Qui aurait pu parier que, le 2 juillet 2019, celle qui a fait ses débuts professionnels sous une blouse blanche de médecin deviendrait la première femme à présider la plus haute instance européenne... Après un premier mandat, la voici, le 18 juillet 2024, reconduite pour un second mandat à la tête de la Commission européenne.
Déjà, l'annonce de sa nomination à la tête des armées en Allemagne, en décembre 2013, avait fait fantasmer les commentateurs, surtout masculins. La très sérieuse première chaîne allemande ARD publiait sur son compte Twitter une caricature d'Ursula von der Leyen déguisée en Lara Croft (l'héroïne surpuissance de jeux vidéos), à moitié nue avec un fusil dans chaque main. D'autres internautes se demandaient si la Bundeswehr (l'armée fédérale) avait bien des vêtements de camouflage en 34 pour une femme aussi menue.
Malgré son apparence frêle, von der Leyen fut sans doute un poids lourd dans le cabinet de Merkel. Avec son parcours hors normes, sa brillante rhétorique et son aisance sur la scène internationale, elle pouvait même être considérée comme une "successeure" potentielle à Angela Merkel.
Avant de se lancer en politique, elle mène une première carrière comme médecin. Jeune femme, elle travaille comme médecin assistant à la maternité et chercheuse assistante à l'université de Hanovre. Dans sa thèse de doctorat, elle disserte sur l'une des complications pendant l'accouchement.
[A Kyiv, pour ma 3ème visite depuis le début de la guerre de Russie. Tant de choses ont changé. L'Ukraine est désormais candidate. je discuterai avec @ZelenskyyUa et @Denys_Shmyhal comment continuer à rapprocher nos économies et nos citoyens pendant que l'Ukraine progresse vers l'adhésion.]
Pourtant, la politique a toujours fait partie de sa vie : son père, Ernst Albrecht, était un haut fonctionnaire européen avant de devenir ministre-président de Basse-Saxe (nord-ouest de l'Allemagne).
Il était aussi le père d'une famille nombreuse : Ursula von der Leyen a grandi entourée de cinq frères et d'une petite soeur qui est décédée à l'âge de onze ans. La fratrie XL fut manifestement une très bonne expérience puisqu'elle a fini par devenir elle même mère de sept enfants, deux garçons et cinq filles, dont des jumelles.
Elle est l'une de rares personnalités politiques allemandes qui, forte d'une solide expérience internationale, parle couramment anglais et français. Elle a passé une partie de son enfance à Bruxelles, où son père travaillait à l'époque, et elle a passé quatre ans à Stanford en Californie ou son mari occupait un poste en médecine à l'université.
C'est seulement à l'âge de 32 ans qu'elle prend sa carte du parti conservateur CDU et qu'elle commence à s'investir au niveau local. A partir de 2003, sa carrière politique décolle : ministre de la santé dans le gouvernement régional de Hanovre (capitale de Basse Saxe), puis en 2004, membre du bureau national de la CDU, et en 2005 ministre de la Famille dans le premier cabinet de Merkel.
A ce poste, elle se bat pour installer un salaire parental qui correspond à deux tiers du dernier salaire, plafonné à 1800€ par mois, pour une durée de 14 mois au maximum. La grande nouveauté : elle inclut une incitation financière pour les nouveaux pères afin qu'ils prennent au moins deux mois de congé parental - et ça marche. Aujourd'hui, plus d'un quart des pères allemands profitent d'un tel congé.
Plus féministe qu'Angela
Souvent, elle défie l'aile conservatrice de son parti qui voit toujours la place de la femme au foyer auprès ses enfants - Kirche, Küche, Kinder, les sacro-saints trois K, église, cuisine, enfants. Sous sa tutelle, l'Allemagne va finalement augmenter le nombre de places en crèches afin que les femmes puissent mieux concilier travail et éducation des enfants.
Ministre du travail entre 2009 et 2013, elle impose un quota légal de femmes à la tête des entreprises, contre l'avis de la chancelière et du patronat, et elle est favorable à un salaire minimum, projet phare de la gauche.
Cette "addict" au travail a failli être candidate à la présidence de la République en 2010. Elle a tout fait pour éviter le ministère de la Santé qu'elle aurait considéré comme une régression. Le ministère de la Défense était, après tout, une étape logique : à la faveur de la responsabilité internationale croissante de l'Allemagne, elle devient également vice-ministre des Affaires étrangères. Elle a hérité d'un portefeuille compliqué - une réforme des forces armées en souffrance et une Allemagne de plus en plus conviée à participer aux interventions militaires à l'étranger, un sujet toujours plus ou moins tabou dans ce pays en raison du passé nazi. Mais elle aura aussi l'occasion de s'établir, en vue des élections de 2017. Comme disait un internaute : "Et pourquoi pas papesse?"