Selon une étude du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) en France, « 82% des rôles d’experts » dans les publicités télévisées sont occupés par des hommes et les deux tiers des publicités présentant une sexualisation des personnages mettent en scène des femmes à 67 %. En pleine affaire Weinstein, cette étude nous rappelle, que tout ce qui participe à véhiculer des clichés sexistes et une image dégradante des femmes ne fait qu’entretenir les inégalités et les violences à leur endroit.
Que les publicités à la télévision regorgent encore de stéréotypes sur les femmes en 2017 n’a rien d’étonnant. Il suffit de faire un peu sociologie spontanée devant nos écrans télévisés pour voir combien les spots publicitaires enferment les femmes dans des rôles sexués. Mais on ne peut que souligner l’importance de cette étude sur «
la représentation des femmes dans les publicités télévisées » émanant du CSA, l’autorité française de régulation de l'audiovisuel, dans ce contexte de libération de la parole des femmes victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles, suscitée à la suite de
l’affaire Weinstein.
Nombre de chercheuses et chercheurs ne cessent de le souligner la publicité, comme l’école et les médias, a une conséquence directe sur nos mentalités, celle-ci participant à la socialisation de l’individu, à la construction du genre féminin et masculin.
On comprend dès lors cet internaute qui ironise sur l'arrivée de cette étude, qui ne fait que confirmer l'ampleur et la persistante de sexisme dans les pubs. «La situation est pré révoltionnaire, écrit-il. On découvre en 2017 que la publicité à la TV est un vecteur du sexisme. Demain celui du capitalisme»
Cependant, le CSA, chargé depuis
une loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, de «
veiller au respect de la dignité de toutes les personnes et à l'image des femmes qui apparaissent dans ces émissions publicitaires », a souhaité, conformément à sa nouvelle mission, mener sa propre étude sur le sujet. Celle-ci,
consultable en ligne, s'est déroulée sur sept jours, entre octobre 2016 et avril 2017 et se concentre sur le dernier écran publicitaire avant 20 heures de l’ensemble des chaînes historiques et des nouvelles chaînes de la TNT, soit vingt-quatre chaînes.
Et les conclusions sont sans appel : «
le rôle attribué aux femmes est réducteur et, volontairement ou non, des stéréotypes de « genre » imprègnent encore un grand nombre de messages, analyse Sylvie-Pierre Brossolette
, conseillère en charge du droit des femmes dans l’avant-propos de ce rapport
. Ils peuvent être plus ou moins lourds, se glisser au détour d’une phrase ou d’une image, parfois à l’état subliminal. Ils se veulent le reflet de l’état de la société, mais le caricaturent souvent.»
Un réprésentation écrasante d'hommes experts
Sur la base de plus 2000 publicités visionnées, le CSA a établi cinq constats. Il existe tout d’abord une plus forte représentation des hommes quels que soient les rôles, soit 54 contre 46 %.
Et si on regarde de plus près la répartition des rôles en fonction du sexe, on s’aperçoit que les rôles d’experts sont quasi exclusivement occupés par des hommes. Un écart pour le moins criant avec 82 % d’hommes experts contre 18 % d’expertes. En outre, en s'attardant sur cette même répartition en fonction des produits ou des domaines de commercialisation, on s'aperçoit nettement que publicités font perdurer les stéréotypes de genre impactant à la fois, les femmes mais aussi en partie les hommes, les premières étant reléguées au secteur de la beauté et les hommes à celui de l’automobile.
Ces derniers sont par exemple experts à 96 % dans l’automobile, à 95 % dans la catégorie « technologie/numérique », à 93 % dans la catégorie « objets et produits domestiques », à 86 % dans l’alimentation/distribution, à 76 % dans la catégorie « produits médicaux et paramédicaux » et, à 62 % dans les assurances et banques.
Les annonceurs sur-représentent en revanche les femmes dans les domaines de « l’ habillement et parfumerie et à 56 % dans la catégorie entretien du corps ». En somme, les publicitaires continuent de véhiculer les clichés les plus éculés, demeurant en décalage avec les évolutions de la société et les pratiques sociales.
Les femmes cantonnées à un rôle esthétique ou inactif
Si l'on se penche, dans le détail, sur la distribution des rôles d’experts entre les personnages féminins et masculins dans le secteur de l’alimentation/distribution, par exemple, l’étude révèle que «
les rôles sont occupés presque exclusivement par des hommes lorsqu’ils sont personnages principaux (85 % contre 15 % de femmes) et personnages secondaires (89 % contre 11 % de femmes) ».
A travers les rôles attribués aux personnages principaux féminins, il apparaît que les femmes sont à 66 % consommatrices, à 3 % expertes et qu’elles occupent à 31 % un rôle esthétique ou inactif.
A ce propos, l’étude cite une publicité pour une chaîne de restauration rapide «
emblématique de cette tendance » dans laquelle «
on voit un homme en train de déguster un hamburger dans un salon, entouré de personnages féminins occupés soit à feuilleter un magazine, soit à… jouer de la harpe ! »
Une représentation sexualisée des femmes à 67 %
Autres expression du sexisme dans les publicités et non des moindres : les deux tiers des spots avec un personnage sexualisé mettent en scène des femmes à 67 % et des hommes 33 %. Dans cette étude le CSA «
a considéré comme relevant d’une sexualisation les comportements tels qu’une attitude très suggestive, une simulation d’acte sexuel, ou encore les cadrages insistant particulièrement sur certaines parties intimes du corps».
Résultat : sur les 2 055 publicités visionnées, 82 mettent en scène une sexualisation des personnages représentés : 55 publicités (67 %) concernent des personnages féminins et 27 (33 %) des personnages masculins.
Cette sexualisation des femmes est davantage représentée dans trois secteurs en particulier: l’habillement/parfumerie (53%), l'alimentation/distribution et l’automobile (16%).
Et enfin sans surprise là-encore, 54 % des publicités représentant une nudité partielle ou totale des personnages mettent en scène des femmes, le plus souvent réduites à l’objet de désir.
Une étude et après ?
«
Les chiffres parlent parfois plus que les mots. Etablir un diagnostic sur des
critères précis et quantifiables permet de donner une réponse, base à un dialogue
utile avec tous les acteurs concernés », projette Sylvie Pierre Brossolette.
D’ailleurs le Conseil envisage de mettre en place un échange avec notamment «
les professionnels du secteur, les instances ayant des compétences en matière d’image des femmes dans la publicité (l’Autorité de régulation des publicités anglaise - l’Advertising Standards Authority-, le régulateur canadien, le CSA belge etc.) »
Dans
Libération, Sylvie Pierre Brossolette a déclaré vouloir «
s’appuyer sur le pragmatisme » plutôt que des mesures coercitives.
Pour l’heure, «
il n’y pas suffisamment de campagnes de sensibilisation fortes contre le sexisme », comme le dénonçait dans
Le Monde, Brigitte Grésy, auteure en 2008 d’un rapport sur l’image des femmes dans les médias. Or les effets des publicités sont graves. «
Cela crée des modèles, des habitudes de comportement. Tout ce qui renvoie à une image de soumission, à un mauvais traitement participe à l’inégalité et à la violence ».
Comme le dénoncent également de nombreuses féministes. Certaines le font même avec humour comme cette américaine, Madonna Badger, qui détourne dans la vidéo ci-dessous les spots publicitaires sexistes.
Suivez Lynda Zerouk sur Twitter
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