En ce début septembre 2016, Italiennes et Italiens se sont enflammés sur les réseaux sociaux à l'annonce d’un « #fertilityday » et du « Plan national pour la fertilité » du gouvernement, incitant les jeunes gens à faire des enfants autour de cette idée : la fertilité des femmes serait un « bien commun ».
«
La Fertilité est un bien commun » est l'un des six slogans de la campagne médiatique du gouvernement qui a mis le feu aux poudres sur les réseaux sociaux. Derrière ce slogan, l'image d'un ventre de jeune femme devant lequel deux mains forme un petit cocon. Giulia Syrbe, jeune étudiante sarde, a été décontenancée.
« Comme femme et comme personne, je n'accepte pas que l'on me traite comme une factrice. La fertilité n'est pas un bien commun comme l'eau. La fertilité fait partie de la sphère privée, de la santé individuelle. »Face au très faible taux de natalité de la péninsule (1,39 enfant par femme), la ministre de la Santé Beatrice Laurenzin est donc passée à l'offensive avec un plan nataliste 2.0. (communication active sur les réseaux sociaux et à destination des jeunes adultes) et pluridisciplinaire (de l'école à l'hôpital, des médias aux collectivités locales) dans le but d'«
opérer un renversement de mentalité , la fertilité étant donc un besoin essentiel non seulement pour le couple mais aussi pour l'ensemble de la société », peut-on lire
dans le plan de 137 pages.
Ce texte cible essentiellement les femmes, pour qu'elles donnent la vie, de préférence assez tôt.
« Le message à divulguer ne doit pas générer de l'anxiété face à l'horloge biologique qui tourne (…) mais plutôt se concentrer sur la valeur de la maternité, de la conception et de l'avantage de comprendre maintenant, rapidement, qu'il n'est pas indispensable de reporter la décision d'avoir un enfant ».La fertilité érigée en besoin essentiel de la société
La ministre pointe cinq sous-objectifs à ce plan pour la Fertilité (fertilité est toujours signalé avec un F majuscule) :
- Informer sur le rôle de la fertilité, sur sa durée et comment la protéger des risques
- Assister les citoyens de manière sanitaire pour défendre la fertilité, la promouvoir, soigner les maladies de l'appareil reproductif
- Développer chez les gens la connaissance en matière de fertilité pour pouvoir l'utiliser en choisissant d'avoir un enfant consciemment et de manière autonome
- Opérer un changement de la mentalité actuelle afin de voir la fertilité comme un besoin essentiel non seulement du couple mais de la société entière, en promouvant un renouveau culturel en terme de procréation
- Célébrer cette révolution culturelle en instituant le « Fertility Day », journée nationale d'information et de formation sur la fertilité, où le mot d'ordre sera la découverte du « Prestige de la maternité ».
« Grouille-toi ! N'attends pas la cigogne », « La beauté n'a pas d'âge, la fertilité oui », « Prépare un berceau pour ton futur » sont les autres slogans annonciateurs de ce « Fertility day » annoncé pour le le 22 septembre 2016…
Des invitations explicites à procréer auxquels les internautes n'ont pas manqué de répondre. Avec humour et talent, comme cette jeune femme l'oeil rivé sur le sablier qui s'écoule inexorablement...
Ces messages natalistes sont restés au travers de la gorge de milliers d'Italiennes et Italiens, comme Roberto Saviano, journaliste et auteur de Gomorra.
« Le fertility day est une insulte à tout ceux qui ne veulent pas d'enfants et à ceux qui en voudraient mais n'ont pas de travail ». Le tweet est partagé plus de 2700 fois et libère la parole.
La campagne est
« culpabilisante », « sexiste » et même « fasciste » selon les internautes.
« Pourquoi ne pas avoir d'enfant doit-il être une honte ? », s'interroge une autre internaute.
Le plan a le mérite de soulever la question de la conciliation entre parentalité et travail en Italie comme le souligne le journal «
Il fatto Quotidiano »,
« L'Italie est troisième plus mauvais pays européen en ce qui concerne l'emploi des femmes ». Et dans un pays où près de 39 % des 20/24 ans et 18 % des 25-35 ans est au chômage, les jeunes pressés par l’État de devenir parents renâclent.
Précarité versus fertilité
Un jeune papa a tenu à exprimer son exaspération
dans une lettre ouverte à la ministre.
« Ceux qui travaillent au noir, ont des contrats temporaires ou un salaire bas, ne reçoivent rien [de l’État lors d'une naissance, ndlr]. Si tu ne travailles pas, débrouille-toi, cela veut dire que tu as du temps pour t'occuper de ton gamin. Si tu dois chercher un emploi, passer un entretien ou aller faire une visite médicale, accroche-toi. » Il préférerait que le gouvernement promeuve une
« journée nationale des transports publics efficaces, des crèches gratuites, une journée du revenu minimum garanti, de la santé et de l'école publique et gratuite... ». Suite à ces réactions massivement négatives, la ministre Beatrice Laurenzin, lâchée aussi par le Premier ministre Matteo Renzi, a décidé de revoir la campagne d'affichage mais pas le plan, annonçait-elle sur twitter.
« La campagne n'a pas plu, on en fera une autre. Il ne s'agit pas que de deux affiches, il en va de la santé des Italiens. » Ce n'est pas une invitation à être enceinte...
Beatrice Lorenzin
Dans le récit en images de François Beaudonnet, correspondant de France Télévison à Rome, Beatrice Lorenzin, ministre de la Santé enfonce le clou, un peu confusément : "Ce n'est pas une invitation à être enceinte, mais une prise de conscience du problème de la fertilité. L'Italie doit assumer d'être un pays qui ne fait plus d'enfant."…
On change la forme mais pas le fond... A suivre donc.