Une loi pour uniformiser la lutte contre les violences faites aux femmes en Europe

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Une loi européenne contre les violences faites aux femmes

Les membres du Parlement européen votent sur une convention pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique lors d'une session, le mercredi 15 février 2023 au Parlement européen à Strasbourg, dans l'est de la France.

Crédit AP Photo/Jean-Francois Badias
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En Europe, une femme sur 20 a été victime de viol. Le Parlement européen veut harmoniser les outils pour mieux lutter contre les violences faites aux femmes. Un projet de loi ambitieux est actuellement à l'étude. Plusieurs pays, dont la France, ont décidé de retirer un point majeur du texte, prévoyant une définition commune du viol. Ce que dénonce l'eurodéputée Nathalie Colin-Oesterlé qui en appelle au président Macron. 

Sept femmes meurent chaque jour en Europe, sous les coups d'un conjoint ou ex-compagnon. Rien qu'en France, 147 femmes sont mortes en 2022. Une femme sur trois a déjà subi des violences sexuelles et/ou psychologiques en Europe, une femme sur 20 a été victime de viol.

Le 8 mars 2022, la Commission européenne propose de créer la première loi sur cette thématique. Le texte, déjà adopté en commission parlementaire et par le Conseil européen, sera négocié en "trilogue", c'est-à-dire entre le Parlement, la Commission et les représentants des États membres. 

C'est la première loi européenne et c'est un signal extrêmement fort envoyé aux millions de femmes qui sont victimes de ces violences. Nathalie Colin-Oesterlé, députée européenne

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"Je suis heureuse de voir à quel point notre institution a su enrichir le texte proposé par la Commission pour véritablement combattre ce fléau, à la fois sur le volet pénal, mais aussi sur le volet accompagnement et protection des victimes",  indique dans un communiqué la rapporteure pour le Groupe PPE.

"C'est la première loi européenne et c'est un signal extrêmement fort envoyé aux millions de femmes qui sont victimes de ces violences, pour non seulement punir les auteurs de ces crimes, mais aussi protéger les victimes", ajoute, enthousiaste et combative, l'eurodéputée lors d'un point presse ce lundi 10 juillet 2023. 

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Ce projet de loi intervient alors que l'UE a ratifié son adhésion à la Convention d'Istanbul, le 10 mai 2023.

Un socle pénal commun 

La directive comporte deux volets, l'un pénal et l'autre sur l'accompagnement et la protection des victimes. "Sur le plan pénal, les législations des Etats membres sont hétérogènes, il était nécessaire d'harmoniser le droit en créant tout d'abord une définition commune pour certains actes afin qu'ils soient sanctionnés partout en Europe, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui", précise Nathalie Colin-Oesterlé. Viol, cyberharcèlement, mutilations génitales féminines, incitation à la violence en ligne : il fallait avoir "un socle de définitions communes", souligne-t-elle.

"Le violeur, c'est toi"

Des femmes portant des bandeaux violets lors d'un flashmob "The Rapist is You" (Le violeur, c'est toi) visant à sensibiliser à la violence et aux préjugés contre les femmes à Bucarest, en Roumanie, le 1er mars 2020. "Un violeur sur votre chemin " ou " The Rapist Is You ", est, à l'origine, une performance féministe chilienne dénonçant la violence à l'égard des femmes. 

AP Photo/Vadim Ghirda

En premier lieu sur les mariages forcés, criminalisés explicitement dans dix-sept Etats membres et implicitement dans sept. Rien n'est prévu en Roumanie, Lituanie et République Tchèque, précise l'élue européenne. La stérilisation forcée, elle, est criminalisée explicitement dans sept Etats membres et implicitement dans 17, rien de prévu en Lettonie, en Bulgarie et en Finlande. 

Concernant les mutilations génitales féminines : la France reste en tête avec 125 000 cas environ, mais pour l'instant cet acte est criminalisé dans le cadre des mutilations d'ordre général, "désormais cette infraction sera explicite". Quant au harcèlement en ligne, il est criminalisé dans cinq Etats membres. En France, par exemple, le fait que le harcèlement ait lieu en ligne ne constitue qu'une circonstance aggravante.  

