Le Yémen a fait face voilà quelques jours à une grave crise énergétique, avec des coupures d’électricité jusqu’à 18 heures par jour, et des combats au Nord et au Sud. Pourtant, il a suffi qu'une femme décide d’ôter publiquement son hijab, pour incendier le réseau social Facebook. Shayma Jamal s’est retrouvé sous le feu d’attaques vicieuses par les usagers de Facebook au Yémen, très en colère après son choix de poster sa photo sans hijab. Beaucoup de femmes au Yémen ne portent pas le hijab et mettent des photos d’elles ainsi dévoilées sur leurs pages Facebook, mais le cas de Shayma s’est avéré plus sensible parce qu’elle le portait et qu’elle a décidé de l’enlever. Cela a énervé beaucoup de personnes, peut-être par crainte que cela devienne un phénomène de société. Dans une interwiew, Shayma Jamal dit : "Je ne crois pas dans le hijab, et si je le porte, c’est sans sympathie pour les traditions et les coutumes de la société. J’ai voyagé pour suivre des formations et j’ai pris l’habitude de marcher la journée entière sans hijab. Un de mes collègues m’a prise en photo ainsi, sans foulard, et j’ai posté le cliché sur ma page Facebook, pensant que cela était bien naturel. Je ne m’attendais pas à ces attaques." Les réactions ont pris Shayma par surprise. « Jusqu’à présent je ne comprends toujours pas ce qui m’est arrivé. Beaucoup de filles, jeunes ou pas, ne portent pas le hijab. Moi même je n’ai jamais porté de tenue intégrale islamique, de sorte qu’en l’enlevant cela aurait pu paraître provocant. Beaucoup de personnes savent que je professe des idées émancipées et que porter le hijab n’a rien de naturel pour moi. Ce à quoi je suis exposée est bien au delà de la critique : c’est une vraie campagne d’incitation au meurtre. Cela doit être dû au fait que j’ai montré de la force et de la confiance en moi lorsque j’ai affiché cette photo. Peut-être souhaitaient-ils que je la poste mais en silence comme un péché à garder secret. Je pense que tout cela est dû aussi à mes opinions politiques et à ma totale indépendance des partis politiques. Si j’avais été membre du Parti socialiste, du Parti du Congrès général du peuple ou du parti Al-Islah, ces terrifiantes attaques ne se seraient pas produites. » Shayma a reçu plus de 2000 messages, les uns stimulateurs de haine, les autres solidaires. Elle a été accusée d’appeler à enlever le hijab, de contribuer à la destruction de la culture islamique et de renoncer à l’Islam, et d’avoir fait du prosélytisme chrétien. Elle a aussi été désignée comme un agent sioniste, menant un plan sioniste pour éloigner les femmes yéménites de l’Islam. Les attaques contre Shayma ne se sont pas cantonnées à Facebook, sa famille l’a aussi bannie. Sauf son père, qui la soutient et ne la force ni à porter ni à enlever le hijab. Shayma Jamal est étudiante en sciences politiques à l’Université de Sanaa et travaille comme directrice exécutive à la
Basement Cultural Foundation, une ONG destinée à stimuler le débat public, le dialogue des cultures et les réformes politiques. Et la campagne de dénigrement a affecté son travail puisque l’ONG a été accusée elle aussi d’appeler à la christianisation, de prosélytisme athée au Yémen – des appels ont même circulé sur Internet pour que la Fondation soit fermée. « Ces attaques sont bien plus que des anicroches puisqu’elles mettent en danger non seulement la vie des employés de la Fondation », se lamente Shayma. Cela ne l’a pas incitée à se rétracter où à regretter sa décision. Elle dit même : « je ne peux vivre selon les diktats de certaines personnes, je décide de mes orientations. La vie est trop courte pour qu’on l’abandonne entre les mains et les plans d’autres personnes. »