Les pronostics vont bon train : Ben Bernanke, l'actuel président de la Réserve fédérale américaine, la “Fed” dans le jargon des économistes, ne finit son mandat qu'au début de l'année qui vient, mais déjà, des noms circulent pour le remplacer. Et c'est désormais une femme qui tient la corde. Une première aux Etats-Unis. Janet Yellen, actuelle vice-présidente de l'institution qui décide de la politique monétaire américaine, a en effet supplanté un homme dans les sondages à Wall Street et à Washington. Nombreux sont ceux qui se sont mobilisés, notamment au sein du parti démocrate, pour promouvoir cette économiste au parcours sans faute, professeure d'économie et ancienne présidente de la branche californienne de la Banque centrale, à San Francisco. Mais les féministes ont aussi joué un rôle. Et pour cause. Larry Summers, dont le nom circulait avec insistance pour le poste il y a quelques semaines, est non seulement considéré par certains comme un piètre économiste, malgré ses fonctions de directeur du Trésor sous Clinton, puis de conseiller économique d'Obama jusqu'en 2010, mais surtout, comme un horrible macho ! N'avait-il pas déclaré, en janvier 2005, alors qu'il était président de la prestigieuse université d'Harvard, que si peu de femmes se trouvaient à des postes clés dans les domaines scientifiques, c'était en raison de « problèmes intrinsèques d'aptitude » des étudiantes pour les sciences? L'affaire avait fait grand bruit. Si on prêtait à Obama, il y a encore quelques semaines, une préférence pour Larry Summers, les féministes se sont donc employées à le faire changer d'avis. Le président n'a pas encore fait connaître son choix, sur lequel les élus au Congrès devront ensuite se prononcer, mais le symbole est évident. Il s'agit, pour le premier président noir des Etats-Unis, de briser le fameux plafond de verre et de permettre à une femme de devenir la première à présider la Banque centrale américaine. Car même si elles sont relativement bien représentées à la Réserve Fédérale, où l'on compte environ 40% de femmes à des postes de hautes responsabilités (et 45% de femmes parmi les salariés), les économistes sont encore peu nombreuses aux Etats-Unis. La proportion de femmes professeures d'économie est de 13% seulement actuellement. A titre de comparaison, le pourcentage est de 26% en Grande Bretagne et de 12% en Allemagne. Si elle est choisie, Janet Yellen rejoindrait donc un club très fermé : les femmes à la tête de banques centrales dans le monde ne sont que 12 pour l'instant, soit 6% du total, parmi lesquelles on trouve Elvira Nabiullina, à la Banque centrale de Russie, Gill Marcus, en Afrique du Sud et Mercedes Marco del Pont, banquière centrale d'Argentine. Quant à la Banque centrale européenne, elle est particulièrement à la traîne, puisqu'elle ne compte aucune femme dans son conseil et encore moins à sa tête, évidemment !
Lysiane J.Baudu
Ancienne grand reporter à La Tribune, Lysiane J. Baudu a rencontré, pendant ses 20 ans de journalisme international, des femmes du monde entier.
Ces "rencontres" feront l'objet de billets, qui lui permettront de faire partager ses impressions, ses analyses, son ressenti au contact de ces femmes, dont l'action professionnelle fait sens pour toutes les autres, de même que pour la société.