Fil d'Ariane
Depuis 15 ans, la fondation a soutenu 300 projets d’entrepreneures dans le monde. Elle les sélectionne dans les pays où la filiale locale de la marque Yves Rocher veut développer le prix (Ukraine, Russie, Portugal, France, Allemagne, Maroc, Suisse, France, et depuis 2016, Mexique et Turquie). Jacques Rocher tient à cette diversité : « diversité des projets, des pays dans lesquels ils sont menés et des origines des porteuses de ces projets. »
« Elles sont très difficiles à départager. Pour le prix international, on a peut-être penché vers celles qui entreprennent une action dans leur propre pays, où la transmission est directe », confie Sylvie Braibant, membre du jury international et rédactrice en chef de l’émission "Terriennes" (TV5Monde), partenaire du prix. « Il faut avoir conscience, poursuit-elle, qu’en Russie, en Ukraine, au Mexique ou en Tuqruie, même si les actions de sauvegarde de l’environnement semblent minuscules, leurs porteuses agissent dans une très grande solitude. Elles sont très méritantes ».
Cette année, exceptionnellement, la Fondation a décidé de récompenser deux projets au lieu d'un seul, profitant de la dotation plus grande du prix, en l'honneur de son 15ème anniversaire.
Les neuf lauréates en lice se consacrent à la reforestation de zones défrichées, la création de lumière grâce à la réverbération de l’eau dans les cases de villages africains, le développement d’une agriculture écologique dans des zones rurales en grande difficulté, le traitement de déchets ou encore la protection d’espèces en voie de disparition.
Tous ces projets demandent un investissement en temps, en énergie et en argent important. Par exemple, la lauréate France 2016, primatologue au zoo de Vincennes, qui a créé une association de défense du grand hapalémur (un primate), se rend deux à trois fois par an à Madagascar sur ses fonds propres.
Sur place, Delphine Roullet fait en sorte que les cultivateurs, pauvres, ne détruisent pas l’habitat du lémurien, qui vit sur leurs terres : " un équilibre entre les hommes et les animaux qui n'est pas simple " dit-elle, mais qu'elle a néanmoins réussi à atteindre, puisque grâce à son action, le grand hapalémur vient d'être retiré de la liste des animaux en voie d'extinction.
"Ma fille est fière de moi"
Dans chaque pays participant, la fondation Yves Rocher offre un soutien financier de 5000, 3000 et 2000 euros pour les premières, deuxièmes et troisièmes lauréates. La dotation du prix est plus élevée en France, Allemagne et Russie, où la marque Yves Rocher souhaite soutenir encore plus les projets.
L'un des buts de « Terre des femmes » est de « démultiplier les initiatives », comme l’explique son président d’honneur.
Le prix cherche aussi à « offrir une marque de reconnaissance aux entrepreneures dont l’engagement n’est pas toujours soutenu dans leur pays ».
Ce fût le cas de Souhad Azennoud, lauréate 2016 au Maroc. Cette ingénieure agronome a choisi de quitter sa vie en ville et son emploi pour se consacrer au développement de la production de « petit épeautre » dans les villages. Elle veut empêcher les jeunes, en particulier les femmes, de partir en ville « et végéter sans travail », en leur donnant les moyens de gagner leur vie par l’agriculture.
Lorsqu’elle reçoit le prix « terre de femmes » Maroc 2016, sa fille, qui « n’a jamais eu d’intérêt pour ce qu’ (elle) faisait dans (s)on village » et qui a souvent reproché à sa mère de « préférer ses cultures à ses enfants » lui confie alors combien elle est fière d’elle, raconte aujourd'hui la lauréate.
Lors des rencontres avant la remise des prix, d'autres postulantes, en particulier les lauréates venues de l'Est de l'Europe, de Russie et d'Ukraine insistaient elles aussi sur cette difficulté à concilier engagement militant, vie privée et vie professionnelle. Evgueniya Aratovskaya, prix Ukraine, et Anastasia Skourikhina, prix Russie Terre de femmes 2016 racontent comment elles doivent tout faire (organiser, gérer, transporter, etc) et se battre en permanence dans une grande solitude pour ne pas renoncer. La première tente d'organiser et de sensibiliser au tri des déchets dans un pays où cette pratique est encore inexistante... La deuxième offre de replanter des arbres avec une action citoyenne dans la région de Kirov (centre oriental de la Russie).
Pour les aider à ne pas baisser les bras, cette année, la Fondation a créé un nouveau département de ses actions, les « coups de pouce » afin de mettre en relation des personnes qui veulent offrir leur aide, financière ou matérielle, avec les entrepreneures "terre de femmes".