La solution est donc venue des femmes. Après trois jours d'interminables discussions à Bruxelles, c'est un double ticket féminin qui a finalement réussi à se hisser sur le toit de l'Europe le 3 juillet dernier.
A cela s'ajoute un doublé historique : l'Allemande Ursula von der Leyen devient la première femme à occuper le fauteuil de présidente de la Commission européenne, succédant ainsi à Jean-Claude Juncker. La Française Christine Lagarde va devoir quitter son bureau au FMI pour diriger la BCE, la Banque centrale européenne, elle aussi sera la première femme à ce poste.
Selon des sources européennes, c'est le président français, très remonté face à la mauvaise image donnée par ces discussions sans fin à Bruxelles, qui aurait proposé le nom de la ministre allemande de la Défense. Selon le quotidien allemand
Die Welt paru mardi, le président du Conseil, Donald Tusk, aurait également proposé le nom de cette ministre de droite, membre du PPE. Si cette candidature se confirmait, elle serait la première femme à occuper une telle position.
Quant à Christine Lagarde, l'actuelle directrice générale du FMI (Fond monétaire international), la chancelière allemande Angela Merkel n'était pas contre ...
Un doublé historique
Qui est
Ursula von der Leyen ? Agée de 60 ans, cette femme politique de droite a été plusieurs fois ministre. Née en Belgique, médecin de formation, et mère de sept enfants, elle parle couramment le français et l'anglais. On la présente comme une conservatrice modérée, elle a également été ministre fédérale de la famille, puis des affaires sociales. Proche de la chancelière, elle mène une politique familiale jugée aux antipodes des positions de son parti en favorisant notamment le développement des crèches et en instituant un "salaire parental". Un temps pressentie pour succéder à Angela Merkel, elle est, depuis 2013, la première femme à occuper le fauteuil de ministre de la Défense en Allemagne.
Ministre de travail entre 2009 et 2013, elle avait réussi à imposer un quota légal de femmes à la tête des entreprises, contre l'avis de la chancelière et du patronat. Aujourd'hui sa désignation à la tête de la plus haute instance européenne soulève cependant des réactions mitigées en Allemagne, son bilan au ministère de la Défense controversé, l'a rendue impopulaire.
Christine Lagarde, 63 ans, n'en est pas à sa première "première fois". Elle a occupé le fauteuil de ministre de l'Economie en France de 2007 à 2011, première femme à occuper ce poste dans un pays du G8. Après la nomination successive de dix hommes, elle devient en 2011 la première directrice générale du Fonds monétaire international.
Son profil pour diriger la BCE laisse certain.e.s perplexes, estimant qu'il s'agit plus d'un choix "politique plutôt que technocratique : elle n’est ni économiste ni banquière centrale", commente Eric Albert qui signe son portrait dans
Le Monde. Elle traîne aussi une casserole "Tapie", en autorisant un recours inhabituel à une procédure arbitrale, ce qui avait débouché à un versement de 400 millions d’euros à Bernard Tapie, dans son différend avec le Crédit lyonnais. En 2016, elle avait été condamnée pour "négligence" par la Cour de justice de la République, mais avait été dispensée de peine.
Il y a quelques mois encore, celle qui devient la grand argentière de la zone euro avait exclu l'éventualité de prendre la direction de la BCE.
En septembre dernier, elle confiait au
Financial Times : "Non, non, non, non, non, non… Je ne suis pas intéressée par un emploi européen, ni à la BCE ni à la Commission… ".
"Le féminisme n'est pas l'apanage des femmes", avait-elle déclaré le 1er mars derniers dans un entretien dans le quotidien britannique
The Guardian. Pour elle,
"La violence à l'égard des femmes demeure un problème de taille, et pas seulement dans les pays à faible revenu. Il faut en débattre et la combattre", craignant un effet boomerang après #MeToo, et que des entreprises n'embauchent pas certaines candidates compte tenu du risque potentiel, assimilant ces candidates à une source de problèmes.
Si ce ticket Von der Leyen/Lagarde permet à l'Allemagne et à la France d'obtenir chacun un poste européen d'envergure, il marque aussi un tournant "féminin" sans précédent à la tête des hautes instances européennes.
"Pour la première fois dans l'histoire communautaire, la Commission et la Banque centrale européenne seront dirigées par des femmes, cette dernière étant quasimment un club réservé aux hommes. Rien qu'en cela, c'est une vraie révolution", écrit notre confrère Jean Quatremer dans
Libération.
Des hommes aussi, pour la parité à la tête de l'Europe
L'actuel Premier ministre libéral belge Charles Michel a été choisi pour la présidence du Conseil européen. A 43 ans, il va quitter son poste de Premier ministre belge.
Le socialiste catalan Josep Borrell, un proche du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, prend lui le fauteuil en tant que chef de la diplomatie européenne.
Et c'est le socialiste italien David Sassoli qui a été élu mercredi 3 juin président du Parlement européen à Strasbourg. Cet homme de 63 ans a été désigné après deux tours lors de la première assemblée plénière du nouveau Parlement. Un duo féminin aux commandes pour la parité
"Tout le monde doit comprendre qu'il faut bouger un peu. Et je dis bien tout le monde", avait déclaré Angela Merkel mardi. Le sommet avait été interrompu lundi à la mi-journée, avec un nouveau rendez-vous le lendemain matin, rare décision qui a contraint 28 chefs d'Etat et de gouvernement à chambouler leur agenda.
Fatigué après une semaine au Japon, le président français Emmanuel Macron s'était emporté lundi contre cet "échec", conscient que cet aveu d'impuissance allait à l'encontre de son ambition d'une UE plus forte. "Cela donne une très mauvaise image de l'Europe, une image pas sérieuse", "pas crédible au plan international", avait-il fustigé.
Le renouvellement de ces postes est rendu complexe par le morcellement du paysage politique européen. Les élections de mai ont vu le tandem PPE et social-démocrate perdre le contrôle de la majorité qu'il détenait au Parlement européen.En 2014, il avait fallu trois sommets pour attribuer la présidence de la Commission à Jean-Claude Juncker (PPE) et celle du Parlement à Martin Schulz, chef de file des sociaux-démocrates. Un quatrième sommet fin août avait porté sur le poste de président du Conseil et de Haut représentant.
Cette féminisation à la tête de l'Europe représente une première historique, et elle s'inscrit dans un moment crucial concernant les droits des femmes, en premier lieu le droit à l'avortement, menacé dans plusieurs pays de l'Union, mais aussi la parité politique, l'égalité salariale ou encore le congé parental ou paternité. Mais attention, tournant féminin ne signifie pas pour autant tournant féministe, parfois la conscience sororale des dirigeantes politiques une fois en place laisse à désirer. Les deux personnalités choisies sont connues pour leur positions plutôt conservatrices et libérales. Leurs nominations suscitent depuis hier soir des réactions plus ou moins enthousiastes du côté des défenseures des droits des femmes.
A suivre donc.