Fil d'Ariane
Légaliser l'avortement, et ainsi révoquer une loi qui remonte à 1861...
Un vent de changement pour les droits des femmes a commencé à souffler sur la Sierra Leone, petit pays anglophone d'Afrique de l'Ouest, et cela par la volonté même de son président. Julius Maada Bio, a donné son feu vert au projet de loi pour une "maternité sans risque".
"Mon gouvernement a approuvé à l'unanimité un projet de loi sur la maternité sans risque qui comprendra une série de dispositions essentielles pour garantir la santé et la dignité de toutes les filles et femmes en âge de procréer dans ce pays", a déclaré le chef de l'Etat lors de son discours de clôture de la 10e Conférence africaine sur la santé et les droits sexuels à Freetown.
"A une époque où les droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive dans le monde sont soit renversés soit menacés, nous sommes fiers que la Sierra Leone puisse à nouveau mener une réforme progressiste", a lancé Julius Maada Bio. Un discours salué par un tonnerre d'applaudissements de l'assistance.
At the closing of the 10th Africa Conference on Sexual Health and Rights held in Freetown, I affirmed, that if our women and girls must share in the great promise of tomorrow; we must and should end rape and sexual violence in this lifetime. pic.twitter.com/a0SaTEmKy0
— President Julius Maada Bio (@PresidentBio) July 2, 2022
[Lors de la clôture de la 10e Conférence africaine sur la santé et les droits sexuels qui s'est tenue à Freetown, j'ai affirmé que si nos femmes et nos filles font partie de la grande promesse de demain, nous devons mettre fin au viol et à la violence sexuelle aujourd'hui.]
La nouvelle loi sierra-léonaise sur l'IVG devra encore être discutée et votée au Parlement, a précisé la présidence.
"Cette avancée monumentale est une victoire pour nos communautés et la coalition d'organisations et de mouvements de défense des droits des femmes en Sierra Leone qui ont plaidé en faveur d'un changement juridique, politique et social pour dépénaliser l'avortement", se sont réjouis dans un communiqué les principaux organisateurs de la conférence.
Entre les lignes, le président faisait référence, dans son discours, à la récente décision de la Cour suprême des Etats-Unis, annulant l'arrêt Roe v. Wade et supprimant ainsi le caractère constitutionnel du droit à l'avortement, ce qui donne la possibilité aux Etats américains de le rendre illégal sur leur territoire.
La loi actuelle sur l'avortement en Sierra Leone date de 1861, un siècle avant l'indépendance du pays. Elle interdit l'avortement, sauf si la vie de la femme est en danger.
Pourtant, les autorités sanitaires estiment que les avortements à risque causent environ 10 % des décès maternels du pays.
Le Fonds des Nations unies pour les populations a dénombré 1 120 décès maternels pour 100 000 naissances en 2017, l'un des taux les plus élevés au monde. Dans son rapport, l'UNFPA relève que les jeunes filles sont particulièrement concernées : "Les taux de grossesses adolescentes et de mortalité maternelle du pays figurent parmi les plus élevés au monde. Les violences sexuelles, omniprésentes, ciblent en grande partie les enfants et entraînent des conséquences terribles. Les jeunes filles les plus vulnérables sont susceptibles d’être agressées ou approchées par des garçons et des hommes plus âgés lorsqu’elles se risquent à sortir pour aller chercher de l’eau, vendre des marchandises ou même se rendre à l’école."
Let me celebrate a woman of substance UNFPA Regional Director 4taking her time to celebrate with us at the 10th Africa Conference on Sexual Health & Rights. My office is grateful for your support and we will continue to work with UNFPA for the development and wellbeing of women. pic.twitter.com/N61EBVS21p
— Fatima Maada Bio @HandsOffOurGirls (@Ladyfatimabio) July 11, 2022
[Permettez-moi de rendre hommage à une femme de fond, la directrice régionale de l'UNFPA, qui a pris le temps de célébrer avec nous la 10e Conférence africaine sur la santé et les droits sexuels. Mon bureau est reconnaissant de votre soutien et nous continuerons à travailler avec l'UNFPA pour le développement et le bien-être des femmes.]
"À l'adolescence, j'ai failli saigner à mort après un avortement clandestin. Que cette génération soit la dernière à vivre ces horreurs", a réagi Josephine Kamara, militante féministe.
#ACSHR2022 I will write later
— Josephine Kamara (@Jojo_Jazzmeen) July 2, 2022
For now, let’s look at the faces of women, young & old & even male allies, jubilating, as the @PresidentBio announced his support for the safe Motherhood & Reproductive Health Act.
This is the #CollectiveAtWork
Read more https://t.co/YmKmKWiyVp pic.twitter.com/L86eYFfmI3
"Cette avancée monumentale est une victoire pour nos communautés et la coalition d'organisations et de mouvements de défense des droits des femmes en Sierra Leone qui ont plaidé en faveur d'un changement juridique, politique et social pour dépénaliser l'avortement", s'est également réjoui Chernor Bah, co-PDG de Purposeful, une ONG activiste féministe africaine. "Cependant, nous savons que la dépénalisation de l'avortement ne le rendra pas accessible du jour au lendemain à toutes celles qui en ont besoin, et la stigmatisation au sein de nos communautés persistera, ajoute l'avocat féministe, Nous aspirons cependant à voir notre pays émerger d'un héritage de violence contre les femmes issu de plus d'une décennie de guerre civile et à faire preuve de leadership mondial en garantissant des grossesses sûres et saines, et l'accès aux soins d'avortement".
Yesterday we took a giant step towards decriminalised abortion in Sierra Leone - along with a package of provisions for progressive reproductive health services - read a longer comment from us here. https://t.co/UqczLGwx08
— #ACSHR2022 (@Purposeful_org) July 2, 2022
[Hier, nous avons fait un pas de géant vers la dépénalisation de l'avortement en Sierra Leone - avec un ensemble de dispositions pour des services de santé reproductive progressifs]
En 2015, le Parlement de la Sierra Leone avait adopté la loi sur l'avortement sécurisé, mais le président de l'époque, Ernest Bai Koroma, avait refusé de la promulguer en raison des pressions de certains groupes religieux.
La pratique de l'excision concerne aussi près de 90% des femmes dans ce pays. Un pays meurtri par une guerre civile qui a duré onze ans (1991-2002) et durant laquelle des milliers de femmes ont été soumises à des viols et violences sexuelles.