Fil d'Ariane
Victoria Roshchyna est décédée en captivité en Russie le 19 septembre dans des circonstances encore floues. La journaliste indépendante ukrainienne avait disparu depuis août 2023. Elle avait 27 ans.
La journaliste ukrainienne Victoria Roshchyna, décédée en septembre 2024, alors qu'elle était entre le mains des forces russes.
Ses proches l'appellaient affectueusement "Vika". Victoria Roshchyna était née un 6 octobre et elle ne fêtera jamais ses 28 ans. Victoria Roshchyna est la treizième journaliste à mourir à cause de l’invasion russe du 24 février 2022, précise RSF sur son site. Elle faisait partie des vingt journalistes ukrainiens détenus par la Russie pour leur travail.
Victoria Roshchyna est morte le 19 septembre, selon une lettre du ministère russe de la Défense reçue par sa famille en Ukraine, indique l'ONG Reporters sans frontières dans son communiqué. Son décès a été confirmé par les autorités ukrainiennes mais la cause et les circonstances demeurent inconnues.
J'ai une question. Qu'ont-ils fait d'elle ? Oleksandra Matviichuk, membre du Centre pour les Libertés Civiles sur X
La journaliste freelance collaborait notamment pour le média indépendant ukrainien Ukraïnska Pravda. Elle avait disparu le 3 août 2023, alors qu’elle se rendait dans les territoires occupés d'Ukraine via la Russie pour couvrir la situation locale. Depuis, aucun signe de vie n’avait été signalé, malgré les demandes adressées, notamment par RSF, aux autorités russes. La Russie a confirmé pour la première fois sa détention en avril 2024, selon le parquet ukrainien.
"J'ai une question. Qu'ont-ils fait d'elle ? Qu'a-t-on pu faire à une jeune fille pour qu'elle meure ? J'appelle toutes les organisations journalistiques des différents pays à exiger officiellement une réponse de la Russie. Vika, tu as été si courageuse. Je suis vraiment désolée de ne pas vous avoir fait libérer à temps…", écrit sur X, Oleksandra Matviichuk, l'activiste des droits humains, Prix Nobel de la Paix en 2022.
Selon les services de renseignement de la Défense ukrainiens, la journaliste figurait sur une liste d'échange de prisonniers.
Thèse avancée également par le média russe indépendant Mediazona, selon lequel la journaliste est décédée lors d'un transfert depuis une prison de Taganrog, dans le sud-ouest de la Russie, vers Moscou. Un responsable ukrainien s'occupant des prisonniers de guerre, Petro Iatsenko, précise que son transfert "était une étape en vue de la préparation de sa libération" dans le cadre d'un échange.
Selon le père de la jeune femme, cité dans le quotidien Libération, "la jeune femme avait cessé de se nourrir depuis plusieurs jours".
Les détentions illégales et les enlèvements de journalistes sont l'arme de la Russie contre la liberté d'expression. Dmytro Loubinets, commissaire ukrainien aux droits humains
Le parquet général ukrainien a annoncé avoir ouvert une enquête pour "crime de guerre". "La procédure pénale ouverte pour sa disparition a été requalifiée en crime de guerre associé à un meurtre avec préméditation", a déclaré le parquet dans un communiqué publié sur Telegram.
Victoria Roshchyna est née dans le sud de l'Ukraine dans la ville de Zaporizhia. Elle a commencé à travailler comme journaliste lorsqu'elle était adolescente, couvrant les décisions judiciaires et la criminalité. Après l'invasion et l'occupation russes de l'Ukraine orientale en 2022, elle a commencé à écrire sur la vie dans les zones occupées par la Russie en Ukraine et sur le siège de Marioupol. Elle a notamment collaboré avec les médias ukrainiens Ukraïnska Pravda et Hromadske.
Début mars 2022, sa voiture a été la cible de tirs de chars russes. Elle et son chauffeur réussissent à s'échapper, mais son ordinateur et son appareil photo ont été volés. Le 11 mars, Roshchyna a été détenue à Berdiansk par le Service fédéral de sécurité russe pendant dix jours. Elle ne sera libérée qu'après avoir réalisé une vidéo affirmant que "les forces russes lui avaient sauvé la vie".
Plus tard la même année, elle reçoit un prix du courage dans le journalisme décerné par la Fondation internationale des femmes dans les médias.
En juillet 2023, la journaliste se rend dans l'est de l'Ukraine occupé par la Russie, probablement pour faire un reportage sur la centrale nucléaire de Zaporizhia - sa ville natale. Le 3 août 2023, elle joint des membres de sa famille pour leur dire qu'elle a passé les contrôles aux frontières. C'est la dernière fois qu'ils ont eu de ses nouvelles.
[traduction: « Sa vie a été ôtée parce qu'elle a osé dire la vérité »]
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré sur les réseaux sociaux que la mort de Victoria Roshchyna était "un véritable coup dur" pour de "nombreux journalistes ukrainiens qui (la) connaissaient". "Il y a encore beaucoup d'autres journalistes, personnalités publiques, leaders politiques (...) et gens ordinaires en captivité russe", a-t-il poursuivi, en précisant avoir soulevé le problème de leur libération lors de sa rencontre avec le pape dans la matinée.
L'Union européenne exige une enquête approfondie et indépendante pour éclaircir toutes les circonstances. Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie de l'UE
L'Union européenne s'est déclarée "consternée" par la nouvelle du décès de Victoria Rochtchina et "exige une enquête approfondie et indépendante pour éclaircir toutes les circonstances", a annoncé Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie de l'UE Josep Borrell. Le sort de cette journaliste indépendante "est un rappel tragique des milliers de personnes détenues dans les territoires ukrainiens occupés et en Russie ainsi que de la répression imposée par les autorités russes, y compris en Russie", a-t-il ajouté.
Pour Dmytro Loubinets, le commissaire ukrainien aux droits humains, "Les détentions illégales et les enlèvements de journalistes sont l'arme de la Russie contre la liberté d'expression".
L'ONG Reporters sans frontières a appelé Moscou à "faire la lumière sur toutes les circonstances de sa détention et de son décès". Selon Kiev, environ 25 journalistes ukrainiens sont actuellement en captivité en Russie et d'autres sont considérés comme portés disparus.
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