bruyamment le verdict... Ce qui n'est pas sans rappeler un retournement similaire en Tunisie. La jeune femme violée à Tunis par des policiers avait été condamnée pour atteinte à la pudeur et attend toujours son jugement. L'affaire a été aussitôt relatée par une blogueuse lançant un mouvement très réactif avec des dizaines d’articles outrés sur le web, une pétition en ligne et un groupe Facebook qui demandent la démission du député Hassan Arif. Des tests ADN avaient pourtant prouvé qu’un enfant était né du rapport sexuel entre l’accusé et la plaignante. Un relevé d’opérateur téléphonique atteste également de l’existence de près de 300 coups de fil du député vers la jeune femme. Or malgré ses faits, l’accusé nie tout : la paternité de l’enfant, les coups de fil, et même le fait de connaître la plaignante. Une seule femme ministre et de nombreux abus envers le "deuxième sexe" Les chantiers pour améliorer la condition des Marocaines restent nombreux, ainsi sur le mariage des mineurs, dont les données sont inquiétantes : de 29.847 en 2008, la barre des 34.000 cas a été franchie en 2010, selon le quotidien Le Soir Echos. Autre préoccupation majeure, "la violence à l'égard des femmes", note la présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Khadija Ryadi. Six millions de Marocaines sont victimes de violences physiques ou verbales, dont plus de la moitié dans le cadre conjugal, selon la ministre de tutelle, Bassima Hakkaoui, l'unique femme du gouvernement dominé par le parti islamiste Justice et développement (PJD), grand vainqueur des législatives de 2011. De récents faits divers témoignent des tragédies vécues par certaines femmes. Début janvier, la tentative de suicide -filmée par un voisin- d'une domestique a ainsi provoqué un nouvel émoi. La jeune femme, qui avait sauté du quatrième étage d'un immeuble, a affirmé avoir été violée il y a deux ans puis rejetée par sa famille, et expliqué son geste par "l'indifférence de son entourage et la poursuite de son exploitation". Selon des associations, le royaume compte jusqu'à 80.000 mineures employées comme domestiques. M. Yazami demande une accélération des réformes. "La question n'est pas simplement d'affirmer le principe de parité mais de voir comment on va vers la parité", relève-t-il, notant que le CNDH "a consacré son premier mémorandum à ce thème central", en particulier à la création d'une Haute autorité sur la parité, comme le prévoit la constitution.