En plus de définir un cadre commun de définitions, ce texte prévoit également des sanctions pénales communes à tous les Etats membres. 

Les victimes au coeur de ce projet de loi

"Aujourd'hui, celles qui sont victimes de violences sont contraintes à un véritable parcours de combattante ; ça reste la norme dans l'UE et en France également, constate l'eurodéputée. De l'information au dépôt de la plainte, à l'accompagnement à l'accueil, les obstacles restent extrêmement nombreux", regrette-t-elle. Ainsi, cette loi présente des propositions très concrètes notamment pour bénéficier d'une évaluation personnalisée de la situation des femmes, ainsi que la mise en place de mesures de protection des victimes en délivrant des ordonnances de protection et des mesures d'éloignement imposant notamment à l'auteur des violences de quitter le domicile conjugal. 

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Chaque Etat membre devra pouvoir héberger dans un refuge une famille pour 10 000 habitants. Enfin, la directive prévoit une meilleure écoute de la part de tous les professionnels qui doivent recevoir une formation spécifique, tels les policiers, médecins etc... 

Quelle est la plus-value de ce texte ? "Si une femme française subit une de ces violences dans l'un des pays de l'UE, elle sera mieux protégée et bénéficiera d'une meilleure reconnaissance de l'infraction", indique Nathalie Colin-Oesterlé. 

Autre initiative de cette loi : la création d'un congé payé pour la victime, lui permettant d'accéder aux services de soutien et d'être assistée dans les procédures judiciaires. 

Nathalie Colin-Oesterlé

Nathalie Colin-Oesterlé est élue locale depuis 2001 à Metz et députée européenne, membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, rapporteure pour son groupe, le PPE (centre-droit), sur la directive européenne visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

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Le viol, exclu du texte ?

Ce qui est "considéré comme un viol en France doit l'être partout en Europe", et "c'est là qu'une dure bataille va démarrer lors des trilogues, car la position du Conseil de l'Europe a été beaucoup moins ambitieuse que celles de la Commission et du Parlement, puisqu'il a décidé d'exclure le viol du champ d'application de cette directive", s'alarme la rapporteure

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Ce texte est basé sur l'article 83 du TFUE, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne datant de 2011, sur l'abus sexuel des enfants et repose sur la même base légale. Les autorités françaises avancent un "défaut de base juridique". Selon elles, le viol ne serait pas une "exploitation sexuelle des femmes et des enfants", telle que mentionnée dans l’article 83.

Nous allons nous battre pour inclure le viol dans ce texte, pour que les femmes victimes de viol bénéficient de la même protection. Nathalie Colin-Oesterlé

"En 2011, l’Union européenne s’est fondée sur cette même base légale de 'l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants', pour se doter d’une législation visant à lutter contre les 'abus sexuels commis contre des enfants'. La France avait, à l’époque, soutenu ce texte. Pourquoi une telle volte-face en 2023 ?", interroge l'eurodéputée dans un communiqué remis à la presse. 

"On ne comprend pas le revirement des Etats membres, et surtout celui de la France, qui a pourtant fait de cette question la grande cause de ses quinquennats ! Nous allons nous battre pour inclure le viol dans ce texte, pour que les femmes victimes de viol bénéficient de la même protection", insiste-t-elle. 

La Belgique, le Luxembourg, l'Italie et la Grèce ont réagi en regrettant officiellement le manque d'ambition de cette directive concernant le viol. 

"Je ne voudrais pas que sous prétexte d'une base légale qui viendrait à manquer, on exclut ce crime qu'est le viol", avec une définition commune et des sanctions communes, conclut la députée en prédisant de difficiles négociations, tout en restant "confiante". 

Dans l’Union européenne, 1 femme sur 20 a été victime de viol. Rien qu’en France, au moins 10 femmes sont victimes chaque heure d’un viol ou d’une tentative de viol.

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