Back to top
La justice peut-elle condamner un violeur en fonction de la durée de son crime ? À cette question, la justice suisse répond par l'affirmative. Dans une affaire remontant à 2020, le Tribunal fédéral vient de reconnaitre que "la durée relativement courte" d’un viol peut être un argument pour diminuer la peine d’un prévenu.
Les manifestantes suisses se rassemblent chaque 8 mars mais surtout le 14 juin, date historique de la plus grande grève féministe jamais organisée dans le pays.
"Un viol, peu importe sa durée, est d'une énorme gravité. Et puis, ce n'est pas parce qu'un viol est soi-disant court ou soi-disant long que son intensité ne peut pas être pareille", estime Clara Schneuwly.
L'avocate, présidente de l'association genevoise "Viol secours" s'exprimait dans le journal le 64' sur TV5monde, réagissant à la décision de la justice suisse qui vient d'estimer conforme au droit fédéral la prise en compte de "la durée relativement courte du viol dans la fixation de la peine est conforme au droit fédéral".
Rappel des faits : en février 2020, à Bâle, deux hommes violent une femme dans l'entrée de son immeuble, alors qu'elle rentre de soirée. Elle avait rencontré ses agresseurs dans un bar. L'homme le plus âgé est reconnu coupable de viol. Il est condamné à quatre ans et trois mois de prison par le tribunal de Bâle. Le deuxième agresseur âgé de 17 ans au moment des faits n'a pas encore été jugé.
Suite à un recours, la Cour d'appel décide de réduire la peine de 4 ans infligée au premier condamné, au motif que "l'acte n'a duré que onze minutes" et que "la victime aurait joué avec le feu et aurait envoyé de mauvais signaux lors de la visite d'un club avant l'acte". Sa peine est alors communé à trois ans de prison avec 18 mois de sursis.
Je suis déçue et j'ai une pensée pour toutes les victimes de violences sexuelles qui ont dû accueillir cette décision de manière choquante. Clara Schneuwly, avocate
Un second recours est déposé auprès du Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire de Suisse. Le Tribunal fédéral casse l'arrêt de la Cour d'appel et estime que l'auteur doit être sanctionné plus sévèrement. Il conclut notamment que le comportement de la victime dans le bar ne doit pas être pris en compte pour atténuer la responsabilité de l'accusé. En revanche, le Tribunal fédéral estime que prendre en compte la durée relativement courte du viol dans la fixation de la peine est conforme au droit fédéral.
"Je n'ai pas vraiment vraiment été choquée par cette décision, car le tribunal fédéral suisse n'est pas une institution connue pour être progressiste. En revanche, je suis déçue et j'ai une pensée pour toutes les victimes de violences sexuelles qui ont dû accueillir cette décision de manière choquante", réagit Clara Schneuwly.
Cette décision intervient alors qu'on arrive à la fin d'un processus pour redéfinir le viol. La loi n'est pas encore entrée en vigueur, précise-t-elle . "Ce qui changera avec cette loi, prévue pour juillet 2024, c'est l'utilisation de la contrainte, de la menace et de la violence dans la définition du viol". Pour qu'un viol soit reconnu, il faudra que la victime ait fait part de son non consentement. "Il est aussi ajouté que si la victime était dans un état de sidération qui ne lui permettait pas de dire non, de s'opposer aux actes sexuels qui lui étaient imposés, cet état de sidération sera reconnu et ce sera considéré comme un viol", ajoute la présidente de Viols-secours. Elle regrette néammoins que le Parlement suisse ne soit pas allé aussi loin que la Suède sur la notion de consentement.
Cette décision invisibilise encore plus les conséquences d'une agression sexuelle et d'un viol sur les victimes. Clara Schneuwly, pdte Viols-secours
Concernant la récente décision judiciaire prenant en compte "le viol de courte durée", qui fait polémique, l'avocate estime qu'elle "invisibilise encore plus les conséquences d'une agression sexuelle et d'un viol sur les victimes".
Lire aussi dans Terriennes :