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L’écart salarial moyen entre femmes et hommes s’élève en France, au détriment des premières, à 25,7 %, tous temps de travail confondus, et à 9 % à poste équivalent, selon le ministère du Travail. Le monde des médias ne fait pas exception. A l’heure où l’observatoire des métiers de la presse annonce une féminisation de la profession de journaliste mais aussi sa précarisation, la question de l’inégalité salariale ou de carrière dans les médias prend tout son sens.
Prenons la Une a suivi avec attention et satisfaction les actions menées, dans le sillage de la révolte de #MeToo par les femmes journalistes dans les rédactions du Parisien, de l’Obs ou encore de Ouest France, à l'hiver 2017/2018. Entre candidatures collectives et symboliques à des postes de rédaction en chef, ou des tribunes pour dénoncer une direction exclusivement masculine, les actions se sont multipliées pour mettre en lumière les inégalités salariales, et d’évolution professionnelle dans ce milieu. Léa Lejeune, présidente de Prenons la Une explique la démarche : « Après ce qu’on a appelé "la rébellion" du Parisien, de Ouest France, de la Provence, on s’est dit que ce serait intéressant de s’intéresser à nouveau aux inégalités de salaires et aux négociations à mener. »
Une fois les inégalités constatées, comment s’organiser pour que la lutte soit efficace ? C’est le but de ce manuel de rébellion que propose Prenons la une, pour inspirer d’autres femmes, dans d’autres rédactions. Après avoir réalisé une longue enquête, en contactant celles ayant déjà mené ce genre d’actions, ou encore des spécialistes du droit du travail et des représentants syndicaux, le collectif propose ce petit document au format numérique, destiné uniquement aux femmes journalistes intégrées dans une rédaction.
En plus de ces premières rebellions, la présidente du collectif explique s’être inspirée de la CGT et de leur site lancé en mars 2018, mais aussi de ses propres travaux journalistiques : « Je venais de finir une enquête sur l’égalité professionnelle dans les entreprises du CAC 40. J’ai pu constater que dans certains cas, les accords égalité n’étaient pas efficaces, car vides, ou mal chiffrés. Ce sont des problèmes récurrents dont on peut s’inspirer pour le milieu du journalisme. »
Pour aider les femmes journalistes à obtenir l'égalité professionnelle dans leurs rédactions, nous avons mis au point un Petit manuel de rébellion. Créer un collectif, négocier un accord... des pistes concrètes pour passer à l'action.
— Prenons la une (@Prenonsla1) 26 avril 2018
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Ce manuel de la rébellion indique précisément, étape par étape, comment s’organiser en collectif, coordonner ses revendications et interpeller les directions. Mais ça ne s’arrête pas là. Le collectif met l’accent sur l’importance des négociations avec les directions en vue de la mise en place d'accords pour une réelle égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. « Quand on a commencé à s’entretenir avec ces rédactions en rébellion, on s’est rendu compte que certaines avaient une vraie culture syndicale du rapport de force et d’autres pas du tout, et ne savaient pas comment transformer l’essai du " buzz " en vrai négociation afin d'aboutir à un accord et à de vrais changements sociaux dans leur quotidien professionnel », commente Léa Lejeune.
« Ce manuel de négociation pour l’égalité professionnelle est un outil pratique pour obtenir l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes, et l’égalité des chances dans les attributions de postes et de promotions. Car même si le gouvernement prépare un intéressant projet de loi sur le sujet qui repose sur un logiciel, il ne sera efficace que sur une partie des inégalités. »
Extrait du Petit manuel de rébellion à l’usage des femmes dans les rédactions.
Ce bréviaire a également pour ambition de s’assurer que l’accord soit pertinent. Il ne suffit pas d’aboutir à un convention signée pour que les choses changent. Léa Lejeune raconte : « Parfois, l’accord est en place, mais vide. On l’a déjà constaté dans une rédaction. Dans l’accord il y avait une copie du texte de loi sur l’égalité professionnelle, mais sans objectif, ni échéance, comme définir un pourcentage de femmes à la direction d’ici trois ans. Il n’y avait pas non plus d’enveloppe de rattrapage salarial. Il n’y avait rien de concret ni chiffré, juste une promesse et c’est ce qu’on veut éviter. » Le collectif, au travers de ce type d’outils veut aider les femmes journalistes à apprendre les méthodes de négociation, pas toujours connues par les représentant.es du personnel précise la présidente. Le ton du manuel est exhaustif, technique, « mais c’est nécessaire », se justifie Léa Lejeune.
Le collectif veut aussi former les syndicats professionnels des médias sur la question, sans doute parce qu'ils ne sont pas toujours sensibilisés à ces questions d'inégalités entre les sexes : « On propose aux syndicats de journalistes qui le souhaitent de les conseiller, les former. Nous sommes disponibles pour rencontrer les centrales de syndicats et leur expliquer le manuel, s’ils le souhaitent. On est un peu comme un bonus à leurs actions », commente Léa Lejeune.
Si tous les postes de pouvoir restent aux mains des hommes, ça leur donnera un ascendant sur des jeunes femmes qui rentrent en masse dans le métier de journaliste aujourd’hui
Lea Lejeune - Prenons la Une
De là à penser qu’une augmentation de femmes à des postes à responsabilité pourrait faire diminuer le nombre de cas de harcèlements ? La présidente de Prenons la une tempère : « Je pense que promouvoir des femmes aux postes de direction peut aider à lutter contre le harcèlement sexuel dans les rédactions. Pas parce que les femmes seraient de fait sensibilisées à ces questions, certaines ne le sont pas. Mais surtout parce que si tous les postes de pouvoir restent aux mains des hommes, ça leur donnera un ascendant sur des jeunes femmes qui rentrent en masse dans le métier de journaliste aujourd’hui, et qui travaillent plutôt en position de précarité, notamment les pigistes, ou en CDD. »
En effet selon la CCIJP (Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels), 53, 5% des pigistes sont des femmes, tandisque 66% (deux tiers) des titulaires de postes de direction de rédactions sont des hommes.
Alors une meilleure rémunération des femmes dans les médias, une meilleure représentation des femmes à la direction de l'Information pourraient-elle amener un changement dans la société ?
Suite à sa nomination au poste de directrice de l'Information à l'AFP (agence France presse), Michèle Léridon a lancé une série d’initiatives et d'idées pour améliorer la représentation des femmes dans les contenus proposés par l'agence.
Un rapport a été publié, qu'elle était venue présenter et commenter dans les locaux de TV5 Monde, à la fin du mois de mars 2018. Comment parler des féminicides ? Comment décrire une femme ? La représenter en photos ? Donner la parole à des experts ou expertes ? Quelle est la place des femmes dans la hérarchie de l'Agence ?
Autant de questions soulevées par le rapport pour tenter de modifier le comportement des journalistes, ainsi que l'image des femmes dans les dépêches, les vidéos, les infographies ou les photos...
Un exemple : éditer des règles claires sur la féminisation des titres et fonctions, ou sur le traitement des violences conjugales. Pas de "drame de la séparation" quand on parle de violences conjugales. #FemmesEtMedias
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) 29 mars 2018
L'arrivée d'une directrice de l'info à @afpfr a-t-elle favorisé le nombre de sujets traités sur les femmes ?
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) 29 mars 2018
Ce n'était peut-être pas lié consciemment mais de fait, il y a eu une prise de conscience.#FemmesEtMedias
#yaduboulot