Même si la loi indienne stipule qu'une victime de viol doit être protégée de la vue du public au cours du procès, rien n'avait été prévu pour la cacher lorsqu'elle a été citée à comparaître. Sa famille recevait en outre des menaces anonymes par téléphone après chaque audience. La semaine dernière, trois ans après les faits, le violeur présumé a été innocenté. "Le viol n'est pas un crime comme les autres. On doit vivre avec un corps qui été violé, on doit vivre avec le souvenir de ce que l'on vous a fait et l'on doit vivre avec sa propre impuissance", confiait cette victime au magazine.
Pour tenter d'apaiser les peurs des femmes, les autorités ont mis en service à New Delhi et Bombay des trains dotés de compartiments réservés aux passagères. La Cour suprême a par ailleurs ordonné le mois dernier à tous les gouvernements locaux de faire patrouiller des femmes policiers dans les espaces publics, y compris les marchés, les parcs, les plages et les transports publics.
Pays fortement conservateur, l'Inde a toutefois connu de profonds bouleversements sociaux ces dernières années sous l'effet de la croissance économique, avec un plus grand nombre de femmes accédant au marché de l'emploi. Mais les associations estiment que de nombreux hommes voient ce changement comme une menace. "Il y a aujourd'hui une vraie bataille entre un état d'esprit violemment patriarcal et une hausse du nombre de femmes dotées de plus grandes responsabilités dans l'Inde urbaine", juge Hindol Sengupta, cofondateur d'une organisation caritative basée à New Delhi, Whypoll.
Et une étude très récente, publiée au lendemain du crime de New Delhi, vient conforter cette vision d'un pays misogyne et peu enclin à protéger les victimes de viols ou de harcèlement : une vingtaine d'hommes poursuivis pour viol se sont présentés à des élections en Inde ces cinq dernières années, selon l'
Association pour des réformes démocratiques (ADR). Selon l'ADR, "depuis 2007, les partis politiques ont sélectionné 20 hommes accusés de
viol comme candidats à des élections locales. C'est choquant et des mesures urgentes doivent être prises", a estimé vendredi le fondateur du groupe, Jagdeep Chhokar.