En 2014, la députée Vian Dakhil lançait un appel déchirant au Parlement irakien. Depuis, sa vie est un combat pour sauver son peuple, les Yézidis, persécutés depuis 2014 par les jihadistes de Daech.
Août 2014, Sinjar, nord de l’Irak,
berceau de la minorité religieuse des Yézidis :
les militants du groupe Etat islamique (Daech) kidnappent des centaines d’hommes, d'enfants et de femmes. Pour le groupe extrémiste sunnite, cette minorité kurdophone, mais non musulmane, est hérétique - des adorateurs du diable. Les hommes sont torturés, les petits garçons sont "dressés" au jihad, forcés à regarder de cruelles exécutions pour pouvoir en faire autant le jour venu.
Jeunes femmes et adolescentes, qui n'ont parfois qu'une douzaine d’années, sont séparées de leurs parents et vendues, données ou forcées de se marier à des combattants de l’Etat islamique. Là commence l’horreur pour les jeunes femmes, soumises à la torture, au viol et autres violences sexuelles, et obligées de se convertir à l’islam. Cette offensive était "tout autant une conquête sexuelle qu’une conquête territoriale", explique Matthew Barber, un spécialiste américain de la minorité yézidie.
► Lire notre article : Le viol érigé en théologie par l'Etat islamique
Immédiatement, la jeune députée de 42 ans Vian Dakhil, seule Yézidie du Parlement de Bagdad, lance une déchirante plaidoirie pour son peuple :
Son appel émeut le monde entier, jusqu'à Barack Obama, mais rien n'empêche le commerce sinistre, mais très lucratif, qui se met alors en place : des réseaux parfaitement orchestrés se développent pour gérer l'esclavage sexuel des femmes du "califat". Certaines, pourtant, s'échappent ; d'autres sont libérées sous la pression internationale ou encore rachetées par leur famille. Elles racontent alors les violences sexuelles, les tortures et les mariages forcés qu’elles ont dû endurer.
► Lire notre article Les femmes yézidies poussées au suicide selon Amesty International
► Lire le témoignage d'une rescapée "Moi, Jinan, esclave de Daech"
Depuis, Vian Dakhil, ancienne professeure de biologie, dénonce le "génocide" dont est victime cette minorité kurde. Rien n'y fait. Elle est hantée par cette tragédie. Alors elle-même issue d’une famille riche et influente, elle décide de puiser dans sa fortune personnelle pour racheter à leurs ravisseurs les femmes et les enfants retenus contre leur gré. "
Je paye entre 4000 et 6000 dollars par personne, un peu moins pour les enfants", expliquait-elle en mars dernier à
notre partenaire Le Temps. C'est elle qui s’occupe de tout et c’est sur son numéro personnel qu’elle reçoit les appels à l’aide, les cris de détresse ou les demandes de rançon.
Des milliers d'euros pour retrouver la liberté
Dans le reportage ci-dessous, elle explique avoir payé 15 000 euros pour libérer une femme et ses 7 enfants, qui avaient déjà été vendus et rachetés 8 fois - les femmes sont violées, puis quand les acheteurs se lassent, ils les revendent. Elles sont séparées de leurs enfants. Elle a des contacts en Syrie qui l’informent lorsque les hommes de Daech veulent revendre les femmes. Elle réunit l’argent et le fait passer par des intermédiaires infiltrés sur place.
Pour mener son action et sensibiliser le monde à la cause yézidie, Vian Dakhil s’appuie sur les réseaux sociaux :
"Dépistage ADN pour identifier les Yézidis massacrés par Daech. 15 charniers retrouvés", annonce le tweet ci-dessous.
Rien d'étonnant, donc, à ce qu'elle soit devenue une cible à abattre par les djihadistes. Mais ce ne sont pas les menaces de mort qu'elle reçoit en permanence qui peuvent éteindre sa pugnacité. "Ils croient en la charia, moi en l’humanité, à la justice et au droit. Et ma foi est plus forte que la leur." Elle rêve de libérer, une par une, celles qu’elle appelle ses "sœurs".