Une campagne à l'assaut de ces nombreux métiers peu mixtes

Des portraits de femmes mécaniciennes et d'hommes assistants maternels seront diffusés dans les médias français dès le 17 juillet. A l'initiative du gouvernement français et de la Fondation Agir Contre l'Exclusion (FACE), cette campagne de communication vise à briser les clichés sur des professions souvent victimes de stéréotypes liés au genre. Et décloisonner ces métiers "genrés" permettrait aussi de favoriser l'économie.
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Une campagne à l'assaut de ces nombreux métiers peu mixtes
Une mécanicienne réparant une automobile au garage pour femmes “Only Girls“ de Saint-Ouen-l'Aumône (Val d'Oise), le 14 mai 2014 ©afp.com/Fred Dufour
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En finir avec les clichés "métiers d'hommes", "métiers de femmes" qui minent l'économie. C'est le but de la campagne de communication lancée par la Fondation agir contre l'exclusion (FACE) regroupant plusieurs grandes entreprises françaises, et le ministère des Droits des femmes annoncée le 2 juillet et lancée le 17. Baptisée "Au travail, seul le talent compte!", elle prend la forme de spots ou d'affiches mettant en scène des femmes garagistes ou des hommes assistants maternels. Il sera diffusé pendant six mois dans pratiquement tous les médias nationaux : télévision, radio, presse écrite ainsi que sur les panneaux publicitaires, dans la rue ou dans le métro. 

En brisant ces images conventionnelles liées à ces professions, la FACE et le ministère des Droits des femmes veulent promouvoir la mixité professionnelle. En clair, encourager les Français-e-s à exercer des métiers où l'autre sexe est majoritaire. Aujourd'hui, seul 17% des professions sont mixtes au sens où la proportion d'hommes et de femmes y est comprise entre 40 et 60%, selon un rapport du gouvernement français. Et plus de la moitié des femmes se regroupent dans seulement 12 familles de métiers sur 87.
 

Spot télé de la campagne de communication en faveur de la mixité des métiers


11.07.2014
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Vers des métiers non pourvus

Derrière cette campagne en faveur d'une meilleure répartition des sexes dans tous les secteurs d'activité se profile aussi un problème économique. Pour lutter contre cette forme de ségrégation professionnelle, le gouvernement et la FACE ont choisi 10 professions peu mixtes, mais surtout en difficulté en raison de la difficulté à recruter, faute de candidats. Parmi eux, l'accueil de la petite enfance, le grand âge, les services à la personne, la sécurité civile, l'énergie, les transports et le développement durable. Quid des autres secteurs ayant les mêmes problèmes tels que la boucherie, les métiers d'agent de sécurité ou de caissiers, et qui peinent à recruter ? "Le plan a vocation s'élargir", argumente une attachée de presse au ministère des Droits des femmes.

Et pour cause, entre 400.000 et 500.000 emplois ne trouvent pas preneurs en France, selon le Medef et le Pôle emploi. En échange d'une baisse d'impôt pour les entreprises, promise par le gouvernement, le Medef avait lancé voilà quelque mois, une campagne de communication sous forme, là aussi, de spots télé, encourageant les Français-e-s à se tourner vers ces métiers en "tension". Le but : faire baisser le taux de chômage continuellement en hausse et qui met sous pression la présidence de François Hollande. C'est justement dans ce contexte que Jean-Marc Ayrault, prédécesseur de l'actuel Premier ministre Manuel Valls, avait déclaré l'égalité et la mixité professionnelle, priorité pour l'année 2014. Une manière de se servir de la promotion de la mixité pour combler le problème des postes non pourvus, et ainsi du chômage qui mine la société et le gouvernement. L’État et les entreprises y trouvent leur compte. Et les femmes dans tout ça ? Que propose concrètement le plan pour améliorer leur place dans ces métiers dits "masculins" ?

Le site internet dédié à la question est peu précis. Dans un entretien publié sur 20minutes.fr, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, précise : le plan contiendra une revalorisation de l'image des métiers "genrés" et une revalorisation salariale "selon certains critères objectifs" pour attirer plus d'hommes par exemple dans des métiers féminins, souvent mal rémunérés. L'entourage de la ministre donne quelques exemples : "Ça touchera déjà aux noms des métiers qui sont orientés, ensuite il y aura des actions pour l'orientation des jeunes filles dès leur parcours éducatif ", explique-t-elle. Les conditions de travail seront revues comme l'accueil des femmes dans les professions de transports par exemple ou encore dans les métiers physiques par une réflexion sur l'ergonomie des tâches données, selon elle. En somme, des actions qui visent à combler des contraintes qui ont jusqu'ici empêché les femmes d'accéder à ces métiers.

Pouvoir, garde d'enfant 

Conductrice de métro à Paris, Carole, 36 ans, détaille les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées dans son métier, exercé majoritairement par des hommes : "On a des horaires décalés. C'est un facteur qui bloque les femmes. Si une femme a des enfants, c'est plus difficile pour elle de travailler sur ces créneaux horaires là. Une semaine, tu vas être du matin (5h-12h, ndlr), une autre semaine de nuit (18h-1h, ndlr). Ces horaires sont très contraignants. Et dans le milieu de la conduite des bus, c'est pareil", explique Carole qui l'a été autrefois. "A l'embauche déjà, on m'avait demandé si j'avais des enfants et comment je comptais les faire garder (…) car pour eux ça peut être un facteur d'absence. Ils hésitent quand même un peu. J'ai même des collègues auxquelles on a demandé si elles étaient célibataires et si elles envisageaient de se marier et d'avoir des enfants", raconte-t-elle. Des demandes courantes sur le marché du travail mais discriminantes pour les femmes surtout là où les postes sont convoités.

