Avec un simple jeu de mots, trois jeunes Américaines, une à la peau noire et les deux autres d'origine sri-lankaise réussissent à mettre à mal une multinationale du blanchiment de la peau qui sévit en Asie du Sud Est - et ailleurs. Il fallait juste y penser.
On pensait les méfaits du modèle de beauté blanche réservés au continent africain. Mais les multinationales de la cosmétique se jouent des frontières et imposent leurs normes et leurs produits là où on ne s'y attendrait pas.
Et pourtant,
nous apprend la BBC, les annonces matrimoniales, prolifiques en Asie du Sud-Est, qui relaient les demandes de "femmes à la peau clair - fair en anglais" reçoivent beaucoup plus de réponses que celles qui sont "unfair", à la peau mat. Les marchands de crèmes éclaircissantes proposent de tout passer à la moulinette du teint blanc ou crayeux - du visage, en passant par les poils sous les aisselles jusqu'à ceux du sexe des femmes. Leurs arguments font feu de tout bois : la blancheur, héritage des empires coloniaux et de l'aristocratie européenne du 18ème siècle (ah les fameuses "poudrées", femmes ou hommes) leur permettra d'accéder à de meilleurs jobs, une meilleur épouse, une meilleure vie, etc.
Les campagnes gouvernementales ou privées tentent de repousser ces sirènes si néfastes pour la santé mentale et physique des femmes qui se laissent berner. Mais jamais aucune n'avait atteint un tel degré d'efficacité, en tournant à la vitesse de l'Internet, tout autour de la terre.
Une traînée de poudre...
Elles sont trois à avoir uni leurs forces. Toutes texanes et étudiantes à l'Université d'Austin. La première est une "afro-américaine" de 21 ans. Pax Jones a lancé ce projet en décembre 2015 : prendre une série de photos de ses deux condisciples, les soeurs Mirusha et Yanusha Yogarajah, originaires du Sri Lanka. "
Notre objectif était de lutter contre le 'colorisme' et la sous-représentation des personnes de couleur dans les médias. Nous avons essayé de contrebalancer cette façon dont le 'colorisme à teinte unique' imprègne nos vies", explique la jeune Pax Jones.
Elle n'a eu aucun mal à convaincre ses deux camarades : Yanusha Yogarajah, qui étudie la sociologie et veut devenir travailleuse sociale se souvient avec douleur de de l'eau de Javel qu'elle badigeonnait sur la peau de ses mains pour les rendre plus acceptables, "parce que les normes culturelles le lui imposaient". Elle écoutait les autres lui dire qu'elle serait tellement plus jolie ainsi, et à l'époque, elle croyait sincèrement que c'était la bonne chose à faire.
Sa soeur Mirusha connaît elle aussi le poids de ces déterminants sociaux et culturels collectifs : "
Il y a beaucoup de pratiques culturelles qui cimentent ces idées que vous devez rester chez vous, utiliser certains produits, où que vous devez vous amender par d'autres moyens. Cette attention à la couleur est un phénomène mondial qui charrie l'idée que les personnes de peau sombre sont moins attractives ou désirables que celles qui arborent une peau claire".
Le titre de la série vient tout naturellement : "Unfair & Lovely" (mate et jolie) pour contrer le "Fair & Lovely" (claire et jolie), nom d'une crème blanchissante de la marque Hindustan Unilever qui essaime ses produits en Inde, en Indonésie, au Sri Lanka, en Thaïlande et dans d'autres pays du sud de l'Asie.
Unilever avait déjà été prise pour cible en Inde, avec presque autant de succès, par une rappeuse, Sofia Ashraf, qui swinguait contre les empoisonnements au mercure provoqués par la multinationale dans l'Etat du Tamil Nadu.
En quelques jours, les photos des deux soeurs postées sur les réseaux sociaux ont inciter des internautes à transformer le nom du projet en un mot dièse au succès fulgurant #UnfairAndLovely. Des milliers de jeunes femmes expriment cet enfermement qu'elles ont vécu en se regardant chaque jour dans la glace et le sentiment de libération, de soulagement, de fierté que la campagne leur permet d'éprouver.
Ainsi cette internaute lance-t-elle "#UnfairAndLovely, parce que lorque j'étais jeune, je croyais qu'avoir la peau claire était le seul moyen d'être belle..."
Tandis que cette autre déclare "
qu'après avoir eu honte pendant 17 ans de ma peau foncée, maintenant j'ai enfin appris à l'adopter."
Et celle-ci s'enorgueillit : "
je ne suis pas belle malgré le fait d'être sombre. Je suis belle parce que sombre ! "
"
Je veux que les femmes noires réalisent à quel point elles sont belles", renchérit cette autre.
Quant à cette dernière, elle lance #UnfairAndLovely à cette "
dame qui m'a dit que mon petit garçon avait bien de la chance d'avoir la peau claire et de ne pas être comme moi. Et moi je lui dit : silence !".
Nous sommes donc toutes et tous, à Terriennes, #UnfairAndLovely et fières de l'être !