Fil d'Ariane
Les tests de détection du sexe de l'enfant sont officiellement interdits en Inde, une réglementation destinée à éviter les avortements féminins par des parents ne voulant qu'un garçon.
Mais la ministre des Femmes et du développement de l'enfance, Maneka Gandhi, a semblé amorcer un revirement lundi 1er février en déclarant qu'il serait plus efficace de connaître le sexe du foetus dès le début de la grossesse et de suivre ensuite attentivement son déroulement.
"A mon avis, il faut changer la politique actuelle. Chaque femme enceinte devrait obligatoirement savoir s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille", a-t-elle dit lors d'un discours à Jaipur. "Toute femme enceinte devrait être enregistrée et on pourrait ainsi la suivre jusqu'au bout, savoir si elle a accouché ou non et ce qui s'est passé".
Cette proposition a soulevé un tollé, parmi les éditorialistes et les associations de défense des droits des femmes. Il faut dire que l'on a un peu de mal à suivre le raisonnement ministériel. Si tous les parents connaissent légalement le sexe de leur enfant à naître, ne vont-ils pas encore plus pratiquer de naissances sélectives ? On suppose que dans son esprit a germé l'idée que les grossesses en étant mieux suivies par ce biais, les personnels soignants pourront empêcher les avortements de foetus féminins.
Une idée brillante ? Ce serait encore mieux avec un peu de bon sens
Times of India
Elle a beau eu faire marche arrière en disant que c'était juste une suggestion en l'air, le débat était lancé et les réactions fort vives. Dans le Times of India, l'éditorial de première page est fort sévère : "Cette suggestion radicale qui a heurté tout le monde est précisément de celles vers lesquelles le gouvernement ne doit pas aller. (.../...) Nous ne sommes pas contre les ministres qui abondent en idées brillantes. Ce serait encore mieux s'ils le faisaient avec un peu de bon sens... Personne ne peut nier que le foeticide féminin pose un réel danger pour la société indienne. Le dernier recensement de 2011 a connu le plus grand décalage jamais enregistré entre les sexes : 914 filles pour 1000 garçons. Mais le gouvernement a-t-il vraiment les moyens de faire en sorte que d'un certificat médical de sexe accompagne chaque naissance ? Et pourra-t-on enquêter sur les raisons de chaque interruption de grossesse ? Non, parce que l'Inde doit faire face à une pénurie chronique de lits d'hôpitaux, de médecins et même de policiers."
Même son de cloche sous la plume de Devparna Acharya pour le site Firstpost : "L'idée de Maneka Gandhi est révolutionnaire, brillante. Mais elle n'a pas été pensée. Certes nous avons besoin face à ce fléau qui touche aussi bien les musulmans, les bouddhistes, mais surtout les hindous, il faut être sûr de pouvoir mener le projet jusqu'au bout. Dans un pays aussi vaste et corrompu que le nôtre, la suggestion, si elle est pratiquée, sera contre-productive et sera au minimum contournée. En premier lieu, ces ‘centres de diagnostic’ qui pratiqueront ces contrôles ne seront eux soumis à aucun contrôle. Comment les mères seront-elles accompagnées ? Qui fera leur suivi sans que leurs familles ne se mettent en travers, dans un pays aussi peuplé que l'Inde, où le système patriarcal est profondément enraciné et ou l'avortement sélectif selon le sexe est endémique ?"