Au-delà des contraintes pratiques, il existe aussi des entraves psychologiques liées aux rapports de force entre les deux sexes, et peu évoquées dans le projet du gouvernement. Une difficulté rapportée par Carole. "Quand tu es une femme et que tu rentres dans un milieu où il y a que des hommes, confie-t-elle, t'es obligée de t'imposer et de ne pas te laisser marcher sur les pieds car sinon tu ne peux pas être dans ces métiers là", dit-elle. Et d'ajouter "Je n'ai pas eu de réflexion sexistes ou autres au travail. Ils m'ont acceptée assez facilement. (…) Mais ici, les hommes te parlent de tout et de rien, il y en a qui te font des avances alors que tu es mère de famille ou il y en a qui sont très vulgaires avec toi. On est obligées de mettre les points sur les i de temps en temps", avoue-t-elle.

Stéréotypes et dévalorisation du travail des femmes

Pour la sociologue Françoise Picq, les clichés sont aussi l'autre raison qui expliquent pourquoi si peu de métiers sont mixtes en France. Profondément ancrés, ils influencent le choix et l'orientation professionnelle des personnes, quelque soit leur sexe. "Pour l'essentiel, ce sont des stéréotypes, qui depuis longtemps, considèrent qu'il y a des métiers d'hommes et des métiers de femmes. Étant entendu que les choses pour les hommes sont plus valorisées que celles pour les femmes. En même temps, il y a une accentuation des différences réelles naturelles entre les hommes et les femmes. Par exemple, on va dire que les travaux de force sont pour les hommes et les travaux de minutie sont pour les femmes", explique-t-elle.

D'après la sociologue, la mixité professionnelle est un "travail de longue haleine". "Des lois pour l'égalité, je ne sais plus combien il y en a eu. Chaque fois qu'il y a une petite avancée, elle s'avère finalement très insuffisante. Mais la loi ne suffit pas, encore faut-il qu'elle soit utilisée par des acteurs sociaux. Tous les moyens juridiques sont là pour réaliser l'égalité. Mais elle n'avance pas beaucoup parce qu'il ne suffit pas seulement d'avoir des moyens juridiques, il faut une volonté politique permanente. Dès qu'on arrête de pousser, on repart en arrière", analyse-t-elle.

Pour l'heure, le gouvernement se mobilise sur la répartition des sexes dans le monde professionnel. Il a lancé une "plateforme d'action pour la mixité des métiers" chargée d'appliquer les directives contre la ségrégation professionnelle. Coupe de budget oblige, la structure sera financée par des fonds privés provenant de la "Fondation égalité mixité", créée le 2 juillet 2014 par la FACE. Des moyens et une volonté importantes tant du côté du gouvernement que des entreprises. En espérant que cela dure et suffise.
 

En France, ces métiers autrefois l'apanage des hommes

En France, ces métiers autrefois l'apanage des hommes
Un technicien d'imprimerie contrôle un exemplaire du Monde le 13 février 2009. (Photo Stephane de Sakutin. AFP)
Les métiers du livre

"Le syndicat du livre était célèbre pour avoir empêché l'entrée des femmes dans ce métier. Pour deux raisons : la dépendance économique des femmes favorisait le pouvoir des hommes. D'une autre part, en tant que travailleur, ils étaient très attachés à ce que leur métier soit valorisé. Et l'idée qu'une femme exerce leur métier dévalorisait leur profession. Les femmes sont souvent introduites dans les métiers lorsque la technique permet d'utiliser moins de force, comme par exemple dans l'imprimerie. Des hommes ont résisté à cette dévalorisation du travail en empêchant des femmes de travailler, comme si la dévalorisation, était introduite par les femmes". Françoise Picq.
 
La couture, le secrétariat

"Il y a des métiers qui ont longtemps été considérés comme n'étant absolument pas féminins. Au XIX°s., il y a eu l'idée, pendant très longtemps, qu'une femme devant une machine à écrire perdait sa immédiatement sa féminité. Quand la machine à coudre, par exemple, a été inventée, tout un discours prétendait que les femmes ne pouvaient pas s'en servir car la machine faisait descendre leurs organes". Françoise Picq.

Ailleurs dans le monde ?

Ailleurs dans le monde ?
©Wikicommons
Dans le monde, les métiers de la construction, réservé aux hommes dans la plupart des pays, sont, dans certains États ou ethnies, exercés exclusivement ou en majorité par des femmes.

- Un héritage historique
En Russie, les métiers de la construction sont exercés essentiellement par les femmes. Et ceux, depuis la Seconde Guerre mondiale. La raison ? Elles ont dû remplacer les hommes, partis combattre dans des fronts lointains.

- Un héritage culturel
Chez le peuple Hmong, originaire de la région montagneuse située entre la Chine, le Vietnam et le Laos, la construction des maisons est une pratique traditionnelle réservée aux femmes de cette ethnie.