Fil d'Ariane
Une étudiante iranienne s'est mise en sous-vêtements devant l'université de Téhéran en signe de protestation contre le harcèlement de miliciens des Gardiens de la révolution concernant sa tenue. Arrêtée par la police, la jeune femme a finalement été relâchée après quelques semaines d'internement dans un hôpital psychiatrique.
En geste de rebellion, une étudiante iranienne se déshabille devant son université à Téhéran après avoir été "mise en garde" par les Gardiens de la révolution pour sa tenue "non appropriée", elle a depuis été interpellée.
Le geste ultime de rebellion de cette étudiante iranienne l'a conduite en prison. Sur la vidéo, on voit la jeune femme se déshabiller devant l'université Azad de Téhéran puis marcher dans la rue en sous-vêtements, cheveux détachés.
Les allégations de coups et de violence sexuelle à son encontre pendant son arrestation doivent faire l'objet d'une enquête indépendante et impartiale. Amnesty Iran
D'abord postée par le site étudiant iranien Amir Kabir, la vidéo a été publiée par de nombreux sites persans dont le site juridique Dadban, le groupe de défense des droits humains Hengaw et le site d'information Iran Wire. La vidéo semble avoir été prise par des habitants d'un immeuble voisin. D'autres images montrent la jeune femme jetée dans une voiture par des hommes en civil. Selon le site Amir Kabir, elle a été battue au cours de l'arrestation.
"Les autorités iraniennes doivent relâcher immédiatement et sans condition" la jeune femme, a déclaré Amnesty Iran, branche d'Amnesty international, sur X. "Les allégations de coups et de violence sexuelle à son encontre pendant son arrestation doivent faire l'objet d'une enquête indépendante et impartiale", ajoute l'organisation.
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L'agence iranienne Fars a fait état de l'incident et publié une photo floutée de l'étudiante. Selon l'agence, la jeune femme portait des vêtements "inappropriés" en classe et s'est "dévêtue" après avoir été mise en garde par les agents de sécurité. Selon l'agence de presse, citant des "témoins", les agents ont parlé "calmement" à la jeune femme et n'ont pas agi de façon agressive.
La jeune femme s'appellerait Ahou Daryaei et serait âgée de 30 ans, selon les informations du journaliste franco-iranien Armin Arefi. Sur X, il précise qu'elle serait inscrite en langue française dans l'unité de Science et de Recherche. Elle aurait été interpellée par les miliciens parce qu'elle n'aurait pas porté l'obligatoire tissu noir ("maghnaeh", ndlr) qui doit couvrir la tête, le front, le menton et la poitrine. La loi islamique en Iran impose un code vestimentaire très strict aux femmes, sommées de porter le foulard et des vêtements amples dissimulant leurs formes. Celles qui ne respectent pas ces règles risquent des amendes de 150 dollars (138 euros), qui peuvent être doublées si elles ne sont pas payées dans un délai d'un mois. Elles peuvent également perdre leur emploi. Les récidivistes risquent une peine de prison.
Les femmes iraniennes sont à l'origine d'un mouvement de révolte inédit dans le pays après la mort de la jeune Kurde Mahsa Amini en septembre 2022, arrêtée pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire. Le mouvement Femme Vie Liberté a été massivement réprimé par les autorités iraniennes, avec au moins 551 morts et des milliers de personnes arrêtées, selon des ONG.
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Depuis ce geste, les messages de soutien se multiplient sur les réseaux sociaux derrière le mot dièse #irangirl et #AhooDaryaei, du nom de la jeune femme, désormais connu. Elle y est présentée par ses soutiens comme une héroïne face à l'obscurantisme.
Son geste rappelle avec force la lutte des femmes iraniennes pour la liberté. Oui, nous utilisons notre corps comme une arme pour lutter contre un régime qui tue les femmes parce qu'elles montrent leurs cheveux. Masih Alinejad, militante iranienne, sur X
"En Iran, une étudiante harcelée par la police des mœurs de son université en raison de son hijab 'inapproprié' n'a pas reculé. Elle a fait de son corps une protestation, se déshabillant jusqu'à ses sous-vêtements et défilant sur le campus, défiant ainsi un régime qui contrôle constamment le corps des femmes. Son geste rappelle avec force la lutte des femmes iraniennes pour la liberté. Oui, nous utilisons notre corps comme une arme pour lutter contre un régime qui tue les femmes parce qu'elles montrent leurs cheveux. Cela s'est passé à l'université des sciences et de la recherche de Téhéran. Elle a depuis été arrêtée par les autorités. Soyez sa voix", a écrit la militante iranienne Masih Alinejad.
"Les autorités iraniennes affirment aujourd'hui que la jeune femme, qui a courageusement retiré ses vêtements pour protester contre le harcèlement moral de la police dans son université, souffre de troubles psychologiques et a été admise dans un hôpital psychiatrique", ajoute-t-elle.
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